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Déclaration du Forum social régional Québec-Chaudière-Appalaches

dimanche 29 septembre 2002

Nous, organisations, militantes et militants des mouvements progressistes des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, sommes réunis à Québec du 27 au 29 septembre 2002. Nous avons pour objectif de mettre en commun nos expériences de lutte pour la justice sociale dans le contexte de la mondialisation de libre marché, dite néolibérale. Pour faire face à l’individualisme valorisé par le système économique capitaliste, fondé sur la constante recherche de profit, nous affirmons que les valeurs de liberté, d’égalité, de solidarité et de démocratie sont nos meilleurs outils.

Nous, ici réunis, représentons plusieurs secteurs d’activité du mouvement social de notre région : syndicalisme, agriculture et alimentation, solidarité internationale, groupes de femmes, mouvement étudiant, groupes écologistes, gauche politique, lutte à la mondialisation néolibérale, groupes populaires et communautaires, comité de citoyens-nes, coopératives diverses et médias alternatifs. Nous venons de Québec et les environs, de la Beauce, Bellechasse, Charlevoix, Montmagny, Portneuf et de la Rive Sud de Québec. De plus, des personnes venant du Bas St-laurent, Gatineau, Lac St-Jean, Mauricie, Montréal et même de Toronto assistent comme observatrices et observateurs. Enfin, il importe de signaler la présence et la participation importante de jeunes au Forum.

Toutes et tous sommes inquiets des répercussions de la mondialisation néolibérale sur notre présent et notre avenir. Nous rejetons ce monde que l’on nous impose, qui est fondé sur la compétitivité et l’égoïsme, et que certains et certaines nomment libre marché. Nous rejetons ce système qui soumet les peuples de la planète aux intérêts du capital et de leurs serviteurs.

Les diverses mobilisations organisées lors du Sommet des Amériques en avril 2001 ont suscité une vaste prise de conscience de la destruction de nos acquis sociaux par les maîtres de ce monde néolibéral. Dans nos régions, les effets du néolibéralisme sont bien concrets.

Des mouvements de résistance s’organisent à l’échelle mondiale. Ces mouvements ont convergé au Forum social mondial de Porto Alegre, au Brésil, qui leur a donné un nouveau souffle. Nous croyons qu’il existe des alternatives. Oui, Un autre monde est possible, un monde fondé sur la démocratie, la liberté des personnes, l’égalité entre toutes et tous, la justice sociale, la solidarité et la coopération. Et c’est ce monde que nous voulons construire.

NOS RÉALITÉS

A la suite des discussions entre les participants-es au Forum, plusieurs réalités font consensus :

 Nous assistons à une marchandisation croissante de différents aspects de la vie collective. L’éducation, la culture, l’environnement, l’alimentation et la santé en sont victimes. La rentabilisation économique et l’assujettissement de ces aspects de la vie collective aux intérêts du secteur privé illustrent ce phénomène de marchandisation.

 Les pouvoirs politiques se soumettent aux multinationales. En conséquence, ils se désengagent de leur mandat d’informer et de protéger les citoyens des effets néfastes de la mondialisation néolibérale.

 Le désengagement du gouvernement des services publics entraîne, entre autres, deux effets pervers. D’une part, il ouvre la porte toute grande des services publics au secteur privé. D’autre part, il augmente la charge de travail des travailleurs-euses du secteur public, des membres des groupes populaires et communautaires ainsi que des aidants-es, qui sont en majorité des femmes.

 Par ailleurs, le financement des services publics est insuffisant. Les orientations de ce financement sont dictées par l’État, lui-même soumis aux institutions internationales telles le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce et la Banque mondiale.

 Ces institutions internationales font pression sur tous les paliers de gouvernements, ici comme ailleurs, pour une plus grande marchandisation, privatisation et déréglementation de différents secteurs d’activité, ce qui a pour effet de déstructurer nos collectivités. Cette mainmise des pouvoirs financiers sur les instances politiques amène un évident déficit démocratique.

 Les effets sur les citoyens-nes sont catastrophiques. Des exemples sont observables dans tous les secteurs : précarisation du travail, diminution de l’accès à l’éducation, attaque aux régimes de soutien du revenu, mainmise de quelques entreprises agro-alimentaires sur l’alimentation, non-reconnaissance du travail domestique, délocalisation des entreprises, etc.

 Cette délocalisation des moyens de production entraîne l’exploitation des communautés au Nord comme au Sud. La mondialisation néolibérale consolide l’exploitation des pays du Sud par ceux du Nord et engendre l’exclusion sociale et la méfiance envers les membres des minorités culturelles.

