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(Extraits) mars 2003

Bilan du gouvernement québécois : 1998-2003

par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

dimanche 30 mars 2003

L’éducation au primaire et au secondaire

Depuis le début du deuxième mandat du gouvernement (novembre 1998), de très nombreux changements ont été enregistrés dans le monde de l’éducation. La mise en place de la Réforme scolaire au préscolaire et au primaire en 2000 et l’arrivée des plans de réussite pour les établissements la même année constituent des événements marquants. L’année 2002 aura été également une année chargée dans le monde de l’éducation. Sans doute en raison des élections provinciales qui s’annoncent, une pluie de nouveaux programmes ont été annoncés. Si, dans l’ensemble, on peut dire que le bilan du gouvernement en matière d’éducation est plutôt positif, on ne peut s’empêcher cependant de souligner quelques ratés qui ont marqué la gouverne de l’éducation entre 1998 et 2002.

Bref rappel

Dès son premier mandat (septembre 1994), le gouvernement du Parti québécois a convoqué les États généraux. Une large consultation a été menée dans toutes les régions du Québec et il faut aujourd’hui reconnaître que la réforme de l’éducation qui en a découlé comporte plusieurs aspects positifs.

Les services à la petite enfance ont connu un développement important avec l’élargissement de l’éducation préscolaire et des services de garde. L’autonomie individuelle et collective du personnel de l’éducation a été enfin reconnue dans la nouvelle Loi sur l’instruction publique. L’égalité des chances est désormais un principe que doivent respecter les conseils d’établissement et la réussite éducative est inscrite dans la mission de l’école. La Commission des programmes d’études, suggérée par la CSQ, a été créée avec mission de revoir l’ensemble du curriculum.

Par ailleurs, le gouvernement québécois a enfin obtenu du gouvernement fédéral un amendement à l’article 93 de la Constitution canadienne et, par conséquent, a pu procéder à la restructuration scolaire sur une base linguistique, comme la revendiquait la CSQ depuis plusieurs années.

La Réforme scolaire : du bon et des ratés

Depuis septembre 2000, la Réforme a pris place au préscolaire et s’est étendue aux trois cycles du primaire de 2000 à 2002. Depuis septembre, une quinzaine d’écoles valident le nouveau programme de formation au premier cycle du secondaire. Cette Réforme s’est accompagnée de nombreuses difficultés dont un manque de temps pour le personnel scolaire afin de s’approprier les nouveaux concepts et outils de cette Réforme. Les dérapages sur le nouveau bulletin dans les écoles et la possibilité évoquée en 2001 de la mise en place d’un diplôme de secondaire 3 ont largement démontré que le gouvernement a improvisé dans la mise en œuvre de certains aspects de cette réforme.

Un autre volet de la Réforme touche le soutien à l’école montréalaise. Les écoles montréalaises de milieux défavorisés vivent depuis les dernières années dans un contexte de changement important. Les différents plans d’action spécifiques au Programme de soutien à l’école montréalaise, ainsi que la nouvelle politique destinée aux élèves du secteur de l’adaptation scolaire, ont transformé ces écoles en vastes chantiers d’expérimentation. L’application du nouveau plan d’action de l’Opération solidarité a également concouru au développement de ces chantiers.

Dernier grand chantier de la Réforme scolaire de 1997, l’éducation des adultes est demeurée pendant longtemps un enfant pauvre dans le développement des politiques éducatives du gouvernement. Toutefois, le ministère de l’Éducation a entamé, fin 1998, un processus de consultation devant mener à l’élaboration d’une première politique gouvernementale. La Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue a pris forme en 2002. Comme l’appréhendait déjà en 1998 la CEQ (maintenant la CSQ), cette politique est fortement orientée par l’employabilité, quoique des efforts notables aient été faits en matière de formation de base, notamment pour l’alphabétisation.

Le Sommet de la jeunesse et les plans de réussite

Le Sommet du Québec et de la jeunesse tenu en 2000 a été l’occasion pour le gouvernement de réaffirmer ses engagements pris dans la mise ne œuvre de la Réforme en favorisant la revalorisation de l’éducation dans tous les secteurs de notre société et en favorisant la réussite du plus grand nombre. À cette fin, le gouvernement a lancé en 2000 une vaste campagne de valorisation de l’éducation (L’éducation : pour qu’éclatent les passions) et il imposait du même coup une nouvelle façon de faire aux établissements scolaires : les plans locaux de réussite. Avatar de la Loi 82 sur l’Administration publique, qui instaure la gestion par résultat et le principe de l’imputabilité (reddition de compte), ces plans locaux de réussite ont été froidement accueillis dans le milieu scolaire.

