Le collectif D’abord solidaires regroupe une quinzaine de militantes et militants inquiets de la montée d’idées de droite au Québec et qui veulent agir dans la sphère politique de façon non partisane. Nous nous sommes regroupés-es à la suite des élections partielles de juin 2002, qui ont consacré la montée inattendue de l’ADQ, un parti qui fait souffler sur la Québec un vent de droite inquiétant. La dénonciation du " lobby misérabiliste de la pauvreté " par un ministre péquiste nous a indignés-es ; la proposition libérale de geler tous les budgets ministériels, sauf la santé et l’éducation, nous a fait frémir.
Depuis quelques mois se multiplient les débats sur des sujets aussi cruciaux que le rôle de l’État, la solidarité sociale, l’engagement citoyen, le financement des services publics et la place des libertés individuelles. Une élection aura lieu bientôt au Québec et ses enjeux déborderont largement le cadre constitutionnel. En fait, nous devrons trancher entre un Québec mobilisé par la recherche du bien commun ou résigné à troquer des projets collectifs pour le repli du chacun pour soi. Pour nous, ce deuxième choix n’en est pas un.
Nous sommes en effet partie prenante des luttes sociales pour le logement, le travail, la sauvegarde des villages et des rivières, pour le développement des garderies, des coopératives, des cuisines collectives. Nous sommes de celles et ceux que la Marche " Du pain et des roses " a soulevés-es d’enthousiasme en 1995. Nous avons scandé " Solidarité avec les femmes du monde entier " en octobre 2000 et avons exprimé notre indignation devant la médiocrité des réponses gouvernementales aux revendications sur la pauvreté et la violence faite aux femmes. Nous avons manifesté au Sommet des Amériques contre la ZLEA, dénonçant un libre-échange profondément inégal et réclamant des Amériques solidaires, égalitaires, écologiques et démocratiques. Nous avons applaudi à la création du Forum social mondial de Porto Allegre et à l’élection du président Lula, au Brésil. Nous nous sommes prononcés-es à la fois contre la guerre en Afghanistan et contre le régime des Talibans. Et nous nous mobilisons contre une intervention militaire des Etats-Unis en Irak.
Nous voulons casser la morosité, soulever des débats et crier haut et fort qu’ " Un autre monde est possible ! "
Oui, possible, ici-même au Québec à condition de secouer la torpeur ambiante. La vie vaut bien un combat résolu et pacifique afin que chacune et chacun trouve dans cette société sa part de rêve, à la fois de quoi vivre et des raisons de vivre
Un combat qui exclut cependant les raccourcis dangereux, les explications simplistes et toutes les " lignes justes " sur l’état du monde. Surtout quand la ligne juste est édictée par les grands propriétaires de la planète !
Car au Québec, comme dans le reste du monde, certains tentent de nous convaincre que l’avenir appartient aux audacieux qui se feront maîtres, entrepreneurs, décideurs…à la seule force du poignet sans l’aide des autres… ou s’il le faut, en écrasant les autres ! Il n’y aurait de salut que dans le repli sur soi et la défense des intérêts particuliers. Nous plaidons, au contraire, pour un monde d’interdépendance, de partage, de soutien mutuel. Bref pour un monde solidaire ! Nous sommes profondément convaincu-e-s que seule la solidarité nous permettra de vivre ensemble égaux et différents. Libres, aussi, de cette liberté que seule la justice sociale donne à toutes et à tous.
Le sens du bien commun fout le camp !
Lorsque des associations patronales s’insurgent de facon quasi rituelle contre l’amélioration du salaire minimum…
Lorsque des médecins spécialistes, formés surtout grâce à l’argent des contribuables et payés par ces mêmes contribuables, menacent de déménager si le gouvernement refuse d’augmenter leur revenu de 40%…
Lorsque la grande industrie agricole se développe au détriment de la santé des cours d’eau, des boisés et de la faune…
Lorsque la population d’un quartier monte aux barricades parce que des logements sociaux sont construits près de chez- elle…
Lorsqu’une partie de la classe moyenne se dit prête à payer pour être soignée plus rapidement, ouvrant ainsi la porte toute grande à une médecine à deux vitesses…
Lorsqu’en cette ère néo-libérale tout se vend et tout s’achète : les corps humains, surtout ceux des femmes et des enfants, l’eau, la forêt, la terre, le patrimoine génétique…
Il est alors plus que temps de retourner au sens véritable du vivre ensemble, donc, du bien commun !