 La culture de masse et la publicité imposent aux citoyens-es, et ce depuis le berceau, un système de valeurs basé sur l’individualisme et la consommation. Ce système de valeurs est en partie responsable du désengagement des citoyens-nes des sphères politique et sociale, ainsi que de l’indifférence face aux réalités des personnes marginalisées. En contrepartie, les voix qui s’opposent au discours dominant ne disposent pas de moyens suffisants pour se faire entendre de l’ensemble de la population.

 Malgré tout, on assiste à l’émergence de mouvements de solidarité et d’un sentiment d’urgence pour bâtir une alternative politique en opposition à la montée du néolibéralisme.

NOS ALTERNATIVES

Partout, des mouvements citoyens se mobilisent dans le but de mettre en place un autre monde. À la tête de ces mouvements, plusieurs groupes proposent des alternatives fort prometteuses, qui promeuvent des valeurs d’équité, d’égalité, de justice, de solidarité et de coopération.

Voici les alternatives qui ont fait consensus à travers les ateliers :

 Organiser plusieurs campagnes d’éducation populaire pour sensibiliser le public à différents enjeux tels la condition des femmes, les inégalités Nord-Sud, la ZLÉA, la privatisation et la fiscalité. Pour ce faire, utiliser des outils qui permettront de contourner le blocus médiatique qui limite la diffusion de nos idées, ce qui inclut les médias alternatifs et l’art engagé. Créer des espaces communs entre les communautés culturelles (Conseil et Maison interculturels) et rester en lien avec les autres régions du Québec.

 Résister aux réformes néolibéales et coupures budgétaires, et exiger un réinvestissement dans nos programmes sociaux : santé, éducation, services publics, action communautaire, filet de sécurité sociale, etc. Dénoncer les institutions financières qui dirigent les choix de nos gouvernements et les outils qu’elles utilisent, particulièrement la ZLÉA. Inclure l’analyse féministe dans la mobilisation contre la mondialisation néolibérale. Rassembler les groupes autour d’alternative tel que le commerce équitable, ou d’événements comme la consultation populaire sur la ZLÉA (menant à un vote au printemps prochain) et les actions étudiantes du 31 octobre 2002. Arrimer la mobilisation avec la lutte pour la paix, entre autres en Palestine, en Irak et en Amérique latine.

 Remettre en question la société de consommation et promouvoir le respect de l’environnement dans le développement viable de nos collectivités. Prioriser le recyclage, la lutte contre les OGMs et envisager la collectivisation de l’approvisionnement alimentaire. Des luttes concrètes autour de l’incinérateur de Québec et des mini-centrales hydro-électriques sont déjà engagées par certains groupes.

 Consolider les alliances et les réseaux afin de faire converger les luttes. Plus particulièrement, promouvoir la création d’une coalition des syndicats d’enseignants-es et d’étudiants-es pour élaborer par le biais d’un colloque régional sur l’éducation, une plate-forme de revendications et d’actions. Également, développer la solidarité inter-syndicale et la solidarité entre syndiqués-es et non-syndiqués-es, employés-es, non-employés-es et étudiants-es, afin que les intérêts de tous et toutes soient pris en compte dans l’élaboration de nos alternatives.

 Sur le plan politique, promouvoir la démocratie participative dans l’élaboration des politiques économiques et sociales, par exemple par le biais d’une forme de budget participatif. Revendiquer une réforme en profondeur du mode de scrutin. Utiliser l’éducation et l’action populaire afin que tous et toutes puissent faire un choix éclairé lors du scrutin. Talonner les partis politiques afin qu’ils prennent position sur les enjeux soulevés dans le Forum lors des prochaines élections, tout en réfléchissant à l’élaboration d’une alternative politique progressiste.

 Lutter pour le développement du logement social et pour le respect de l’autonomie des organismes communautaires dans l’attribution de leur financement. Dans cet objectif, appuyer les coalitions régionales, dont le REPAC, le ROC, le Regroupement des groupes de femmes, qui préparent une marche qui aura lieu le 23 octobre 2002.

NOTRE VOLONTÉ D’AGIR ENSEMBLE

Nous sommes réunis parce que nous sommes conscientes et conscients que seule l’action collective permettra à notre société, comme à celles du monde entier, de rompre avec le système d’exploitation et d’exclusion dans lequel nous nous trouvons. C’est par l’action collective et solidaire que nous pourrons construire un monde de liberté, d’équité, d’égalité, de justice, de solidarité et de coopération..