Le gouvernement a par ailleurs entrepris de modifier la Loi sur l’instruction publique afin d’inclure les plans de réussite des établissements et les plans stratégiques des commissions scolaires (Loi 124). La CSQ et les trois fédérations de l’éducation (FSE, FPPE et FPSS) ont dû engager une bataille serrée afin que ces plans de réussite ne viennent réduire la portée du projet éducatif et l’autonomie du Conseil d’établissement des écoles et des centres.

Financement de l’éducation et année préélectorale

Après une longue période de vache maigre, on note que le gouvernement réinvestit depuis quelques années en éducation. En 2002 seulement, des investissements majeurs ont été consentis pour le secteur secondaire. Ce sont 125 millions de dollars sur cinq ans qui seront consacrés à la stratégie d’intervention Agir autrement afin de contrer le décrochage scolaire en milieu défavorisé. Ce programme touche plus de 200 écoles et 100 000 élèves ; 222 millions sont consacrés à l’achat de manuels scolaires au secondaire ; 102 millions, pour le programme Ça bouge après l’école, qui serviront à doubler la participation des élèves aux activités parascolaires. Une somme additionnelle de 91,5 millions a été annoncée pour la transformation de l’école secondaire.

Globalement, pour 2002-2003, les dépenses augmenteront de 603,8 millions de dollars (5,7 %) par rapport aux dépenses probables de l’année dernière et de 508,7 millions de dollars (4,8 %) par rapport à l’enveloppe initiale prévue pour l’année dernière. Cela, parce qu’il s’est dépensé moins que prévu pendant l’année (dans la santé, l’inverse s’est produit). Cette hausse s’explique principalement par le financement des coûts des conventions collectives, la dernière tranche de 200 millions du réinvestissement en éducation promis par le gouvernement lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, l’ajout pour la politique d’adaptation scolaire (Agir tôt pour réussir) et pour les autres facteurs de croissance.

Ce financement se fait pour une bonne part à la pièce et pour des durées limitées, ce qui ne permet pas de penser à long terme le développement de programmes en faveur du milieu scolaire. Mais surtout, ce financement à la pièce s’est intensifié dans les six derniers mois de 2002, à tel point qu’on ne peut s’empêcher de penser que l’échéance électorale du printemps 2003 favorise un rehaussement du financement de l’État en éducation.

2. L’enseignement supérieur

S’il est un secteur, qui au fil des années, s’est trouvé balancé entre l’intervention de l’État et la pression marchande, c’est bien l’enseignement supérieur. Placés dans la ligne de mire de l’OMC, les établissements d’enseignement supérieur voient le caractère public de leur mission et leurs différences culturelles et régionales menacés par des contingences externes. Pris dans la tourmente des compressions budgétaires, de plus en plus d’établissements multiplient les sources de financement, concluent des ententes de partenariat avec des entreprises privées et commercialisent les produits de la recherche institutionnelle. La logique de compétitivité et de performance l’emporte sur la notion du bien commun et sur celle de l’égalité des chances.

Les décisions politiques prises entre 1998 et 2000 témoignent de cette tendance et coïncident avec le passage de François Legault au ministère de l’Éducation. Issu du milieu des affaires, il introduit un style de gouverne très orienté vers la gestion de résultats dont les exemples les plus probants sont l’instauration des plans de réussite dans les cégeps et des contrats de performance dans les universités. Le ton est donné : cette orientation politique aura une très grande influence sur le fonctionnement des collèges et des universités.

Plusieurs engagements relatifs à l’enseignement supérieur découlent du Sommet du Québec et de la jeunesse, notamment le réinvestissement massif en éducation de l’ordre d’un milliard de dollars réparti sur trois ans. Les universités bénéficient de la plus grosse part du gâteau, 600 millions de dollars, alors que les cégeps, parents pauvres du système d’éducation, ne reçoivent que 120 millions de dollars et doivent conjuguer avec une situation de précarité.

En effet, les cégeps sont durement frappés par les compressions budgétaires tributaires de l’objectif du déficit zéro entre 1996 et 1999. Pendant cette période, 260 millions de dollars sont retranchés du budget des cégeps. Les effets sur l’enseignement et les services offerts sont tragiques : augmentation du nombre d’élèves par groupe, regroupement des élèves de programmes différents dans un même cours, réduction de l’offre de cours complémentaires. Les membres du personnel de soutien et du personnel professionnel subissent de plein fouet les effets des compressions, plusieurs postes sont abolis ou non renouvelés. Curieux hasard, les taux de réussite diminuent de 9 % pendant la même période.

