Analyse de la CSQ
Le pire était anticipé, le premier ministre persistant à dire qu’il " garde " le cap. Au lendemain de la présentation de la présidente du Conseil du trésor, certains analystes ont poussé un soupir de soulagement, soulignant le ton modéré, la démarche " étapiste ", la " prudence toute politique ". Pour sa part Michel David, du journal Le Devoir, constatait que " la montagne avait accouché d’une souris ", alors que pour J.-Jacques Samson (Le Soleil), " La dame au casque blanc " avait agi avec " une grande prudence et sans brusquerie ". Le Conseil du patronat, heureux des " belles annonces ", soulignait " la rigueur et le sérieux " de la démarche.
Si le gouvernement n’a pas mis en œuvre une réforme plus radicale c’est uniquement à cause de la grogne qui l’oblige à composer avec une insatisfaction populaire inégalée pour un gouvernement après une année de mandat. Ce ton d’apparence plus conciliant au vocabulaire épuré de certaines expressions irritantes comme " réingéniérie ", cette pseudo-admission " que la tâche est plus complexe que prévue ", témoignent d’un changement de plan de communication.
Mais il ne faut pas se leurrer, il y a bel et bien une réforme en cours, celle de l’État. Elle n’a pas fait l’objet d’un débat public. Elle ne sera pas débattue à l’Assemblée nationale. Elle a été concoctée au-dessus de la tête des députés. Pourtant, le premier ministre Charest avait promis, en septembre 2002, de confier à une commission parlementaire l’examen en profondeur de la mission des ministères et des organismes d’État.
L’État québécois, modèle PLQ
En toute concordance avec que qui est dit par ce gouvernement depuis son élection, le message de la présidente reprend les grandes lignes de leur conception de l’État québécois :
Le statu quo n’est pas un choix responsable. On ne peut placer le Québec à l’abri de la mondialisation ou des conséquences des changements démographiques. On ne peut exiger plus d’effort de contribuables qui sont les plus taxés du continent. On ne peut imaginer alourdir indéfiniment notre dette collective, et reporter ainsi sur nos enfants notre incapacité à ajuster nos dépenses à notre richesse.
Pour réussir notre entrée dans le siècle nouveau, pour accroître notre prospérité, pour rester fidèles à nos idéaux de justice et de compassion et conserver les services publics auxquels nous tenons, nous devons repenser nos façons de faire. Il faut recentrer l’action de l’État sur ses missions essentielles, faire confiance aux régions et à ceux qui agissent en première ligne, s’ouvrir aux partenariats et aux pratiques innovatrices, privilégier les services aux dépens des structures. En un mot, il faut moderniser l’État québécois.
Le citoyen a pour sa part de nouvelles exigences. Il ne veut plus être renvoyé d’un comptoir à l’autre à la recherche de réponses. Il veut un accès rapide, simple et convivial à son gouvernement, de préférence en une seule démarche et au moment qui lui convient. L’État moderne est un appareil complexe, mais son contact avec le citoyen ne doit pas être compliqué.
Cet État moderne ne doit pas empêcher les citoyens de prendre en charge leurs affaires. Il est fini, le temps où l’État intervenait dans chaque recoin de l’économie, au risque d’étouffer le goût du risque et la passion d’entreprendre - qui sont les clefs de la prospérité. Il faut reconnaître de façon lucide que l’État ne peut plus se permettre le luxe de se passer du savoir-faire de nouveaux partenaires, de l’apport des nouvelles technologies ou de l’initiative des acteurs locaux.
Vers un État de plus en plus minimaliste
Le Plan de modernisation déposée par la présidente du Conseil du trésor repose sur l’affirmation jamais démontrée que nous sommes arrivés au bout d’un modèle de fonctionnement, que l’État n’est plus adapté à la réalité des années 2000 et qu’il faut le recentrer sur ses missions essentielles. Ce jugement sur l’État québécois est fortement idéologique. " Il se trouve au contraire, beaucoup de monde ici et ailleurs au Canada pour penser que l’État québécois est le plus avancé à bien des chapitres, notamment pour ses programmes sociaux. Et il se trouve aussi bien du monde pour penser que l’abolition de 20 % de la fonction publique, le recours au privé dans les services publics et la privatisation des biens communs ne sont pas tout à fait synonymes de modernité2".
