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Réponse à l’éditorial de l’Aut’Journal

PQ et ADQ : La même prescription d’huile de ricin sociale-libérale et nationaliste

vendredi 1er novembre 2002, par Marc Bonhomme

Le plus récent éditorial de L’Aut’Journal enjoint l’UFP de se soumettre aux appareils syndicaux. À ceux-ci l’on conseille de négocier un pacte électoral avec le PQ qui, paraît-il, leur ménagerait quelques comtés si on lui en faisait la demande sans même qu’il y ait nécessité de construire un rapport de force, de toute façon inexistant et impossible à construire avoue-t-on.

L’éditorial revient donc à la charge, avec un nouvel argumentaire, en représentant la proposition initiale de cet été d’un front anti-adéquiste au lieu de se mettre enfin à construire un parti ouvrier/populaire. On essaie aussi probablement de profiter d’une apparence d’essoufflement du côté de l’exécutif de l’UFP provenant d’une déception de ce que la gauche sociale n’embarque pas ou à peine dans la construction du parti de la gauche unie (voir page 1 de la lettre 3 de l’UFP).

Il faudrait, nous dit-on, ne pas répéter l’erreur de la gauche sociale ontarienne qui en lâchant le NPD de Bob Rae, si décevant fut-il tout comme le PQ de Lucien Bouchard a pu l’être, a ouvert la porte à bien pire. Ce parallèle Ontario-Québec suppose à la fois une identification des Conservateurs ontariens avec l’ADQ et du NPD avec le PQ, donc une différence qualitative entre ces deux duos. Est-ce bien le cas ?

Harris et ADQ séparé par le fossé de la question nationale

La "révolution du bon sens" à la Harris, c’est-à-dire le néolibéralisme doctrinaire, était l’épine dorsale des Conservateurs ontariens représentatifs du capital manufacturier par ailleurs en très grande partie étasunien et commercial ontarien qui voulait davantage des baisses d’impôt que le remboursement de la dette publique voulue par le capital financier, afin de soutenir la demande solvable pour ses produits, demande solvable mise à mal dans l’Ontario en crise du début des années 90. Ce qui n’empêchait pas Harris de défendre aussi les intérêts du capital financier par sa politique de privatisation sans compter les politiques de coupures et de contre-réformes communes à l’ensemble de la bourgeoisie.

L’épine dorsale de l’ADQ, par contre, a été sa position de tablettage " pour dix ans " du débat constitutionnel tout en présentant un visage nationaliste (le rapport Allaire). Ce n’est que depuis sa récente popularité qu’il a été forcé de révéler sa politique néolibérale doctrinaire. Celle-ci est peut-être celle de " génération montante " tant de la téléinformatique montréalaise que celle des régions abandonnées à leur sort par l’État, mais elle n’est pas celle de la bourgeoisie québécoise comme l’a révélé la critique de la flat tax par le patron de Canam-Manac puis celle du Conseil du patronat récusant la médecine " à deux vitesses " (mais pas, bien sûr, la sous-traitance généralisée de la santé).

Rien d’étonnant à cela. La bourgeoisie québécoise à bien distinguer de la fraction québécoise de la bourgeoisie canadienne telle Power Corporation, SNC-Lavalin et de plus en plus Québécor qui soutiennent le parti Libéral ne se sent pas les reins assez solides pour faire face seule au libre-échangisme de l’ALÉNA/ZLÉA, surtout de son chapitre 11 que le PQ récuse mais non le gouvernement fédéral, malgré certaines réticences, soucieux d’abord de protéger les investissements extérieurs de la bourgeoisie impérialiste canadienne. D’où sa solution de l’État-payeur proposée par la bourgeoisie québécoise proprement dite. En un mot comme en dix, celle-ci se reconnaissait très bien dans les politiques du PQ, à l’exception notable de sa stratégie référendaire. Maintenant que le bateau coule, elle va vers l’ADQ en autant qu’il péquise ses politiques sociales et économiques tout en restant fidèle à sa position constitutionnelle (ce que n’a pas fait le discours de son chef à Toronto)

Ceci dit, les bases électorales des Conservateurs ontariens et de l’ADQ se ressemblent : les dites classes moyennes des banlieues et des villes hors zones métropolitaines, c’est-à-dire la petite bourgeoisie tant professionnelle que traditionnelle et les couches aisées du prolétariat découragées et écoeurées de payer de plus en plus de taxes pour de moins en moins de services publics et qui ne croient plus en la possibilité d’un tournant. Mais si le corps est le même, la tête est fort différente, la différence venant d’une pleine prise en compte de la question nationale.