Pour sa part, l’enseignement universitaire vit à l’heure des réformes. En quatre ans, le ministère de l’Éducation publie quatre politiques à l’égard des universités, dont une sur le financement des universités et une relative à la recherche et à l’innovation. Un nouveau ministère est créé en 1998, soit le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, transformé en septembre 2002 pour devenir le ministère des Finances, de l’Économie et de la Recherche. Cette association étroite de la recherche au secteur des finances et de l’économie témoigne éloquemment de la vision gouvernementale pour l’avenir de l’enseignement supérieur : C’est le premier ministre Landry, lui-même, qui l’explique. Le but de ce changement est de « permettre de mieux coordonner les composantes de notre politique économique et de faciliter les rapports entre les entrepreneurs, les milieux de la recherche et le gouvernement du Québec ».

Les choix se dessinent rapidement : investissements dans la construction ou agrandissement de pavillons universitaires dans des domaines ciblés ; accent sur des aspects précis de l’enseignement supérieur, privilégiant la recherche plutôt que l’enseignement, les études de 2e et 3e cycles plutôt que les études de premier cycle, la recherche appliquée plutôt que la recherche fondamentale.

Une gestion axée sur les résultats

Le slogan de la réforme de l’éducation, amorcée en 1997, est de favoriser la réussite éducative pour le plus grand nombre. Le ministère de l’Éducation (MEQ) choisit de s’attarder à une réussite scolaire, mesurable par des taux de réussite et des taux de diplomation.

Dès 1999, le ministre Legault annonce la mise sur pied de mesures conçues pour stimuler la réussite éducative et la persévérance à l’enseignement supérieur. Des quatre mesures annoncées, deux accordent une attention particulière aux élèves qui se destinent à une carrière scientifique ou technologique. La CSQ s’oppose à une vision aussi réductrice de la réussite et propose une vision plus globale qui tient compte notamment de l’égalité des chances, du développement des jeunes, de leurs aspirations.

Les plans de réussite dans les collèges

Le Sommet du Québec et de la jeunesse, tenu en 2000, adopte l’objectif national de la qualification à 100 % des jeunes. Pour ce faire, l’idée du plan de réussite élaboré par chacun des établissements est mise sur la table. La déclaration commune du Sommet du Québec et de la jeunesse spécifie que le plan de réussite doit identifier les obstacles à lever pour assurer la réussite, établir les objectifs mesurables et les moyens à prendre pour y parvenir. La promesse de la mise en place d’un programme de recherche sur la réussite et le décrochage scolaire se concrétise.

Quant à la volonté d’assurer une priorité aux mesures de soutien à la réussite éducative, à l’encadrement, à l’information et à l’orientation scolaire et professionnelle dans les établissements d’enseignement, elle est respectée, du moins dans les cégeps.

Quelques mois après, le ministre Legault annonce son intention de lier une partie de la subvention de 120 millions de dollars accordée aux cégeps à l’atteinte d’objectifs de performance. Les fédérations du collégial protestent vivement et le ministre abandonne son projet.

En octobre 2001, le MEQ retire la taxe à l’échec dans les cégeps. Les fédérations du collégial de la CSQ se réjouissent de ce geste, mais les inquiétudes persistent devant l’obligation de résultat induite par l’instauration des plans de réussite. En mars 2002, le gouvernement investit 3,8 millions de dollars dans le réseau collégial pour favoriser la réussite.

En octobre 2002, le MEQ dépose le projet de loi 123 modifiant la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel et la Loi sur la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial. Ce projet de loi propose d’inscrire les plans stratégiques des collèges et les plans de réussite dans la loi fondatrice des collèges et de modifier le rôle de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial (CEEC). Les collèges devront rédiger un plan stratégique qui comprend un plan de réussite, en tenant compte à la fois de leur situation particulière et des orientations du plan stratégique du MEQ. Lors de la tenue de la commission parlementaire, la CSQ met l’accent sur les risques de l’obligation de résultat - diminution des exigences, baisse de la qualité de l’enseignement, etc. - et sur le risque de pervertir la mission de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial. La plupart des organisations mettent le gouvernement en garde contre les dérives possibles associées à l’obligation de résultat.

La loi adoptée risque de mener à cette obligation de résultat, d’autant plus que nous ne connaissons pas encore les orientations du plan stratégique du MEQ pour 2003 à 2006. De plus, la version finale de la loi stipule que la CEEC peut, sur demande du ministre et dans le cadre de son évaluation, porter une attention particulière à un ou plusieurs aspects des activités relatives à la mission de l’établissement.