Un gouvernement a le droit de repenser les " façons de faire " de l’administration publique, la manière dont s’effectue la prestation des services. Il a la responsabilité de s’assurer que les revenus de l’État soient dépensés à bon escient. D’ailleurs, cette révision des modes de fonctionnement de l’appareil gouvernemental a lieu depuis des années, les multiples réformes étant là pour en témoigner.
Ce qui nous est proposé, depuis l’élection du gouvernement Charest, c’est d’accélérer la soumission de l’action gouvernementale aux impératifs du marché et, au premier chef, à ceux de la concurrence et de la compétitivité. À preuve, ses premiers gestes furent d’abolir les " contraintes législatives " qui font obstacle à la modernisation de l’État. Aujourd’hui, il ajoute son plan de " réingéniérie " qui s’appuie sur le scénario catastrophique développé dans " Briller parmi les meilleurs " et se décline ainsi : au Québec, les dépenses publiques sont plus élevées qu’ailleurs et augmentent plus rapidement que les revenus. En conséquence, nous sommes collectivement les plus endettés et les plus taxés en Amérique du Nord. Pire, le déclin démographique du Québec menace notre croissance économique. Aussi, faut-il sortir du piège budgétaire et restaurer la marge financière du Québec
Les objectifs de ce gouvernement sont clairs :
– limiter le plus possible l’exercice des droits syndicaux et, conséquemment, affaiblir le mouvement syndical ;
– accroître la privatisation des services publics par les partenariats privé-public, la sous-traitance et les cessions de services ;
– imposer une vision de la décentralisation de l’action gouvernementale en s’appuyant sur la " gouvernance régionale " ;
– réduire les investissements publics dans les services publics afin de diminuer les impôts.
Le gouvernement Charest s’est fait élire en promettant des baisses d’impôt à hauteur de 1 milliard de dollars par année. Il devient de plus en plus difficile de respecter cette promesse, tenant compte de l’ampleur du déséquilibre fiscal. Pour résoudre son dilemme, il prévoit vendre une partie du parc immobilier du Québec. La présidente du Conseil du trésor présente le travail comme une opération d’" architecte ", mais admet son incapacité à évaluer les sommes que le gouvernement pourra épargner en procédant ainsi ; " la modernisation n’est pas une opération comptable " se plaît-elle à répéter.
Tout processus d’amélioration devrait contenir des garanties concernant le bien public (santé, éducation), les droits publics (eau), les conditions de travail des gens, le respect des grands principes de politiques publiques et le maintien du niveau de financement des programmes.
En quoi le " plan de modernisation " du gouvernement va-t-il permettre de réduire les inégalités sociales et d’accroître l’égalité des chances dans notre société ? En quoi ce plan d’action va-t-il améliorer le " vivre ensemble " au Québec ? Comment ce plan va-t-il assurer une plus grande réussite éducative des jeunes ? Comment va-t-il contribuer à améliorer la santé de l’ensemble de la population ? En d’autres mots quelles sont les finalités de ce programme de " démembrement de l’État québécois " ? La diminution de la taille de l’État doit permettre " d’étendre la notion de service à toutes les fonctions publiques qu’il s’agisse de santé, d’éducation, d’incarcération, d’infrastructure routière, d’environnement ". Ce qui se prépare c’est la transformation des biens publics en biens privés. La trajectoire suivie par ce gouvernement aura des conséquences majeures sur la population. Déjà l’effet des hausses de tarification se fait sentir sur le budget des familles. L’environnement est dans la ligne de mire de tous les grands " contracteurs " de ce monde qui plaident pour une déréglementation, mettant ainsi en danger les écosystèmes, la santé de la population et l’avenir de la biodiversité du Québec.
