L’élaboration délibérative d’un programme est un exercice périlleux, mais fructueux. Un pari unique dans toute l’histoire du Québec : établir un programme politique, non pas dans la tête d’une poignée d’intellectuels, mais à travers la démocratie participative de l’ensemble des membres. Évidemment, c’est un processus lent, mais comme on le dit à Québec solidaire : « la démocratie, c’est long, mais ça va loin ». Ce processus a le mérite de rendre explicite les tendances qui œuvrent au sein de notre parti de gauche, mais exige une sage maturité pour éviter les divisions.
L’indépendance
Parler d’une « société » qui se projette dans l’avenir implique d’agir de manière consciente à travers d’institutions démocratiques. Le Québec ne peut se doter de telles institutions qu’en adoptant son indépendance. À ce titre, la première étape a été franchie l’an dernier par l’adoption d’un projet novateur et audacieux pour l’indépendance du Québec. Il s’agit d’une Assemblée constituante qui rompt le cadre oppresseur de l’État canadien, tout en reconnaissant les droits des peuples autochtones sur le territoire québécois.
La planification démocratique et écologique de l’économie, visant à répondre collectivement aux besoins sociaux
Plus que jamais, il est nécessaire de contrôler les leviers de l’économie : contrôle de banques, nationalisation des secteurs énergétiques et impôt sur le capital pour investir dans des projets écologiques. Une approche démocratique et écologique viserait à définir collectivement les biens de consommation à produire, leur quantité et leur nature, le type d’énergie à employer, la consommation à privilégier, les niveaux de consommation d’énergie, la transformation des modes d’habitat et de transport, la relocalisation de la production dans une logique de dépense modérée d’énergie et l’élimination du gaspillage (armement, publicité, obsolescence planifiée). La nécessaire transformation culturelle des modes de consommation est inconcevable sans que la population ait un pouvoir collectif réel sur les choix de ce qui est produit.
Le seul moyen de protéger les écosystèmes et d’harmoniser la vie humaine avec la nature, c’est de renverser le système économique basé sur la production de marchandises et l’accumulation de richesse.
Nous les socialistes, nous croyons que la planification démocratique de l’économie, visant à répondre collectivement aux besoins sociaux, est la seule réponse possible au désastre écologique du capitalisme.
Nos conditions de vie
Nous sommes d’accord avec la transformation écologique des modes de vie, incluant la réduction de la surconsommation. Cela dit, les réductions de salaire imposées par le gouvernement et les patrons ne font qu’augmenter les inégalités et l’exploitation. Dans une société inégalitaire, toute mesure visant « réduire la consommation » sera faite au détriment des travailleurs et des plus démunis, en particulier des femmes. Le capitalisme est caractérisé par un profond déséquilibre entre employé-es et employeurs. Cette situation est intolérable dans une société se voulant démocratique : comment être un sujet dans la cité quand on est un objet au travail ? Un gouvernement solidaire devrait renforcer les droits des travailleurs, syndiqués ou non, pour qu’ils puissent défendre leur salaire, leur santé et leur sécurité. Les revendications ouvrières sont aussi écologistes. Il est insensé de parler de fermeture d’usines polluantes sans la garantie d’un meilleur emploi pour ses ouvriers. La réduction du temps de travail, sans perte de salaire, rend possible une vie saine, sereine et écologique.
Nous, travailleuses et travailleurs, exigeons le partage de la richesse et le droit de décider l’organisation de nos vies.
La libération des femmes
Comme l’a démontré le mouvement des femmes, incluant la Charte mondiale des femmes, l’oppression patriarcale est liée à l’exploitation capitaliste. Les femmes sont encore considérées comme des salaires d’appoint, comme des travailleurs de seconde zone. Ça profite aux entrepreneurs dans leur ensemble. Les femmes sont une main-d’œuvre bon marché, qui ne coûte pas cher. C’est pourquoi toutes les mesures d’égalité sont difficiles à mettre en place et à gagner. Le capitalisme a intérêt à être patriarcal… ça lui rapporte de l’argent. Pas seulement au travail, à la maison, à la garderie, à l’école et à l’hôpital, les femmes supportent le plus lourd fardeau.
Nous les femmes, nous luttons contre le capitalisme pour obtenir l’égalité réelle, mais revendiquons un mouvement féministe autonome qui est la seule garantie, comme le démontre l’histoire, de l’émancipation des femmes.
L’anticapitalisme
Affirmer qu’il faut sortir du capitalisme est essentiel, mais non pas suffisant. Vous pouvez affirmer « À bas le capitalisme ! » à répétition en rouge, en noir, en vert ou en mauve. Vous n’avancerez pas bien loin ! Gauche socialiste rejette le dogmatisme de certains qui masquent leur absence de stratégie derrière une profession de foi anticapitaliste. La stratégie révolutionnaire, c’est identifier d’où l’on part, le chemin à suivre et les armes nécessaires à emporter.
Les propositions qui suivent sont autant leviers stratégiques pour renforcer le rapport de force en faveur des classes ouvrière et populaire. Elles visent à rompre le pouvoir des secteurs capitalistes et renverser l’oppression des femmes. Bien qu’il soit réaliste dans la société capitaliste actuelle, notre programme est une marche essentielle sur laquelle les travailleuses et travailleurs du Québec pourront s’appuyer pour sortir du capitalisme. Mais il y a plus encore, réaliser notre programme nécessite une société où la bourgeoisie perdra son hégémonie au sein de la société. Les patrons n’accepteront jamais la semaine de 35 heures, la nationalisation des banques, l’égalité réelle des femmes, la planification énergétique, l’économie sans combustibles fossiles. Ce sont les luttes sociales qui permettront ces avancés, d’où l’importance de ce que nous appelons « le parti de la rue », une action complémentaire à notre action électorale.
Les mouvements sociaux et notre parti
Il s’agit de se mettre au service des mouvements sociaux populaires et féministes, au parlement et dans les luttes. Ce n’est que s’il articule la mobilisation des mouvements sociaux à l’accession au pouvoir qu’un parti de gauche aura les moyens de transformer des revendications en réalisations durables. Sans un mouvement social fort, le gouvernement d’un parti de gauche ne saurait être en mesure d’appliquer et de maintenir ses politiques, et de faire face aux résistances du grand capital et de ses alliés.
Québec solidaire n’est pas neutre face aux mouvements sociaux. Il est leur allié. Comme parti et comme futur gouvernement, il doit soutenir leurs revendications, chercher à renforcer leurs capacités d’organisation et d’actions, leurs droits et leur rayonnement, œuvrer à renforcer leur unité et leurs actions communes.
L’ensemble des revendications que Gauche socialiste met de l’avant est le point de rencontre de la dialectique de la lutte émancipatrice : des revendications concrètes pour avancer vers le socialisme, le socialisme pour réaliser des revendications concrètes.