Les contrats de performance dans les universités

Le processus de production de la politique à l’égard des universités québécoises est, somme toute, assez sinueux. Il débute en 1998 par la publication par la ministre de l’époque, Pauline Marois, du document L’université devant l’avenir : perspectives pour une politique gouvernementale à l’égard des universités québécoises, suivi du document de consultation Outil en vue de la consultation sur la politique gouverne-mentale à l’égard des universités.

En février 2000, le MEQ rend publique la version finale de la politique à l’égard des universités Pour mieux assurer notre avenir collectif.

Près d’un an plus tard, la Politique québécoise de financement des universités instaure le financement conditionnel à l’atteinte des objectifs fixés (contrats de performance), une nouvelle formule de financement des universités et une augmentation de 25 % du financement d’ici à 2002-2003.

Tous les acteurs universitaires, incluant la Conférence des recteurs et principaux des universités québécoises, s’opposent farouchement à ce qu’une partie du financement des universités soit conditionnelle à l’atteinte de critères de performance. Malgré les vives protestations de tous les groupes concernés, le ministre Legault maintient sa ligne, impose sa vision étroite de l’évaluation et oblige les universités à se doter de contrats de performance.

Contrairement aux plans de réussite des collèges, les contrats de performance sont rédigés à huis clos, les professeures et professeurs et les étudiantes et étudiants n’étant pas associés au processus. Il est encore trop tôt pour évaluer les effets de ce mode de gestion sur les universités. Toutefois, les universités déjà performantes au plan de la recherche, comme les universités de Montréal, Laval et McGill, ont reçu une part importante du financement additionnel attaché aux contrats de performance. Pour leur part, trois universités ont été recalées, incapables d’atteindre les objectifs fixés dans leur contrat de performance. Ces trois universités font partie du réseau de l’Université du Québec et sont reconnues comme des universités d’enseignement plutôt que de recherche.

Lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, le gouvernement s’engage à ce que le refinancement des universités soit l’occasion de porter une attention particulière au renouvellement du corps professoral, à la formation et à la recherche fondamentale. Le ministère n’a pas totalement respecté ses engagements. Si des efforts sont déployés quant au renouvellement du corps professoral, il n’en va pas de même pour la recherche fondamentale. Au contraire, les dérives appréhendées de la marchandisation de l’enseignement supérieur se concrétisent, l’accent est mis surtout sur la recherche appliquée, voire commercialisable.

À la fin de janvier 2003, la publication d’une recherche conjointe de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) et du MEQ démontre qu’une somme de 375 millions de dollars est nécessaire pour atteindre un niveau concurrentiel des universités québécoises face aux universités des autres provinces. Une deuxième phase de réinvestissement devient nécessaire afin de combler le manque à gagner démontré par l’étude. Le ministre Simard reconnaît le fait, mais attend une correction du déséquilibre fiscal pour s’engager dans cette direction. De plus, le gouvernement est tenu par sa promesse de gel des frais de scolarité. La gamme de solutions possibles soulève des enjeux importants qui risquent fort probablement d’être débattus au cours des prochains mois.

Formation technique

Au chapitre de la formation technique et dans la foulée du Sommet du Québec et de la jeunesse, le ministre de l’Éducation, François Legault, avait exprimé le souhait de doubler, en quatre ans, le nombre de stages en alternance, de consolider l’offre de formation technique en réponse aux nouveaux besoins, d’accorder une attention particulière aux formations courtes conduisant à l’Attestation d’études collégiales (AEC) et d’apporter une aide additionnelle aux centres collégiaux de transfert de technologie.

En juillet 1999, une passerelle DEP-DEC en secrétariat et bureautique est créée. En octobre 2001, le Règlement sur le régime des études collégiales est modifié afin de permettre à des diplômés d’études professionnelles l’accès à certains programmes d’études collégiales.

Lors de la clôture du Forum sur la formation technique, le ministre de l’Éducation annonce un investissement de près de 80 millions de dollars pour les cégeps du Québec. Les programmes touchés se retrouvent surtout dans les secteurs stratégiques qui mènent à l’emploi comme la métallurgie, l’administration, l’environnement et les techniques physiques. L’investissement privilégie l’entretien des bâtiments et le renouvellement des équipements (22,5 millions de dollars) plutôt que le soutien aux collèges dans leur démarche en vue de la réussite par le soutien et l’accompagnement des étudiantes et des étudiants ayant le plus de difficultés (4 millions de dollars).