Simplifier les relations contractuelles entre l’État et les entreprises ou la privatisation de l’État " Nous vivons dans un monde d’interdépendance et de concurrence internationale. Pour grandir, il nous faut vendre aux autres. Nous devons être pleinement concurrentiels. Ce n’est pas une question de choix. C’est une question de survie. Il faut nous adapter ", se plaît à répéter le premier ministre Charest.
Nous adapter à quoi ? Aux conditions et aux règles contenues dans un ensemble d’accords commerciaux signés par les États depuis les années quatre-vingt et qui reposent sur le postulat suivant : l’État monopolise une partie importante de la richesse nationale et ce faisant limite les possibilités d’investissement pour l’entreprise privée. " Partant de l’idée générale que la libéralisation du commerce promeut la croissance économique et que la taille de l’État ralentit cette même croissance, les tenants de la libéralisation tirent la conclusion immédiate qu’une diminution des dépenses de l’État entraînerait une hausse du taux de croissance3
. " Dès son discours inaugural Jean Charest ne disait rien d’autre :
Dans l’état actuel des choses. l’État québécois, par le poids qu’il exerce sur notre économie, nuit à la position concurrentielle du Québec. L’interventionnisme à tous cris est non seulement une stratégie de développement économique ruineuse et inefficace, mais c’est une stratégie qui est de plus en plus contraire aux règles du jeu. L’avenir économique du Québec, ce n’est pas l’interventionnisme, c’est l’entrepreneurship. la détérioration de la capacité de l’État québécois à bien servir les citoyens et la préservation de la position économique concurrentielle du Québec nous imposent donc une révision du fonctionnement de l’État.
Et les règles du jeu qu’il nous faut respecter ce sont celles prescrites notamment par l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) qui se traduisent dans l’Accord sur les Marchés publics (AMP) et l’Accord sur le commerce intérieur (ACI).
L’AMP exige du gouvernement canadien " d’ouvrir à la concurrence internationale une partie aussi large que possible des " marchés publics ", c’est à dire des achats en biens, services et services de construction des administrations publiques. Il vise à ce que les lois et règlements d’un pays n’aient pas pour effet de protéger les produits ou fournisseurs nationaux4
." L’ACI applique les normes et les principes de l’AMP entre les provinces canadiennes5. À cela se greffe un ensemble d’accords sur la libéralisation des marchés publics signés entre le gouvernement du Québec, certains États américains et certaines provinces canadiennes depuis le milieu des années 90. Le 1er décembre 1999 le gouvernement du Québec se dotait d’une nouvelle politique sur les marchés publics. L’adoption de la Loi sur l’administration publique, en 2000, rendait le Conseil du trésor responsable de la coordination de la mise en œuvre des accords de libéralisation des marchés publics signés par le Québec. En vertu des clauses de traitement national et de non discrimination, le gouvernement ne peut protéger les entreprises nationales ou favoriser l’octroi d’un contrat à une entreprise locale. De plus, là où l’accord existe, le gouvernement ne pourra " maintenir ou adopter de limitations sur le nombre de fournisseurs dudit service, sur la valeur totale des transactions ou sur le nombre total des opérations exercées par les fournisseurs étrangers6
". En d’autres mots, un gouvernement doit établir les seuils à partir desquels l’acquisition ou l’achat public doit être livré à la concurrence et conformément au chapitre 5 de l’Accord sur le commerce intérieur7. C’est donc en conformité avec ces accords que le gouvernement québécois prévoit " simplifier les relations contractuelles entre l’État et les entreprises et assurer une meilleure coordination des marchés publics ". Prenant appui sur les regroupements d’achats effectués dans les réseaux de la santé et de l’éducation, il va déposer un projet de loi établissant les règles minimales communes applicables aux marchés publics conclues par la fonction publique et les réseaux de la santé et de l’éducation. En d’autres mots, il va établir " des passerelles entre les regroupements d’achats de l’administration gouvernementale et ceux des deux réseaux, pour certains biens ou services précis - tout en conservant sa préoccupation à maintenir des relations d’affaires avec les entreprises de toutes les régions du Québec ".
