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Un 6e congrès réussi

Québec solidaire concrétise son projet de société

mercredi 6 avril 2011, par Bernard Rioux

Le 6e congrès de Québec solidaire s’est tenu les 25, 26 et 27 mars derniers à Montréal. 350 délégué-e-s ont débattu d’un grand nombre de propositions sur l’économie, l’écologie et le travail qui vont constituer des pans essentiels de son programme politique.

À son 5e congrès, en novembre 2009, Québec solidaire a défini non seulement une orientation clairement indépendantiste, mais il a adopté une stratégie démocratique d’accession à la souveraineté, la perspective d’assemblée constituante. Ce congrès a commencé à esquisser les réformes démocratiques des institutions représentatives (mode de scrutin) et a défini la place des régions. Ce 5e congrès a également défini l’État du Québec comme un État laïque et démocratique, a précisé les conditions d’intégration des communautés ethnoculturelles et les rapports égalitaires que nous devrons établir avec les Premières nations.

Le 6e congrès a continué à définir la physionomie politique de Québec solidaire autour des grandes orientations suivantes : la démocratie doit aussi être une démocratie économique ; une vision écologiste qui dépasse les limites du capitalisme vert ; une volonté de défendre et d’élargir radicalement les droits des travailleurs et des travailleuses et enfin le caractère transversal de la lutte féministe pour l’égalité des femmes dans tous les domaines et dans toutes les dimensions de la vie économique, sociale et politique. Nous voulons simplement illustrer ici davantage l’esprit que la lettre des orientations adoptées.

L’économie doit aussi être démocratique.

La démocratie ne saurait s’arrêter aux portes des entreprises. Comment parler de démocratie si les citoyens et les citoyennes n’ont rien à dire sur les choix économiques fondamentaux de la société ? C’est pourquoi Québec solidaire entend, à terme, dépasser le capitalisme et mettre en place un système économique et politique favorisant le bien commun et qui ne fait pas de la croissance une fin en soi. Québec solidaire favorise une économie publique forte, mais soutient le développement d’une économie sociale (coop, communautaire, entreprise sociale) tout en en maintenant la place du secteur privé qu’il s’agira de baliser. Les nationalisations ne se feront pas sous un mode bureaucratique, mais s’inspireront d’un mode de gestion démocratique. L’industrie minière doit être placée sous contrôle public avec participation majoritaire de l’État. Bref, en ce qui concerne les ressources naturelles, Québec solidaire veut mettre fin au pillage des ressources par les multinationales et rendre à la collectivité sa capacité d’en maîtriser le développement.

Une orientation écologiste qui dépasse les limites d’un capitalisme vert

Québec solidaire défend la souveraineté énergétique du Québec. Le secteur énergétique doit être pris en charge par le secteur public. Québec solidaire vise à permettre la transition vers un autre système énergétique qui doit comprendre en priorité les économies d’énergie et les énergies renouvelables. C’est pourquoi Québec solidaire mettra fin à l’exploration et à la mise en exploitation d’énergies fossiles telles que le pétrole du golfe St-Laurent et les gaz de schistes. Il éliminera également la filière nucléaire et en finira avec l’exploration et l’exploitation de mines d’uranium.

La stratégie énergétique de l’État québécois doit être démocratiquement établie par la collectivité, dans laquelle les salarié-e-s des secteurs concernés auront leur mot à dire. Québec solidaire préconise de réduire, d’ici 2020 d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 et de mettra en place une stratégie pour abandonner les énergies fossiles d’ici 2030. Québec solidaire, en rupture avec les perspectives défendues par le capitalisme vert, s’oppose aux bourses du Carbone, rejette les fausses solutions comme les agrocarburants ou le stockage du carbone et aux taxes sur le carbone qui frappent surtout les pauvres. Les entreprises du domaine de l’énergie seront placées sous contrôle public (participation majoritaire de l’État), incluant au besoin la nationalisation complète à 100%.

Un élargissement radical des droits des travailleurs et des travailleuses

Le congrès a adopté une série d’orientations concernant les droits syndicaux et la démocratisation de milieux de travail qui permettront d’améliorer radicalement le rapport de force des travailleuses et travailleurs face au patronat. Québec solidaire se définit ainsi comme un allié indéfectible des classes ouvrières et populaires. Le droit de grève sera reconnu dans la Charte des droits et libertés. Le droit de grève politique et de solidarité sera également reconnu. Les lock-out seront interdits. D’autres mesures permettront d’étendre l’équité salariale à tous les milieux de travail et d’en finir avec les ghettos d’emplois. Pour Québec solidaire, la notion de travail doit inclure le travail non rémunéré essentiel à l’existence de la société, travail invisible qui est le plus souvent le lot des femmes.

Québec solidaire défendra une politique de plein emploi active et efficace comportant des mesures d’action positive pour les femmes, les personnes handicapées, les minorités visibles et les Autochtones.

Le salaire minimum sera haussé substantiellement. Le recours patronal au temps partiel involontaire sera strictement limité et le droit au passage à un emploi à temps plein dès que possible sera assuré. La semaine de travail sera réduite à 35 heures pour la ramener à 32 heures avec possibilité alternative de prolonger les vacances. Le tout sans perte de rémunération, avec embauche proportionnelle, sans intensification du travail et avec durcissement des conditions de recours aux heures supplémentaires dans toutes les entreprises.

Le caractère transversal de la lutte pour l’égalité des femmes

Le congrès a reconnu que le travail souvent invisible des femmes, rémunéré ou non, fait partie intégrante de l’économie. Dans la discussion sur les droits des travailleurs et des travailleuses, la nécessité de mesures favorisant l’égalité des femmes et des hommes dans le travail a été constamment rappelée et soutenue par les délégué-e-s.

Des débats qui, sans tout régler, font avancer Québec solidaire dans la définition de son projet de société.

Québec solidaire a fait le choix de débattre sur des orientations non à partir de définitions largement idéologiques, mais davantage à partir de propositions d’action visant à atteindre des objectifs précis. Ce choix ne cherchait nullement à construire des consensus artificiels. Il visait plutôt à permettre des débats concrets reposant sur des évaluations de situations problématiques et l’utilisation des possibles que ces dernières recèlent. Ce fut un bon choix. Au lieu d’exacerber les nuances ou les divergences, cette approche a permis d’esquisser les tâches essentielles qui sont devant nous, sans faire disparaître la diversité des objectifs et des stratégies présente dans cette volonté de transformation sociale qui unifie Québec solidaire.

Mais, le fait d’en rester à l’essentiel, de se contenter d’analyses souvent rapides et de ne pas expliciter suffisamment les obstacles qui se dressent face aux objectifs que se fixe Québec solidaire, a conduit le congrès à laisser dans l’ombre nombre de questions que le parti ne pourra pas toujours esquiver. Cette approche des débats devra être modulée de façon à expliciter davantage pour l’ensemble des membres du parti les tenants et les aboutissants tant des analyses qui soutiennent les propositions mises de l’avant que les stratégies qui seront nécessaires de déployer pour parvenir aux buts que le parti se fixe. Elle devra être corrigée pour donner plus de temps aux échanges et à l’appropriation de débats qui ne sont pas toujours faciles.

Mais, il faut souligner enfin que le respect dans les débats qui a caractérisé l’ensemble du congrès sans exception, a démontré que la volonté proclamée par Québec solidaire de faire de la politique autrement n’est pas une formule vaine et a permis de renforcer la cohérence du parti qui a de nombreux défis à relever mais qui fait de plus en plus la preuve qu’il se construit comme un instrument essentiel d’un projet émancipateur emballant.