Quant aux formations courtes dispensées dans les collèges (AEC), elles ne sont pas réglementées (les heures de cours diffèrent d’un collège à l’autre) et apparaissent souvent comme un moyen d’attirer les jeunes inscrits au DEC qui préfèrent une formation plus courte.

Technologies de l’information et de la communication (TIC)

L’inventaire de toutes les mesures prises par le gouvernement québécois en matière d’enseignement supérieur illustre le fait que les mesures ciblées sont souvent privilégiées au détriment des mesures plus générales. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication font partie des mesures ciblées privilégiées par le ministère.

En 1999, le gouvernement québécois accorde 24 millions de dollars répartis sur deux ans afin d’assurer un soutien au développement de la main-d’œuvre hautement spécialisée dans les secteurs des TIC dans les collèges et les universités. Cette subvention est versée sous forme de bourses aux étudiantes et aux étudiants qui terminent, dans les délais prévus, l’un des programmes visés dont l’informatique et le génie informatique. Une prime est accordée aux établissements pour chaque diplôme additionnel décerné dans le domaine. En janvier 2000, le MEQ octroie 7 millions de dollars aux cégeps et aux universités afin d’augmenter le nombre de diplômés dans les TIC, l’objectif étant de doubler le nombre de diplômés en six ans.

Accessibilité

Un des bons coups du gouvernement actuel est l’effort mis à conserver l’accessibilité à l’enseignement supérieur par le gel des frais de scolarité et par les changements introduits au Programme d’aide financière aux études. Les frais de scolarité du Québec sont les plus bas au Canada et les établissements d’enseignement supérieur essaient d’augmenter leurs revenus en introduisant des frais pour des services autrefois gratuits.

En avril 1999, le gouvernement publie un projet de loi modifiant la Loi sur le Conseil supérieur de l’éducation afin d’instituer le Comité consultatif sur l’accessibilité financière aux études. Ce projet de loi est l’aboutissement d’une demande des fédérations étudiantes.

La même année, le gouvernement fédéral lance son projet de bourses du millénaire. Québec demande un droit de retrait avec compensation. Cet enjeu mobilise le milieu étudiant. Finalement, une entente est conclue en décembre 1999 entre la Fondation canadienne pour les bourses du millénaire et le gouvernement québécois.

Au fil des années, le gouvernement améliore l’enveloppe budgétaire dévolue à l’aide financière aux études. À l’automne 2000, le gouvernement annonce que l’État assumera dorénavant le paiement des intérêts des prêts des étudiantes qui doivent interrompre temporairement leurs études pour la naissance ou l’adoption d’un enfant. Les frais de subsistance sont indexés en 2001. En 2002, l’indexation des prêts et bourses de 2,7 % ainsi qu’une modification à la Loi sur l’aide financière aux études permettent à plus de 30 000 étudiantes et étudiants à temps partiel d’avoir accès à des prêts.

Finalement en décembre 2002, le ministre de l’Éducation annonce la conclusion d’une entente entre le MEQ, la Fédération des cégeps et la Fédération étudiante collégiale du Québec afin d’encadrer les frais exigés des élèves du collégial.

Régions

Devant la situation alarmante de la baisse de l’effectif scolaire dans les cégeps en régions - phénomène dû à la fois à la baisse démographique et à l’exode des jeunes vers les centres urbains - la CSQ exhorte le gouvernement à mettre sur pied un comité de travail relatif à la problématique du financement des cégeps en régions promis par le ministre Legault.

En mai 2001, le gouvernement instaure une nouvelle règle budgétaire de financement des cégeps visant à soutenir les établissements devant composer avec une décroissance de leur effectif étudiant. À la suite du Rendez-vous national des régions de l’automne 2002, le ministère de l’Éducation s’engage à mettre sur pied un programme particulier d’aide financière pour favoriser l’attraction, la rétention et la mobilité des étudiantes et des étudiants dans les cégeps et les universités en régions, à instaurer des mesures pour augmenter la présence d’étudiantes et d’étudiants étrangers en région et à maintenir un ensemble de programmes de formation professionnelle et technique commun à toutes les régions du Québec et répondant aux exigences du marché du travail.