En soi, les regroupements d’achats sont une manière d’appliquer la " gestion responsable " en ce qu’ils permettent, notamment dans le cas d’achat des médicaments dans les centres hospitaliers, de réduire le coûts. Dans certains cas, ces regroupements ont contribué au développement de l’économie locale permettant à des fournisseurs d’une région donnée d’obtenir des contrats (ex. papeterie, équipement de bureau, matériel divers).
Ce qui se dessine aujourd’hui ce sont des regroupements d’achats issus des " passerelles entre la fonction publique et les réseaux " dont les volumes seront tels qu’il sera dorénavant impossible de protéger " les services, les fournisseurs et le produits locaux ", et ce, conformément à l’article 3 de l’Accord . Le processus est enclenché. Les fusions d’établissements du réseau de la santé et des services sociaux vont augmenter le volume d’achats des biens mais aussi des services nécessaire au fonctionnement des établissements et permettre à des entreprises canadiennes de soumissionner pour l’octroi de contrats alléchants. Quant aux entreprises locales, les PME si chères à ce gouvernement, elles en seront quittes pour affronter une concurrence de plus en plus féroce.
Partenariats public privé (PPP) : le Public Profite au Privé
Le partenariats public-privé (PPP) est le canal privilégié pour répondre aux exigences de l’Accord sur les marchés publics et " transformer les règles de gouverne, pour établir de nouvelles relations avec le secteur privé ", c’est-à-dire des contrats à long terme pour assurer la conception, la réalisation et l’exploitation de projets de l’administration publique.
Voulant rassurer la population le document gouvernemental précise qu’il ne s’agit pas de privatisations et que le gouvernement conservera la maîtrise d’œuvre de l’opération. Il prend soin de préciser les caractéristiques des ententes à conclure, notamment au chapitre du partage de risque, des échéanciers, de l’expertise et du financement. Il souligne que ces PPP pourront s’appliquer à des projets d’infrastructures mais aussi à la livraison de services aux citoyens et que toute cette opération sera inscrite dans une Politique cadre de partenariats public-privé et qu’une agence sera crée.
De grands pans de l’actuel plan de modernisation sont issus d’une réflexion confiée, l’automne dernier, à des firmes d’ingénieurs ou de gestion par le Conseil du trésor. Ces firmes d’ingénieurs, qui doivent déposer des soumissions sur la manière d’effectuer la réingéniérie, ont demandé au gouvernement de subventionner leurs travaux à cause de leurs risques financiers, des coûts importants liés, notamment à l’expertise technique professionnelle d’ingénieurs, d’architectes, d’experts-comptables, d’avocats, etc. ! C’est l’Association des ingénieurs conseils du Québec, qui regroupe notamment SNC Lavalin, Tecsult, Roche, Despau-Soprin, qui a lancé le bal de ces demandes.
Selon la présidente de cette association, Johanne Desrochers :
Les firmes d’ingéniérie-conseil du Québec ne pouvaient pas être des leaders potentiels dans cette forme de réalisation et de financement de projets. Elles vont être là à certaines conditions. (...) Quand le partenaire public demande à des partenaires privés de lui fournir des propositions, c’est normal qu’il partage le risque... (surtout) si la préparation d’un PPP représente généralement de 1 à 2 % des coûts du projet.
En fait, c’est le mode de rémunération qui est en cause. Le secteur privé veut bien obtenir les retombées des PPP, mais ne veut pas assumer les coûts de leur conception. Il veut les transférer au gouvernement. En conséquence, doit-on comprendre que les contribuables devront subventionner les entreprises associées aux projets PPP comme le prolongement de l’autoroute 30, la construction du complexe culturel et administratif de Montréal (salles pour l’Orchestre symphonique de Montréal et le Conservatoire de musique et d’art dramatique) ? Alors, pourquoi ne pas utiliser l’expertise des professionnels du gouvernement ?