Le bien commun, c’est la terre, patrimoine commun de l’humanité. C’est le respect des droits fondamentaux, individuels et collectifs, inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans les diverses conventions et protocoles internationaux et dans nos chartes québécoise et canadienne. C’est l’ensemble des valeurs, règles et institutions qu’une société se donne pour assurer le bien-être de toutes et tous. Le bien commun c’est le phare qui permet de débusquer les exclusions et l’outil qui permet de retisser les liens sociaux brisés. C’est la richesse commune d’une société. Il nous appelle à avoir le sens de l’autre, il nous convie à l’action et à l’engagement pour la justice, l’égalité en droit et en fait, la solidarité et la liberté.
Certains nous proposent de mettre tous nos œufs dans le panier de la responsabilité individuelle ; de considérer l’État comme un mal nécessaire, de moins en moins responsable du bien commun ; de remplacer la justice sociale par la charité, la solidarité par le seul intérêt privé, particulier. C’est à cela que nous conduisent déjà les politiques de réduction trop rapide et excessive des déficits gouvernementaux et les baisses massives d’impôt. Et les ténors de l’ADQ, de même que certains représentants d’autres partis, nous proposent d’aller plus loin, encouragés en cela par plusieurs éditorialistes et intellectuels.
Nous avons une autre vision de la société et de l’État. Nous croyons que les collectivités locales et régionales, que les multiples associations de citoyens-nes, que l’engagement de chacune et chacun sont les fondements d’une vie démocratique pluraliste et soucieuse du bien commun. Les gouvernements doivent être à l’écoute des citoyennes et citoyens et assumer avec les forces collectives issues de la société civile la responsabilité du respect des droits individuels et collectifs dans toutes les sphères de la vie en société.
Nous partageons les critiques souvent justifiées des gens qui ne voient plus que la bureaucratie dans l’État. Nous en avons assez des scandales, du copinage, d’un certain " Québec inc " où des réseaux influents se partagent entre eux les pouvoirs économiques et politiques. Nous plaidons pour un État responsable, accessible et non bureaucratique, proche des gens, qui délègue sans se déresponsabiliser, qui propose, mobilise, facilite la participation des citoyennes et citoyens aux décisions. Nous voulons un État où le vote de chacune et chacun compte, où le scrutin fait une large part à la proportionnelle reflétant ainsi les tendances diverses qui se côtoient dans notre société.
Nous sommes convaincus-es que seul un sens élevé du bien commun peut garantir un partage équitable de la richesse, ce qui est l’un des rôles essentiels de l’État. À nos yeux, la pauvreté n’est pas une fatalité et nous pensons que le Québec dispose de tous les moyens nécessaires pour y mettre fin.
Nous refusons de privatiser les services de santé, tel que le propose l’ADQ, de faire de l’éducation une marchandise, de déréglementer le marché du travail, de considérer la culture seulement comme un produit industriel.
Nous votons pour des politiques de développement durable, respectueuses de l’environnement, pour un soutien social et étatique aux familles, pour l’accès de toutes et tous à la culture, aux vacances, aux loisirs.
Plus globalement, nous reconnaissons vivre dans une société diversifiée et plurielle où nous apprenons les uns-es des autres, où toutes et tous doivent jouir des mêmes droits dans le respect de leurs différences. Nous savons que beaucoup reste à faire pour que les Québécois-es de toutes origines se sentent acceptés pour ce qu’elles et ils sont : des Québécois-es à part entière quelle que soit leur origine ethnique ou culturelle.
Nous sommes inquiets-es des tensions qui montent entre Québécois-es et autochtones autour de l’entente de principe entre le gouvernement québécois et les Innus. Nous estimons que seule la pleine reconnaissance du droit à l’autodétermination des peuples autochtones peut mener à la signature d’ententes négociées et équitables pour toutes les parties en cause.
Nous voulons vivre dans un Québec ouvert au monde, et d’abord solidaire des peuples des Amériques. Nous luttons de concert avec les progressistes des autres provinces canadiennes pour que l’État fédéral travaille à la paix sur la scène mondiale.