Oui, chez-nous aussi Un autre monde est possible, et nous nous donnons les moyens de le bâtir. Plusieurs actions convergentes et concrètes ont été identifiées. Avant de les nommer, il convient cependant de souligner que plusieurs larges préoccupations traversent l’ensemble de ces actions. L’une des préoccupations les plus importantes est la place centrale de la formation et de l’éducation populaire des membres des organisations comme de la population en général : plusieurs des actions convergentes identifiées en constituent des variantes. Il y a également un souci d’établir un calendrier des luttes communes et des formations, de rejoindre le plus grand nombre de personnes et de groupes, de faire le lien entre les luttes locales et les réalités Nord/Sud. Enfin, s’est affirmée la volonté d’inclure systématiquement l’analyse féministe au sein de ces enjeux.

Un très large consensus est ressorti autour d’un premier groupe d’actions convergentes en opposition à la ZLÉA, la Zone de libre échange des Amériques. En ouvrant entre autre la porte à la privatisation des services publics et à l’abolition du système d’imposition progressif, ce traité de libre échange menace plusieurs de nos acquis sociaux majeurs. Nous devons donc continué la lutte, qui pourra se concrétiser au travers des actions suivantes :

 la Consulta (consultation populaire sur la ZLÉA)

 la journée de grève et d’actions étudiantes du 31 octobre 2002

D’autres actions ont été mentionnées de manière répétée :

 l’action des coalitions régionales REPAC, ROC et RGF le 23 octobre 2002

 les campagnes contre les conflits armés et mobilisations pour la paix

 la promotion du commerce équitable

La nécessité d’une réflexion sur les alternatives politiques se fait de plus en plus sentir, particulièrement avec la montée de la droite politique. Bien que cette réflexion soit urgente dans la perspective des prochaines élections provinciales, l’exercice en déborde largement le cadre. De l’avis des participants-es, il est primordial de mener des débats sur les sujets suivants :

 la démocratie participative

 le scrutin proportionnel

 la construction d’une alternative politique progressiste

Les participants-es désirent apporter des suites concrètes au Forum social régional afin de consolider les réseaux déjà existants :

 d’ici Noël 2002, le Comité promoteur du Forum invitera les participants-es au Forum à une assemblée de

— constitution du Comité permanent du Forum social régional. Ce comité aura pour tâches de :

— reprendre les préoccupations des participants-es du Forum et les traduire en action

— élargir la représentativité du Forum

— coordonner la recherche collective de financement

— mettre en commun et diffuser les ressources et outils existants au sein de nos organisations.

Pour mieux diffuser l’information alternative, le développement de lieux et d’outils de communication entre les individus et avec la population est essentiel. Les outils suivants ont été envisagés :

 site web spécifique pour le Forum social régional ; chaîne téléphonique ; brigades d’information citoyennes ; centre de documentation ; journal ; valoriser et consolider les médias alternatifs ; investir les médias de masse.

APPEL À TOUTE LA POPULATION

C’est par l’action collective et solidaire que nous arriverons à avancer sur le chemin du progrès et de la justice sociale. Nous ne pouvons terminer ce Forum social des régions de Québec et Chaudière-Appalaches sans lancer un appel à la mobilisation à toute la population de nos régions.

Nous refusons que nos vies se résument à travailler et à consommer, pendant que se poursuit la destruction de l’environnement et de notre tissu social au profit du capital.

Nous refusons de fermer les yeux sur l’exploitation des femmes, sur la pauvreté qui frappe d’abord les femmes et les enfants, ici comme ailleurs, trop souvent par notre irresponsabilité, individuelle ou collective.

Nous voulons un projet d’avenir pour la jeunesse de nos régions, du Québec et du monde, qui permette à chaque personne de participer, avec enthousiasme et espoir, à la construction d’une société dans laquelle la liberté individuelle se conjugue avec la liberté de toutes et tous.

Nous voulons une société où l’exploitation, la compétition et la concurrence seront remplacés par l’équité, l’égalité, la solidarité, la justice, la coopération et la paix. Nous voulons une société où la démocratie signifiera réellement le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple afin que nous cessions d’être à la merci d’un trop grand nombre de politiciens-nes malheureusement trop souvent insensibles aux problèmes de la société, ou de financiers et de gens d’affaires obnubilés par le profit.

Nous invitons donc toutes les femmes et tous les hommes de notre coin de pays à croire comme nous qu’UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE, à se mobiliser et à agir en conséquence !

Québec, le 29 septembre 2002

OUI, UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE !

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