La future Politique-cadre concernant les PPP doit définir les balises pour recourir à cette pratique, notamment en ce qui concerne la transparence dans la sélection des entreprises retenues et la garantie de la protection des acquis du personnel des secteurs public et parapublic. Pourtant, sans attendre l’adoption de cette politique, onze projets potentiels de partenariats public-privé sont à l’étude dans le secteur des transports et de la santé ainsi qu’au niveau des équipements culturels et d’un centre de détention.
Quant à la mise en place d’une agence des partenariats public-privé, elle aura comme effet d’institutionnaliser le concept de PPP. Elle aura comme mandat d’étudier les projets de PPP afin de comparer ces projets avec le mode public traditionnel pour " s’assurer que le mode retenu soit celui offrant la plus grande valeur pour l’argent investi ". Va pour l’avenir, mais actuellement, aucun des onze projets de partenariats public-privé n’a fait l’objet de ces comparaisons et le gouvernement en général reste muet quant aux éventuelles économies résultant de ces projets de partenariats public-privé, parce qu’il est incapable de les chiffrer. Une exception : le remplacement des centres de détention à Valleyfield et Sorel par une " prison clés en main " construit par un partenaire privé qui pourrait en assurer la gestion, charger un certain montant par cellule et pourquoi pas fournir les gardiens qui proviendraient d’une compagnie privée. Le coût prévu est de 70 millions de dollars.
Encore une fois, tout comme dans le cas de la révision des relations contractuelles avec le secteur privé, l’introduction de partenariats public-privé ne constitue pas une réforme administrative mineure, mais bien une remise en question profonde des façons de faire de l’État, un affaiblissement de l’identité nationale québécoise.
" Vouloir démanteler les institutions qui ont contribué à façonner la différence québécoise revient à minimiser l’originalité québécoise. Les PPP, à cause de la faiblesse de leur imputabilité démocratique et le peu de participation démocratique à leur gouverne, participent à cet élan d’aplanissement de la particularité québécoise. Peut-être plus que partout ailleurs en Amérique du Nord, les services publics définissent qui nous sommes et participent à une plus grande diversité culturelle. Par conséquent, la nécessité de participer démocratiquement au développement et à la livraison de ces services publics est essentielle à l’essor identitaire québécois et à la préservation d’une diversité culturelle. La structure inhérente de fonctionnement des PPP nous éloigne de cet idéal.8
" Privatisation Plus Poussée en santé et services sociaux
Le réseau de la santé et des services sociaux n’échappe pas aux accords de libéralisation des marchés publics. Depuis 1997, il est soumis à l’Accord de libéralisation des marchés publics du Québec et de l’Ontario et à l’Accord sur le commerce intérieur depuis 1999. Les appels d’offre sont déjà sous la juridiction de corporations formées en vertu de la Loi sur les services de santé et de services sociaux, qui stipule que " la régie régionale s’assure que les établissements de sa région se regroupent pour l’approvisionnement en commun de biens et de services qu’elle détermine. Elle peut, si nécessaire, obliger un établissement à participer aux groupes d’achat régionaux ". Comme nous l’avons expliqué, ce que la Loi 25, créant les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, et la Loi 30, forçant les fusions d’établissement de santé, permettent dorénavant, c’est l’ouverture de marchés publics en santé à la concurrence pancanadienne et à court terme à la concurrence internationale.
Ouvrir le secteur de la santé et des services sociaux aux partenariats public-privé (PPP), ce n’est pas moderniser l’État. C’est le faire reculer à l’ère où les services et les soins de santé étaient un privilège privé plutôt qu’un droit public. La présidente du Conseil du Trésor propose, notamment, de confier au secteur privé les chirurgies mineures et les chirurgies d’un jour, en soutenant que les patients ne paieront pas plus dans ces cliniques privées agréées qu’ils ne le font actuellement en centres hospitaliers.
