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Pour faire reculer Charest en 2004.

Pour l’autonomie de la gauche en 2007. Pour une Indépendance internationaliste

Benoit Renaud, membre de Socialisme International

mercredi 12 mai 2004

Voici quelques idées qui ne se veulent pas un manifeste, un programme ou une plate-forme ou même un préambule, mais plutôt des guides pour s’orienter collectivement dans les eaux troubles de la présente conjoncture politique. Il s’agit de définir le rôle de l’UFP et ses grandes orientations dans le contexte de la résistance à l’offensive du gouvernement Charest, des convergences et démarcations à gauche et de la remontée en faveur du Parti Québécois.

La défense des services publics, des emplois et des droits sociaux ne peut pas attendre la prochaine échéance électorale. Le petit contingent péquiste au 1er mai l’a très bien illustré par la négative avec son slogan " vivement 2007 ". Le simple fait de " s’en souvenir ", comme le suggérait Henri Massé en décembre dernier, ne sera pas une grande consolation pour les victimes de la sous-traitance et des coupures. Un plan d’action dont la logique est d’étirer la vague de mécontentement le plus longtemps possible ou jusqu’au " rétablissement du dialogue " n’est pas acceptable non plus pour ceux et celles qui risquent de perdre leur emploi ou de subir la précarisation et l’appauvrissement au cours des prochains mois.

En tant que rassemblement de militantes et de militants de la gauche sociale et parti de la rue, l’UFP devrait avancer quelques propositions autour d’une réflexion sur la manière de gagner la lutte contre les politiques du régime Charest. Il reviendra aux instances des organisations syndicales et sociales d’en disposer. Bien entendu, que nos idées soient reprises ou pas, nous serons parti prenante de chaque mobilisation qui viendra, comme nous avons été de celles des derniers mois.

Cette perspective devrait s’articuler autour des principes et jalons suivants :

des revendications unificatrices incorporant les préoccupations des travailleuses et travailleurs des secteurs public et privé, syndiqués ou non, des sans-emploi, du mouvement des femmes et du mouvement étudiant, et en opposition complète avec la logique de privatisation et d’appauvrissement mise de l’avant par le gouvernement ;

un plan d’action dont la logique est l’unité de la base au sommet, ainsi que l’escalade de la mobilisation jusqu’à une confrontation décisive avant la fin de 2004, avec comme étapes cruciales une grève générale de 24 heures avant l’été, la formation de réseaux locaux et régionaux intersyndicaux et du mouvement social regroupant les personnes actives à la base, la tenue d’État Généraux du mouvement social comme alternative démocratique aux forums du gouvernement, et la perspective d’une grève générale reconductible cet automne.

La logique qui consisterait à attendre 2007 pour battre le gouvernement Charest dans les urnes, plutôt que de le faire maintenant dans la rue, mène tout droit à un appui stratégique au Parti Québécois lors des prochaines élections générales. Cette perspective est à rejeter à la fois pour la gauche sociale et pour la gauche politique. Elle donnerait au PQ le beau jeu de se donner des airs progressistes pendant son séjour dans l’opposition, puis de gouverner sur la base des lois réactionnaires et des contre-réformes adoptées sous les libéraux, avec peut-être des améliorations mineures. Une telle stratégie revient à se contenter de dix pas en arrière maintenant pour un pas en avant dans quatre ans.

Dans les élections, cette orientation conduirait à ne pas présenter des candidatures de gauche dans les comptés chaudement disputés, pour éviter d’être accusés de faire le jeu des libéraux. Ce serait l’appui stratégique au PQ, sous une forme ou un autre, et par conséquent un recul majeur par rapport à la campagne de l’UFP de 2003.

Dans les discussions de convergence avec Option Citoyenne ou d’autres composantes de la gauche, on doit être clairs sur la question de notre autonomie complète face aux trois partis néolibéraux (PQ, PLQ, ADQ). Le but du processus d’unification de la gauche doit être de renforcer cette autonomie, pas de la remettre en cause. Ce qu’on souhaite ultimement c’est de présenter des candidatures dans tous les comptés lors des prochaines élections générales ainsi qu’à chaque élection partielle d’ici là. Sinon, la rupture n’en est pas une et le parti devient, au mieux, un mouvement de pression sur le PQ.

Pour l’UFP, les deux aspects de notre travail (les urnes et la rue) devraient se refléter dans notre fonctionnement. Il nous faut des associations de comptés pour se préparer à la bataille électorale, des commissions ou comités par secteur du mouvement social pour aider à la mobilisation et participer aux débats stratégiques, des régions et des instances nationales pour coordonner l’ensemble du travail.

Mais plus encore qu’une réforme de nos structures, ce dont nous avons besoin c’est d’une perspective claire dans la période politique actuelle permettant de mobiliser nos membres, de recruter de nouvelles personnes et de contribuer à la fois aux luttes sociales et à l’unification d’une gauche ayant confiance en ses idées et en ses capacités.

À cet égard, une clarification de nos perspectives sur la question nationale est incontournable. L’offensive péquiste vers la gauche, incarnée par le SPQ libre, repose clairement sur la logique de " l’unité des souverainistes " et de " une certaine autonomie pour le Québec avec le PQ d’abord, un capitalisme un peu moins sauvage plus tard ". C’est aussi la proposition d’une union sacrée entre le mouvement syndical et Québec inc. au nom de l’intérêt dit " national ".

Face à ce type de discours, on ne pourra construire une alternative à gauche qu’en évitant de se placer sur le terrain des débats stratégique sur le " comment " de la souveraineté (à la sauce de la " saison des idées ") et être bien clairs sur le fait que nous ne partageons tout simplement pas les mêmes objectifs.

Pour l’UFP, le projet indépendantiste n’est pas la formation de deux plus petits Canadas, deux petites puissances impérialistes entretenant le même genre de rapport avec les Premières Nations, les peuples opprimés du Sud et sa population immigrante et réfugiée.

Nous voulons un Québec indépendant des alliances militaires et des pactes économiques impérialistes (OTAN, NORAD, ALENA, ZLÉA), un Québec solidaires de la lutte de toutes les nations opprimées du monde, en commençant par les peuples autochtones vivant sur le territoire actuel de la province de Québec, un Québec accueillant pour les personnes fuyant la persécution et la misère, un Québec se définissant en opposition à toutes les formes de racisme et d’intolérance, bref un Québec internationaliste.

Nous prônons aussi la formation d’alliances pancanadiennes face aux politiques néolibérales et guerrières du gouvernement fédéral et aux attaques du patronat canadien. Nous savons que nous avons infiniment plus de choses en commun avec les travailleuses et les travailleurs du Canada anglais qu’avec le patronat québécois.

Pour un parti né entre les manifestations d’opposition à la ZLÉA d’avril 2001 et celles protestant contre l’invasion de l’Iraq en février en mars 2003, avec le slogan altermondialiste "un autre Québec est possible ", un indépendantisme conjugué avec la solidarité internationale et la lutte pour la justice sociale est tout ce qu’il y a de plus naturel.

C’est cette triple vision d’un parti participant pleinement aux luttes sociales dès maintenant, se préparant à affronter l’axe néolibéral PQ-PLQ-ADQ dans trois ans, et porteur d’un projet politique libérateur et solidaire, qui nous permettra de rassembler la gauche toujours plus largement tout en clarifiant de mieux en mieux son identité distincte.