APPEL À L’ACTION !
Le collectif D’abord solidaires invite la population québécoise à réfléchir à son avenir à la veille d’élections déterminantes !
Comment concilier la recherche du bien commun et le respect des libertés individuelles auxquelles nous sommes attaché-es ? Quels moyens doivent être envisagés pour que l’État soit le garant du bien-être collectif tout en se rapprochant des gens et tout en encourageant l’expression de projets collectifs dans les communautés régionales et locales ?
Comment traduire les réponses à ces questions en choix électoraux ? À cette question précise, D’abord solidaires choisit de laisser la population répondre tout en lui proposant d’ouvrir un vaste chantier de réflexion dans les maisons, les communautés, les lieux de travail, les régions.
D’abord solidaires, s’engage à soutenir cette réflexion sur tous les fronts. Comment ?
Nous allons analyser les programmes, plates-formes et prises de position de cinq partis politiques (PQ, PLQ, ADQ, UFP et Vert), en nous demandant si leurs propositions renforcent le sens du bien commun au Québec. Nous aurons un site accessible aux internautes voulant appuyer D’abord solidaires et se renseigner sur nos activités.
Nous serons présents-es dans tous les débats publics, dans les médias, dans les assemblées politiques ; chaque fois que nous considérerons le bien commun menacé, nous interviendrons.
Nous ferons le tour du Québec d’ici aux élections, suscitant partout, nous l’espérons, un nouvel engouement pour la réflexion politique.
Nous soutiendrons la naissance de collectifs locaux ou régionaux voulant s’approprier l’appel de D’abord solidaires, interpeller leurs candidates et candidats ainsi que les médias, alerter leur communauté sur des enjeux spécifiques et réfléchir sur les choix possibles lors des prochaines élections.
Nous sommes pour l’heure un petit groupe, un collectif. Si vous embarquez, nous serons bientôt un mouvement ! C’est simple : il faut signer cet appel et le faire signer, mettre sur pied partout des regroupements, des collectifs qui entameront la discussion dans votre voisinage, avec vos collègues de travail, avec votre famille et vos amie-s…
Il faut réfléchir au sens de notre vote lors de la prochaine élection provinciale. Et voter !
Qui sait jusqu’où nous pourrons aller ensemble ?
CHAQUE GESTE COMPTE et il y a urgence d’agir !
Le collectif D’abord solidaires
27 janvier 2003
Michèle Asselin
Alexa Conradi
Françoise David
Linda Denis
André Gobeil
Lorraine Guay
Claudette Lambert
François Larose
Marc-André Larose
Véronique Levesque-Arguin
Manon Massé
Esther Paquet
Jean Proulx
François Saillant
Eric Shragge
Biographies des membres du collectif initiateur
Cet appel est appuyé par
Gisèle Ampleman, Gregory Baum, Louise Beaudry, Renaud Beaudry, Sophie Bissonnette, Jacques Bordeleau, Amélie Bouchard, Camil Bouchard, Gisèle Bourret, France Castel, Yasmina Chouakri, Irène Demczuk, Richard Desjardins, Valérie Desrosiers, Louisette Dussault, Marcella Escribano, Philippe Falardeau, Sylvie Ferlatte, Jacques Fournier, Catherine Gadouas, Nathalie Gadouas, Lise Gervais, Mona Greenbaum, Suzanne Guay, Caroline Harvey, Nicole Jetté, Paul Klopstock, Irene Kon, Andrée Lachapelle, Marie-Danielle Lapointe, Hugo Latulippe, Jocelyne Lavoie, Andrée Lévesque, Josephine Mckay, André Melançon, Pascale Navaro, Johanne Nasstrom, Françoise Nduwimana, William Ninacs, André Paradis, François Parenteau, Denys Paris, François Patenaude, Manon Perron, Stephan Reichhold, Monique Richard, Mikaël Rioux, Geneviève Rochette, Michèle Rouleau, Serge Roy, Frédéric Savard, Ana Maria Seghezzo D’Urbano, Marie-Claire Séguin, Linda Sorgini, Tanya Tree, Denis Trudel, Joujou Turenne, Bernard Vallée, Christian Vanasse, Nadine Vincent, Laure Waridel.