Au Congrès précédent nous avions identifié sans réserve le pays du Québec, nommant ainsi le lieu ou se construirait la société solidaire. Il est donc normal et logique que par la suite nous commencions à répondre à l’autre question fondamentale : quelle société construire ?
Les délégués-es
Il n’existe, a notre connaissance, aucun document permettant de dresser le profil sociologique de la composition des délégations et c’est bien dommage. A vue de nez, une proportion légèrement plus élevée de femmes et se démarquant des Congrès précédents. Sans doute beaucoup plus de jeunes souvent particulièrement sensibles aux dimensions féministes et écologistes des discussions. De nombreuses animatrices des réseaux communautaires ainsi que plusieurs syndicalistes de toutes allégeances, quelquefois retraités-es.
Des échanges respectueux les uns des autres dans un climat de travail bon enfant malgré un ordre du jour démesurément ambitieux.
Le contenu : un très particulier mélange de pragmatisme et de radicalisme
Un sérieux presque solennel lorsqu’il s’agit de discuter de la meilleure façon de contrôler nos ressources, d’inclure de façon transversale la perspective écologiste dans toutes nos politiques sans oublier de décider de la meilleure façon de rééquilibrer le rapport de force dans le monde du travail en faveur des salarié-es.
Un journaliste a écrit que les dirigeants ont réussi à contenir l’ardeur révolutionnaire des délégations. Un peu court lorsqu’on songe qu’à l’unanimité ce Congrès a voté pour …abolir le droit au lock-out pour les employeurs ! Cette mesure est en vigueur dans plusieurs pays d’Europe de l’ouest et du nord. C’est pas demain la veille qu’un autre parti politique québécois proposera une mesure semblable.
Mais il est vrai que QS achève de tourner le dos à son coté un peu agaçant de « groupe de pression idéologique » pour devenir l’embryon d’un grand parti populaire de gauche avec tout ce que cela implique au chapitre de la pédagogie politique.
On sentait, au sein des délégations, un souci permanent de prendre des positions à la fois audacieusement progressistes mais également capables de franchir la rampe de l’explication politique. Etre crédible ne signifie plus une capitulation à l’idéologie dominante. Le douteux plaisir d’avoir radicalement raison entre initiés fait place peu à peu à la perspective de rallier et de convaincre la majorité de la population dans un contexte particulièrement difficile où les valeurs de gauche doivent reconquérir du terrain pouce par pouce.
La discussion sur les nationalisations des entreprises privées témoigne bien de cet approche : nationaliser si nécessaire mais pas nécessairement nationaliser.
Fini la politique du mur à mur. Le petit propriétaire de mon dépanneur n’a rien à craindre de Québec Solidaire ! Mais, on observe chez Québec Solidaire un net et catégorique refus de dériver vers ce social-libéralisme qui a conduit, par exemple, la plupart des partis socialistes européens au pouvoir à privatiser allègrement.
Suite aux résolutions de son Congrès, souvent orientées vers un contrôle des ressources naturelles en fonction du bien commun et des impératifs écologistes, QS se prépare-t-il à devenir, mine de rien, le parti de la seconde révolution tranquille donc le Québec a un si urgent besoin ? Dommage que la presse ait boudé ce congrès, mobilisés par les élections fédérales. Il s’y est passé quelque chose d’exceptionnel tant sur la qualité des débats (dont certains très difficiles) qu’au chapitre des résultats.
Cette seconde révolution ne sera évidemment pas un copier-coller de la première puisqu’elle mettra en scène des forces sociales et politiques différentes, dans un contexte continental et mondial également transformés en profondeur. Mais cette seconde vague nous permettra peut-être, cette fois d’aller jusqu’au bout : pour un pays indépendant, maîtrisant pleinement (c’est à dire écologiquement) ses ressources et proposant la démocratie sociale comme pierre angulaire de son projet de société.