Ce projet est en tout point conforme à l’expérience albertaine où, comme le projet québécois, l’initiative avait été justifiée par une volonté de réduire les listes d’attente. Or, en Alberta, les résultats ont non seulement été peu concluants mais, au contraire, il s’est avéré que les localités où le secteur privé était présent ont vu surgir un allongement des listes d’attente pour d’autres types de chirurgie dans les établissements publics. Et pour cause, ces cliniques privées spécialisées vampirisent tout simplement les rares ressources médicales et infirmières du réseau public.
De plus, ce sont les chirurgies à haut volume et peu coûteuses, donc très rentables, qui seraient confiées au secteur privé (comme les opérations pour la cataracte, par exemple). À l’inverse, les chirurgies lourdes et très coûteuses continueraient à être à charge publique avec moins de ressources professionnelles disponibles pour les réaliser dans des temps raisonnables.
Également, dans un tel système, les patients finissent par payer pour des médicaments qu’ils auraient reçus gratuitement à l’établissement public et pour toutes sortes de frais afférents dits " non-médicaux " propres aux pratiques des cliniques à but lucratif.
Pour sa part, l’hébergement des personnes âgées en perte d’autonomie, autre cible des partenariats publics-privés de Québec, en plus de priver de services de proximité les personnes âgées lourdement affectées (les seules clientèles pressenties pour recevoir des services dans le réseau public) et leur famille, comme c’est le cas au Foyer le Pionnier au Lac-St-Jean, relègue les autres personnes vers un réseau parallèle dont la prestation des soins et leur contrôle de la qualité ne sont plus sous la maîtrise d’œuvre publique contrairement à ce qu’affirme la présidente du Conseil du Trésor.
En effet, est-il nécessaire de rappeler que déjà, le secteur privé non conventionné n’est soumis à aucune règle quant à la qualité et à la quantité des services offerts aux personnes hébergées et que les personnes hébergées n’ont accès à aucun mécanisme de plainte ? Est-il nécessaire de rappeler également au ministre de la Santé et des Services sociaux et à la présidente du Conseil du Trésor, qu’il y a deux ans à peine, la Commission des droits de la personne s’indignait du sort réservé aux personnes âgées en perte d’autonomie hébergées dans des résidences privées où les cas d’abus rapportés étaient nombreux et plus qu’inquiétants ?
Par ailleurs, le gouvernement veut remplacer le rôle conseil des organismes consultatifs, dont la diversité de la représentation est plus démocratique et dont le caractère permanent assure une vigie continue des orientations gouvernementales, par des consultations ad hoc auprès d’experts sélectionnés pour lesquels il serait naïf de ne pas présumer de leur allégeance idéologique.
Le cas de l’élaboration d’une politique du médicament, mentionné d’ailleurs dans le document gouvernemental, est patent. Alors qu’une telle politique, incluant des mesures d’achat au plus bas prix et des mesures pour l’utilisation optimale des médicaments, est réclamée depuis près d’une décennie par les groupes syndicaux et communautaires, le ministère a déjà formé un comité composé uniquement d’experts proches du milieu pharmaceutique et a annoncé la tenue d’un symposium de consultation, les 20 et 21 mai 2004, qui exclut volontairement les organisations syndicales et communautaires. C’est ainsi que la participation démocratique pour les prises de décision dans le secteur de la santé et des services sociaux, considérée comme une pratique de gestion nécessaire et efficace dans les sociétés avancées, s’avère, ici, réduite à la participation entrepreneuriale.