Le PQ n’est pas un parti ouvrier, le NPD, si, malgré tout

Quant au PQ versus le NPD, c’est toute la différence entre un parti national-populiste et un parti ouvrier bourgeois. Le PQ a eu une tactique social-démocrate (" le préjugé favorable aux travailleurs "). Mais, pris dans les câbles, il ressort des boules à mite son discours social-démocrate (" le plein emploi ") pour faire oublier ses politiques réelles authentiquement néolibérales (le " déficit zéro "). Son emprise sur le mouvement syndical et populaire (le " bloc nationaliste "), cependant, il la doit surtout à son nationalisme intrinsèque (le " souverainisme ") qui s’est substitué dans la conscience populaire à l’indépendantisme internationaliste qui animait les importantes couches militantes du grand mouvement de libération nationale des années 60 et début 70.

Si l’électorat péquiste est (était) en grande partie le mouvement ouvrier/populaire organisé (et la petite bourgeoisie), ce ne sont pas les représentants et représentantes de cet électorat qui dirige le PQ. C’est plutôt le personnel politique issu de l’aile nationaliste des années 60 du parti Libéral et leurs successeurs, tout comme d’ailleurs l’ADQ est dirigé par l’aile nationaliste des années 90 de ce même parti Libéral. Comme quoi, si l’empaquetage varie selon l’idéologie dominante de l’époque, l’origine " grande bourgeoisie canadienne " est la même tout comme la stratégie : s’adapter/manipuler le nationalisme du peuple québécois. Comme disent les anglophones : " Plus ça change ".

Par contre les appareils syndicaux jouent un rôle très influent sinon déterminant dans la direction du NPD, dont d’ailleurs la direction a tenté sans succès de s’émanciper lors de sa tentative blairiste ratée de l’été 2000. Le NPD est ainsi le parti organique du prolétariat organisé, donc un parti ouvrier, même s’il refuse de remettre en cause les rapports sociaux capitalistes, ce qui en fait aussi un parti bourgeois. Cette contradiction inhérente le conduit à proposer la stratégie de la " troisième voie " qui revient à noyer les montées révolutionnaires dans les réformes (l’État providence) puis, lors de la période de reflux, à stabiliser le capitalisme nu, dit néolibéral ou sauvage, en devenant un éteignoir de feux sociaux (" le néolibéralisme à visage humain " ou social-libéralisme).

Il s’ensuit qu’il y a discontinuité du NPD aux Conservateurs ontariens mais continuité du PQ à l’ADQ.

L’appui critique au NPD peut/doit encore se défendre faute d’une alternative que révèle le cul-de-sac des tentatives " Rebuilding the Left " puis " New Political Initiative ", incapable de proposer unE candidatE au poste de chef du NPD malgré son succès d’estime à dernier congrès NPD. En effet, mieux vaut le pouvoir du NPD ontarien ou colombien-britannique que la tronçonneuse conservatrice à la Harris ou libéral à la Campbell.

Rien de tel au Québec. Dans la réalité, les politiques sociales et nationales adéquistes et péquistes, quels que soient les discours populistes de gauche ou de droite des uns et des autres, se rejoignent dans le marais du social-libéralisme et du nationalisme. Car il en va de l’intérêt de la bourgeoisie québécoise. La panique adéquiste n’est qu’une lubie bureaucratique pour sauver la politique de la concertation du bloc nationaliste, si avantageuse pour ces appareils coupés de leurs bases et encore plus du prolétariat non-organisé.

Ce constat est d’autant plus vrai que se construit au Québec le parti de la gauche unie, l’Union des forces progressistes. En fait c’est cette nécessité d’une alternative antinéolibérale et indépendantiste qui explique l’existence de l’UFP. Au nationalisme/social-libéralisme, il faut opposer une plate-forme d’indépendance du capitalisme néolibéral comme du fédéralisme oppresseur.

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