Le régime proposé reste, tout comme le régime actuel, gravement préjudiciable aux personnes. Il maintient les prestataires de l’aide sociale dans une condition de pauvreté inqualifiable et inacceptable pour une société riche comme celle du Québec. Il renforce les préjugés en accentuant la catégorisation des personnes en fonction de leur aptitude présumée au travail et en utilisant ces catégories pour justifier des prestations différentes dans des programmes distincts. Loin de couvrir les besoins comme il le devrait, il ne garantit même pas le maintien du pouvoir d’achat de l’ensemble des prestataires par un mécanisme d’indexation complet. Rien n’est fait non plus pour fonder le régime sur une base de droits clairement affirmés. Par ailleurs, les amendements proposés ne conduisent pas à une pleine application de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Ce constat conduit les trois regroupements à maintenir leur objection au projet de loi 57 et à continuer d’exiger son remplacement par une loi qui ferait faire au Québec un véritable pas en matière de protection du revenu.
L’intensité de la pauvreté reste entière
Les modifications annoncées par la ministre reprennent pour l’essentiel les annonces faites à la fin novembre 2004 par le ministre précédent. Plusieurs sont mineures, d’autres sont cosmétiques. Au total, elles n’amélioreront pas les conditions de vie des personnes.
L’abandon du projet de saisie des chèques pour non paiement de loyer est terni par une disposition qui, sans s’attaquer au fond du problème, soit l’incapacité de payer, ouvre la porte à des mesures de tutelle et de contrôle des prestations par des tiers. L’annonce d’un montant de la prestation qui serait protégé de toute forme de recouvrement, comme le veut l’article 15 de la loi sur la pauvreté, se mitige du fait que le débat sur la hauteur de ce montant est reportée au règlement à venir. D’autres amendements transfèrent à la ministre le pouvoir de prendre des décisions normalement régies par règlement, notamment sur les modalités de demande d’une aide financière autre que de dernier recours. L’abandon du projet d’allocation de participation, une mesure décriée qui figurait dans le projet de loi 57 au lieu d’une indexation complète des prestations, ne conduit pas à réajuster les prestations : les sommes seront plutôt redirigées vers des organismes qui accompagneront des personnes supposément pour les aider à s’en sortir alors qu’on les aura au préalable privées de moyens qui auraient dû leur revenir.
Si certaines des modifications annoncées confirment l’autorité de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion en reconnaissant entre autres que les personnes sont « les premières à agir » pour s’en sortir, il faudra maintenant, disent les trois regroupements, que le gouvernement agisse en cohérence avec cette loi, qui impose l’amélioration du revenu de l’ensemble des personnes en situation de pauvreté, et avec le changement de ton que la ministre dit avoir voulu marquer. Pour le moment, les plus pauvres sont encore plus pauvres en juin 2005 qu’avant le dépôt du projet de loi 57 alors que le budget du Québec a continué d’enrichir les plus riches. On aura beau vouloir « encourager » plutôt qu’obliger, il y a moins d’argent dans les crédits 2005-2006 que dans ceux de l’année précédente pour formuler une aide à l’emploi qui puisse répondre à la demande.
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Éric Bondo, pour le FCPASQ, au (514) 577-3279 ; :
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