D’ailleurs, pour les lobbies prônant cet esprit d’entrepreneurship, c’est justement " cette perception que le champ de la santé et des services sociaux relève exclusivement du champ des politiques sociales qui freinent le développement des partenariats public-privé au Québec ". Celui qui tient de tels propos n’est nul autre que Claude Castonguay9
qui, malgré des allégeances plus récentes avec le secteur privé, continue d’asseoir sa légitimité sur son titre de " père de l’assurance maladie ". La vision gouvernementale est aux antipodes de celle prônée par la CSQ dans sa plateforme syndicale en santé et services sociaux10
. Pour la Centrale, le rôle majeur d’un État responsable est celui d’assurer une justice sociale pour sa population, particulièrement dans les domaines où il en va de ses besoins fondamentaux, de sa qualité de vie et de son développement comme celui de la santé. Dans le contexte d’une organisation québécoise, canadienne et mondiale qui s’oriente de plus en plus vers la performance, la productivité, la compétitivité et qui creuse de plus en plus les écarts économiques entre les personnes favorisées et défavorisées, ce principe fondamental de justice social, loin d’être caduc, prend tout son sens. Surtout que le document de la présidente du Conseil du Trésor annonce une analyse approfondie, à venir, concernant le financement de la santé, les différentes options qui s’offrent au gouvernement québécois (parmi lesquelles il a déjà avancé l’hypothèse de remettre sur la table la question d’une caisse santé dédiée, laquelle sera discutée lors des forums régionaux) et la détermination des réponses à y apporter.
Les agences, un modèle de gestion en développement depuis 1995
Le gouvernement propose de réorganiser ou de regrouper en cinq nouvelles agences, différentes unités administratives dont le service à la clientèle constitue la principale fonction. Cette approche n’est absolument pas nouvelle.
Une agence, une unité administrative appelé antérieurement unité autonome de services, " peut être constituée de n’importe quelle unité administrative opérationnelle, quelle que soit son envergure, allant d’un service au sein d’un ministère à un organisme entier à condition que les critères nécessaires à l’implantation de la gestion par résultats soient rencontrés11
". Au Québec, " entre juin 1995 et mai 1999, moment où fut déposé l’Énoncé de politique sur un nouveau cadre de gestion gouvernementale, 14 unités administratives se sont constituées en Unités autonomes de service. Cette expérience fut d’ailleurs jugée suffisamment encourageante pour que l’Énoncé de politique propose d’en faire un élément clé de la modernisation de la fonction publique avec la nouvelle convention de performance et d’imputabilité12 . [...] En juin 2003, il y avait 22 unités administratives, regroupant presque 15 000 employés, soit approximativement 20 % du personnel de la fonction publique, engagées dans la gestion par résultats13 ". Ainsi donc la " modernisation " de la gestion publique était déjà entamée avant l’arrivée des libéraux. Son essor toutefois était ralenti, plusieurs ministres résistant à l’extension des marges de manœuvre et à la latitude d’action accordée à ces agences par le ministère ou l’organisme d’appartenance et, selon le cas, par l’entente de gestion avec le Conseil du trésor. Pour leur part, les gestionnaires desagences considéraient ne pas bénéficier de toute la latitude nécessaire étant obligé de rendre des comptes en double, c’est-à-dire en fonction des règles qui régissent l’agence (la convention de performance et d’imputabilité, CPI) et les exigences du ministère ou de l’organisme d’appartenance.
Pour qu’elles soient vraiment performantes, les agences devaient franchir un pas de plus. Dans un cas, c’est un ministère entier qui sera transformé en agence selon les dispositions de la Loi sur l’administration publique, soit le ministère du Revenu. Dans un autre, c’est la convergence " administrative " des réseaux d’Emploi-Québec et de la Sécurité du revenu qui est proposée.
De plus, la présidente du Conseil du trésor introduit " une approche pour la négociation des ententes de gestion centrée non pas sur les marges de manœuvre demandées mais sur l’ensemble du projet de performance de l’agence dans le contexte de l’amélioration du service au citoyen ".
À leur manière, les agences s’inscrivent dans le courant de " désétatisation " des services publics : une plus grande autonomie de gestion, une diversification des ressources financières, humaines et matérielles, des partenariats à développer avec d’autres gouvernements mais aussi avec les partenaires privés pour atteindre les citoyens.
L’expérience de la mise sur pied des agences au Canada, employeur distinct aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique fédérale, nous démontre que le gouvernement canadien a dû adopter des lois qui assurent des droits et obligations à ce nouvel employeur notamment à cause de la préservation des droits de négociation collective après le changement de propriétaire d’une entreprise lorsque celle-ci poursuit ses activités.