3. Santé et services sociaux

Rappel historique du contexte

La dernière décennie a été très difficile pour tous les systèmes de santé dans le monde. L’année 1994 avait introduit, en effet, le grand virage marchand pour les services publics. C’est l’année de la signature de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) et du déclenchement des travaux de la ZLEA (Zone de libreéchange des Amériques). Ce contexte de mondialisation apporte avec lui d’énormes pressions pour libéraliser la production de services sociaux et de santé, désormais vus comme des marchandises à négocier et à commercer. L’objectif des intérêts marchands est d’en arriver à une privatisation la plus large possible de grands pans des systèmes de santé. La première stratégie pour y arriver est de priver le système public de ses ressources financières.

Le Québec n’y a pas échappé.

Au cours du précédent mandat péquiste, le gouvernement québécois a mis en place une politique de déficit zéro accompagnée de fortes réductions des dépenses. Le ministre de la Santé et des Services sociaux d’alors, Jean Rochon, a décidé d’implanter coûte que coûte une réforme des services dans ce contexte de compressions budgétaires sans précédent. Fermetures de lits, fermetures ou fusions d’hôpitaux, départs massifs à la retraite, réduction de personnel concluent ce mandat politique. Le réseau québécois de la santé et des services sociaux ne s’en est pas encore relevé. Il faut garder à l’esprit cet état des lieux dans l’examen du présent mandat gouvernemental du Parti québécois.

La santé, un enjeu sociétal majeur

Ce mandat gouvernemental a vu défiler, en cinq ans, quatre ministres en titre à la santé et aux services sociaux, Jean Rochon, Pauline Marois, Rémy Trudel, François Legault, et trois ministres délégués aux services sociaux et à la protection de la jeunesse, Gilles Baril, Agnès Maltais et Roger Bertrand, en plus du court passage de David Levine à titre, également, de ministre délégué au volet santé. Tous ces ministres ont dû se frotter à des problèmes majeurs au sein du réseau : débordements des urgences, listes d’attente en chirurgie et à l’évaluation des signalements en protection de la jeunesse, déficience dans l’hébergement et les soins de longue durée, ratés du virage ambulatoire au regard des services à domicile, etc. Plusieurs de ces problèmes sont directement reliés au sousfinancement du système et à la pénurie de la main-d’œuvre.

Ont-ils réussi à améliorer la situation ?

Malgré les tentations, ils ont réussi à éviter le pire, soit la privatisation du système. Alors que leurs homologues albertains et ontariens ont, en effet, privilégié la voie d’un plus grand recours à la privatisation des services, le gouvernement du Parti québécois garde le cap, jusqu’à présent, sur un système entièrement public. En cela, contrairement à ses vis-à-vis politiques, il conserve un programme socialdémocrate ayant la volonté de préserver le caractère public universel du système de santé et de services sociaux.

Les pressions ont été et sont toujours, pourtant, fortes. En 1998, le Comité sur la complémentarité du privé dans la poursuite des objectifs fondamentaux du système de santé (Comité Arpin) recommande l’accroissement des partenariats privés dans la prestation de services spécialisés et dans l’hébergement. En 2001, Michel Clair, qui préside la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, recommande, pour sa part, une révision annuelle du panier de services assurés suivant un « monitorage » des coûts, l’achat de services au moindre coût (soustraitance) et la création d’une caisse spéciale d’assurance vieillesse financée par les revenus des particuliers.

Jusqu’à présent et grâce aux pressions soutenues des organisations syndicales et sociales, le gouvernement du Parti québécois n’a pas donné suite à ce type de recommandations conduisant à plus de privatisation. Plusieurs des orientations ministérielles de ce dernier mandat poursuivent des objectifs de nature à améliorer l’état de situation.

Les deux forums (1999, 2000) sur la situation dans les urgences donnent lieu à d’importants consensus sur les correctifs à appliquer, sur l’élaboration d’un guide de gestion de l’unité d’urgence et sur l’adoption d’une loi sur les services préhospitaliers d’urgence. Les deux forums tenus en 2001 autour de l’adoption d’un plan d’action jeunesse, à l’intention des jeunes en grande difficulté, conduisent également à des pistes de solution et à des modèles d’organisation consensuels lors du lancement, en juin 2002, de la stratégie jeunesse gouvernementale.

L’opposition du gouvernement québécois à la nouvelle loi fédérale sur la justice des mineurs modifiant, de façon assez rétrograde, la Loi sur les jeunes contrevenants suscite un vaste mouvement solidaire en faveur du modèle québécois de réadaptation jeunesse. Le problème est que, faute d’investissements suffisants, ces politiques gouvernementales n’apportent aucun bénéfice concret, aucune amélioration significative des situations problèmes vécues dans le réseau. Par ailleurs, d’autres champs sont l’objet d’efforts appréciables : la santé publique (Institut national de santé publique et adoption d’une loi sur la santé publique), la réadaptation physique (amélioration de l’accessibilité aux services de réadaptation en régions), la réadaptation en toxicomanie et en matière de jeu pathologique (projets pilotes) de même que la lutte au tabagisme.

