Problématique
Le capitalisme est caractérisé par un profond déséquilibre de pouvoir entre employeÉs et employeurs. Cette situation est intolérable dans une société se voulant démocratique : comment être un sujet dans la cité quand on est un objet au travail ?
Le « progrès » du capitalisme pour la minorité possédante a été accompagné d’une dégradation des conditions au travail de la majorité des salariéEs, processus qui s’est accéléré ces dernières décennies : intensification du travail, « gestion par stress », autonomie de plus en plus restreinte, surveillance électronique des performances assistée par ordinateur, progression rapide de la précarité, avec toute l’augmentation du stress qui en découle. (Les questions de la stagnation de la rémunération et de la précarisation seront traitées dans des propositions séparées.)
Mais il y a pire. En 2007, plus de 150,000 travailleuses et travailleurs ont été reconnuEs victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles et ont reçu des prestations de la CSST. En 2008, 195 personnes ont perdu la vie au Québec à cause d’un accident au travail ou d’une maladie professionnelle.
Sous le régime en vigueur, les patrons et les salariéEs assument la responsabilité conjointe de la prévention sous forme de comités conjoints paritaires de santé et de sécurité au travail. C’est la théorie. Mais dans la pratique ces comités n’ont pas de pouvoir réel. Le pouvoir sur l’organisation du travail reste entre les mains de patrons. Pire encore, l’introduction au début des années 1980 de ce régime, dit de « responsabilité interne », a servi de justification pour que les inspecteurs du gouvernement se comportent plus comme « facilitateurs » que comme policiers chargés d’appliquer la loi en imposant des sanctions qui font mal. Et malgré les intentions lors de l’adoption de la loi, face à la résistance des patrons ce régime de droits limités des travailleuses et des travailleurs n’en couvre qu’une minorité, environ 15%, et cela dans des secteurs dominés par les hommes.
Dans la société démocratique que nous voulons, il faut que les travailleuses et les travailleurs aient du pouvoir sur l’organisation du travail, auquel elles et ils passent une grande partie de leur vie. C’est elles et ils qui subissent les effets négatifs, tant physiques que mentaux, des mauvaises conditions au travail. C’est elles et ils qui connaissent le mieux les problèmes et souvent aussi les meilleures solutions.
Il faut reconnaître pleinement les risques à la santé mentale. Mais il faut aussi reconnaître l’importance du contrôle par les travailleuses et les travailleurs sur les conditions du travail et sur l’organisation du travail pour la qualité de vie au travail. Il faut aller au-delà de la seule prévention des lésions et des maladies et adopter comme but la transformation du travail en activité qui favorise la santé physique et mentale et le développement du potentiel humain.
Dans les entreprises privées, la démocratisation du travail passe avant tout par le renforcement des organisations indépendantes des travailleuses et des travailleurs - les syndicats. (Une participation directe à la gestion des entreprises privées obligerait les travailleuses et les travailleurs à assumer à leur compte la logique de la concurrence.) Mais dans les entreprises et les institutions publiques et de l’économie sociale, elles et ils doivent avoir, en plus d’une organisation syndicale, une représentation paritaire sur les conseils d’administrations. Et, finalement, dans toutes les entreprises les représentantEs des travailleuses et des travailleurs doivent constituer la majorité sur ces comités conjoints d’organisation du travail dotés de pouvoirs réels.
Propositions :
1. Mesures pour faciliter la syndicalisation et renforcer les droits syndicaux
– Reconnaissance dans la Charte des droits et des libertés du droit d’association en syndicats, de négociation, et de grève.
– Reconnaissance de l’accréditation multi-patronale et de site (afin que les personnes travaillant chez des employeurs différents puissent se regrouper dans une même accréditation syndicale. Cette mesure faciliterait grandement la syndicalisation des PME, et notamment dans le secteur des services, où travaillent majoritairement des femmes.)
– Renforcer la loi anti-scab et de son application ; interdire les lockouts et le recours aux injonctions contre le piquetage ; interpréter de manière restrictive la Loi sur les services essentiels
– Reconnaissance du droit aux grèves politiques (grèves qui visent à influencer le gouvernement) et de solidarité (avec d’autres travailleuses, travailleurs en grève). (Présentement, la seule grève légale est au moment de la fin de la convention collective et elle doit viser l’employeur direct.)
– Faciliter l’accès à la syndicalisation des travailleuses et des travailleurs ditEs autonomes et des travailleuses et des travailleurs agricoles
– Assurer aux syndicats l’accès à l’information sur la situation économique de l’entreprise par l’ouverture des livres de comptes
– Renforcer les pénalités pour les pratiques antisyndicales
– Accorder à toutes les travailleuses, tous les travailleurs une journée annuelle de congé payé pour la formation sur le syndicalisme et sur les normes de travail, organisée par les syndicats ; introduire dans les cours d’école secondaire des leçons sur l’histoire du mouvement ouvrier et sur le syndicalisme.
2. Droit de participation directe à l’administration dans les entreprises et les institutions publiques et de l’économie sociale
– Représentation paritaire des employéEs aux conseils d’administration des entreprises et des institutions publiques et de l’économie sociale
3. Santé-sécurité et organisation du travail
– Étendre le régime de comités conjoints à tous les secteurs de l’économie et leur accorder des pouvoirs décisionnels
– Accorder une représentation majoritaire aux travailleuses et aux travailleurs sur les comités conjoints et étendre la compétence de ces comités au-delà de la prévention des risques de lésions ou de maladies à toute ce qui touche l’organisation du travail, leur accordant un droit de véto sur l’introduction de nouvelles pratiques, équipements, processus, substances, etc., jugés dangereux, nuisibles ou déshumanisant.
– Augmenter le nombre d’inspecteurs et la fréquence des inspections non-annoncées ; leur donner un mandat clair de faire appliquer les lois et les normes en émettant des ordonnances, en imposant des amendes et en entamant des poursuites judiciaires.
– Étendre le régime d’indemnisation et assurer les mêmes droits à la CSST à l’ensemble des travailleuses, travailleurs ; abolir le Bureau d’évaluation médicale et mettre en place un processus par lequel la CSST pourrait obtenir l’examen par un autre médecin choisi par la victime en accord avec son médecin traitant.