Claude Jasmin sonne la charge pour que les journalistes, les professeurs, les intellectuels continuent « insatisfaits des actions du gouvernement péquiste » à fermer leurs gueules. Il réclame le silence de ceux et celles qui pourraient dire la vérité.
Au silence, il ajoute l’attentisme. « Nous attendions, nous attendons qu’elle se réalise ». Le parti unique de la souveraineté nationale associée et en partenariat avec Ottawa devrait pouvoir, à l’abri du silence des souverainistes muets, encore une fois, réduire l’indépendance à un discours de fond de campagne électorale ou à une de police d’assurance.
Se taire, réprimer ses colères, faire confiance au Parti, c’est dans une telle soumission que se trouverait la clé de la libération du Québec. Il faudrait accepter de ne pas tirer au clair les intérêts effectivement défendus par le PQ, accepter sans dire un mot que soient bradés les acquis populaires en éducation et en santé sur l’autel du déficit zéro, accepter sans dire un mot que la revendication d’une augmentation du salaire minimum pour lutter contre la pauvreté des femmes soit rejetée du revers de la main. N’est-ce pas ce silence complice qui empêche que le projet d’une société indépendantiste ne devienne mobilisateur et irrésistible.
Reprenant la logique simpliste et fondamentaliste de Bush, M. Claude Jasmin nous en sert la version québécoise : soit vous, les progressistes, vous soutenez, y compris par votre le silence, le PQ, soit vous faites le jeu des fédéralistes, vous faites le jeu des traîtres. En dehors du PQ, point de salut, point d’avenir. Il ne faudrait pas surtout parler de projet de société ! Il ne faudrait surtout pas parler de démocratie, de réforme du mode de scrutin. Il ne faudrait surtout pas parler d’environnement, de misère… Taisez-vous ! Attendez que le PQ fasse advenir la patrie ! Et puis, vous pourrez alors retrouver votre droit de parole !
Écoutez sa supplique : « Attendez ! Ne bougez pas ! Silence ! Surtout ne me réveillez pas ! N’entamez pas mes illusions ! Je rêve ! L’indépendance va m’être apporté sur un plateau d’argent ! » Il nous promet même de se réveiller une fois la souveraineté faite, de reprendre la parole ; d’être de nouveau un intellectuel progressiste !
Claude Jasmin se fait le chantre de la confiance aveugle et de l’attentisme ; il refuse les bilans ; il refuse d’entendre les discours des progressistes qui prennent la parole contre l’injustice de ce monde et qui savent qu’un autre Québec est possible, un Québec égalitaire qui ne sera pas complètement lié par la logique marchande et la loi du plus fort ! Il ne veut pas entendre les progressistes qui refusent un Québec qui laisse piller ses richesses et détériorer son environnement pour que puisse s’imposer la logique du libre-échange ! Il ne faudrait pas se questionner sur le Québec qu’on veut construire !
Claude Jasmin vante la patience de tant d’esprits critiques, de ceux qui savent mais qui ne disent rien ! Il vante, en fait, cette collusion des puissants et des nationalistes avaleurs de couleuvres. Il refuse de voir que le projet péquiste de souveraineté limitée est en crise totale. Que cette crise prend racine dans le refus justement d’articuler luttes sociales pour un Québec plus égalitaire et luttes nationales pour l’indépendance.
Un nouveau projet émerge, un projet d’une autre indépendance. Ce projet va devoir faire éclater les anciennes alliances ; en finir avec le projet d’un Québec aspirant à s’inscrire dans l’ALÉNA et la ZLÉA, avec la capacité concurrentielle de entreprises comme valeur suprême. La bataille qui s’engage n’est pas une bataille fratricide. C’est la bataille de ceux et celles qui refusent de se laisser porter par des rêves d’hier qui se sont effilochés au fil des gouvernements péquistes et qui ont compris la nécessité de commencer un nouveau chantier, celui d’une véritable libération nationale et sociale du Québec cherchant à contribuer à la construction d’un monde solidaire et pacifiste. Nous ne remettrons pas ce travail à plus tard. Le PQ est plus que jamais un obstacle dans la poursuite de ce projet essentiel.
Bernard Rioux
Membre de l’UFP
Québec
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