En fin de mandat, en novembre 2002, le ministre François Legault reconnaît enfin les revendications et les arguments des groupes sociaux et syndicaux en publiant son Plan de la santé et des services sociaux - Pour faire les bons choix. Il liste l’ensemble des besoins auxquels le ministère doit répondre pour offrir des services de qualité en quantité suffisante pour la population du Québec. Le renforcement des services médicaux et sociaux de première ligne, le développement des services à domicile, la nécessité de la prévention, l’accent sur les services aux jeunes et à leur famille, l’amélioration de l’hébergement et des soins de longue durée ; tous les besoins sont identifiés et chiffrés sur le plan des investissements publics nécessaires.

Le nerf de la guerre, le financement

Le Plan de la santé et des services sociaux, déposé par le ministre Legault, reconnaît, pour la première fois au Québec, l’important sous-financement auquel font face les services de santé et les services sociaux depuis une dizaine d’années. Cependant, il ne propose aucune solution. C’est à une véritable chasse au trésor que le ministre engage la population québécoise. Chasse au trésor envers les sommes dues de la part du gouvernement fédéral d’abord, car nul ne nie l’important déséquilibre fiscal en matière de transferts fédéraux que fait subir Ottawa aux provinces depuis 1994. Mais aussi, chasse au trésor sur les investissements que Québec devrait insuffler, sur sa propre base, pour assurer l’augmentation des dépenses de santé dans le futur.

À ce jour, les solutions du gouvernement du Québec demeurent nébuleuses. Il plane des fantômes issus de la Commission Clair, tels des caisses spéciales ou des régimes complémentaires d’assurance. Québec devra donc être plus explicite en matière d’engagement au regard du financement. Si le gouvernement du Parti québécois veut demeurer à la hauteur de ses principes quant à la sauvegarde du caractère public universel du système de santé et de services sociaux, ses orientations en matière de financement doivent demeurer résolument publiques et éviter les solutions « gadget » comme des caisses spéciales. Déjà, surseoir à la construction des deux mégahôpitaux universitaires montréalais ferait économiser plus de deux milliards et demi de dollars à la province et donnerait un signal clair que Québec accorderait ces investissements financiers, en priorité, aux besoins de services identifiés plutôt qu’au béton. L’équité interrégionale dans l’accessibilité aux services attend toujours, également, la mise en œuvre de solutions au regard de la distribution des ressources financières.

Un bilan législatif lourd

Si les documents d’orientations gouvernementales sont demeurés de nature plutôt progressistes, on ne peut en dire autant des mesures législatives adoptées au cours de ce mandat dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Mises à part les lois sur le protecteur des usagers, sur la santé publique et sur les services préhospitaliers d’urgence, toutes les modifications adaptées à la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) elle-même, ont constitué un recul démocratique important. Au cours de son bref passage au ministère, Rémy Trudel abolit l’obligation de rendre des comptes au moyen d’assemblées publiques tout comme les sièges réservés aux représentants de la population et du personnel sur les conseils d’administration des régies régionales. Nommé en janvier 2002, le ministre Legault instaure des mécanismes de reddition de comptes au ministère sur la base de contrats de performance. Or, ceux-ci sont directement reliés aux mesures de la Loi sur l’équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux, dite la loi antidéficit (adoptée en 2001), laquelle étrangle les établissements et freine la prestation adéquate de services à la population.

Du côté de l’assurance médicaments, chaque révision (2000, 2001, 2002) du jeune régime public, institué en 1996, donne lieu à une augmentation substantielle des primes pour les usagères et les usagers et, même, à l’adoption d’une indexation automatique lors de la dernière révision. Également, aucune des solutions proposées par les groupes progressistes, visant à contrôler l’industrie pharmaceutique et les coûts des médicaments, n’a été mise en œuvre.

En ce qui concerne les services médicaux, les intentions du ministre Legault sont louables, car pour la première fois au Québec, on reconnaît que les services médicaux étant rémunérés par les fonds publics, ceux-ci doivent répondre tant aux besoins collectifs de santé dans les établissements du réseau (urgences hospitalières, soins à domicile, soins en hébergement de longue durée) qu’aux besoins individuels de la population, quel que soit le lieu de résidence (régions éloignées) ou l’heure à laquelle se manifestent ces besoins (service 24 heures, 7 jours). Cependant, les voies législatives empruntées, loi spéciale visant la prestation continue de services médicaux d’urgence et modifications à la LSSSS concernant les activités médicales, la répartition et l’engagement des médecins ne semblent pas de nature à rallier les médecins et, donc, à régler les problèmes.

Et les ressources humaines...

Au chapitre des ressources humaines, le présent gouvernement n’a pas réussi à régler les problèmes hérités du précédent mandat. Pénurie de main-d’œuvre, surplus et lourdeur de la tâche, épuisement professionnel et absentéisme accru, conditions de travail et de rémunération dégradées sont toujours le lot des travailleuses et des travailleurs du réseau.

À la suite de la détermination des organisations syndicales, il y a eu moins de privatisation que certains l’auraient voulu. Le gouvernement recule quant aux avancées de sous-traitance des services de cuisine et de buanderie. La plus grande dérive au regard des emplois vient d’une communautarisation accrue des services publics (entreprises d’économie sociale, ressources intermédiaires d’hébergement). En cela, l’adoption d’une politique de reconnaissance de l’action communautaire autonome en 2001 accentue cet élan, faisant des groupes communautaires une sorte de fonction publique parallèle soumise aux règles de l’État, mais non aux conditions de rémunération équitables. Le projet de loi 151 sur les ressources intermédiaires est présentement à l’étude et vise même à contrer la syndicalisation du personnel œuvrant dans les ressources intermédiaires d’hébergement.

Le réseau est également toujours autant hiérarchisé et, malgré les discours sur la valorisation du personnel, les politiques gouvernementales ne suivent pas. On n’a qu’à signaler l’annonce, en décembre 2001, du Plan d’action ministériel à l’égard de la gestion de la présence au travail dans le secteur de la santé et des services sociaux, lequel conduit les administrations d’établissements à contrôler davantage les absences plutôt qu’à s’attaquer, de façon constructive, à la source des problèmes à résoudre. De plus, les fusions d’établissements ont créé de très vastes territoires et ont comme conséquence, particulièrement dans le cas des missions de réadaptation jeunesse et en déficience intellectuelle, d’éloigner considérablement les décideurs des intervenants sur le terrain, occasionnant de plus grandes frustrations chez le personnel.

Enfin, l’adoption récente de la loi modifiant le Code des professions dans le domaine de la santé et ses futures applications dans le champ des relations humaines vient encadrer davantage le personnel régi par des ordres professionnels sans apporter de solutions à la situation des autres professionnelles et professionnels qui exercent déjà, avec compétence, ces tâches dans le réseau en dehors des règles corporatives.

De l’orientation théorique... à la réalité des milieu

xBref, les orientations politiques de ce gouvernement en matière d’organisation des services (prévention, santé publique, première ligne médicale et sociale, urgences, services sociaux à la jeunesse, etc.) ont souvent été justes, mais ont apporté peu de retombées concrètes, faute d’investissements suffisants.

Son principal atout, si on compare son programme et son action aux plates-formes en santé et en services sociaux de ses vis-à-vis politiques et de certains de ses visà- vis provinciaux, est de ne pas avoir cédé à toutes les pressions de privatisation et d’avoir préservé, suivant les valeurs de justice sociale réaffirmées par la société civile, le caractère public et universel de notre système de santé et de services sociaux dans ses valeurs et ses principes fondamentaux. Toutefois, ce gouvernement n’accepte pas encore, malgré les revendications des groupes syndicaux et sociaux, d’inscrire cette volonté politique en intégrant les principes de la Loi canadienne sur la santé à la Loi québécoise sur les services de santé et les services sociaux.

Malgré cette orientation fondamentale, ce gouvernement n’a pas été à l’abri de certaines dérives. Recul démocratique au regard de l’action citoyenne dans la gestion des services, étranglement financier, politiques centrées sur la reddition de comptes de performance plutôt que de qualité, politique du médicament déficiente, sont autant de mauvaises notes qu’il faut lui attribuer. Si les meubles sont sauvés, la réalité des milieux d’intervention en santé et services sociaux demeure fragilisée. En décembre dernier, période finale de mandat, le gouvernement québécois a pris la juste mesure de cette réalité du milieu dans son Plan de la santé et des services sociaux. Il a identifié clairement les besoins à combler et chiffré les investissements financiers nécessaires. Le portrait est parfait, la solution financière absente. Québec dit vouloir maintenir le cap sur le caractère public universel de notre système de santé et de services sociaux. Cela passe aussi par un financement public adéquat.