Au Québec, le gouvernement assure les syndicats de la fonction publique qu’il respectera ses engagements contractuels à l’égard du personnel, qu’il n’y aura pas de privatisation. Mais la menace demeure. Les modifications apportées à l’article 45 du Code du travail avaient pour objectif de faciliter le recours à la sous-traitance. Elles sont là pour rester et se déployer, à court ou moyen terme.
Le gouvernement en ligne
Le Conseil du Trésor semble miser énormément sur le guichet unique créé par la nouvelle Agence Services Québec et le gouvernement en ligne pour diminuer les coûts des services aux citoyens et dégager les marges de manœuvre nécessaires pour remplir une promesse qui ressemble de plus en plus à une béquille, la réduction des impôts.
Au-delà de ce " beau discours ", c’est encore une fois du côté des accords commerciaux qu’il faut se tourner pour comprendre l’engouement et l’urgence d’accélérer la création d’un gouvernement en ligne. En effet, tous les fournisseurs qualifiés doivent être informés des appels d’offres du gouvernement. En conséquence les gouvernements doivent mettre en place un système d’appel d’offres électroniques. Celui du Québec doit voir le jour le 1er juin 2004. Selon Henri-François Gautrin, député libéral, " le moyen incontournable pour réaliser le gouvernement en ligne au Québec est d’utiliser l’expertise déjà développée par les entreprises, partager les risques afin de diminuer la contribution des contribuables nécessaire à son développement ". Selon le SFPQ, " au MRCI, un projet pilote Extranet permet aux organismes privés partenaires d’avoir un accès direct aux banques de données du ministère pour faciliter leur travail auprès des immigrants. À Revenu Québec, dès l’an prochain, la réception des déclarations de revenus des contribuables sous forme de code à barres au moyen d’une technologie complexe suppose le recours à un fournisseur privé14
". En réponse à cela la présidente du Conseil du trésor et la ministre de la Culture souhaitent s’appuyer sur Télé-Québec pour rejoindre la population. D’entrée de jeu, le gouvernement laisse entendre que le budget de Télé-Québec représente une trop grande proportion du budget du ministère de la Culture et des Communications (10 %) alors que le financement de la télévision publique a été réduit comme peau de chagrin au fil des ans. Aussi, afin de permettre à Télé-Québec "de jouer pleinement son rôle éducatif et culturel ", le gouvernement va mieux circonscrire son rôle dans la " promotion de l’identité du Québec et dans le développement des régions, tout en augmentant sa capacité à développer des partenariats public-privé ". Il veut aussi s’appuyer sur le programme Villes branchées du Québec et les investissements possibles, en partenariat par les compagnies privées de télécommunications, pour fournir l’accès à Internet aux régions rurales et éloignées.
Un meilleur accès par Internet aux services gouvernementaux semble, de prime abord, une initiative positive. Mais tous les citoyens n’ont pas un accès égal au Web. En effet, toutes les études nous confirment que l’accès à Internet est extrêmement variable en fonction de l’âge, du sexe, de l’appartenance socio-économique, du handicap et de la localisation géographique. Par ailleurs, si une proportion importante (77 %) d’internautes utilisent le Web pour s’informer, une proportion beaucoup moindre (36 %) l’utilise pour transmettre des données personnelles ou émettre une opinion.
Les gens sont méfiants quand il s’agit de transmettre des données personnelles. Intuitivement, ils craignent une mauvaise utilisation de ces renseignements. Or, c’est justement par la transmission de données personnelles que le gouvernement espère réaliser des économies. Le respect de la confidentialité des renseignements personnels demeure donc un enjeu majeur de débat dont le gouvernement ne peut faire l’économie.
Le gouvernement veut rendre accessible le " Portail jeunesse " à l’été 2004. Celui-ci s’adressera aux jeunes de 15 à 30 ans, de même qu’aux intervenants et aux organismes consacrés à la jeunesse. Ils auront un " accès facile " à l’ensemble des programmes et services qui leur sont destinés. Peut-on supposer qu’au fil du temps ce portail remplace certains services offerts dans les écoles secondaires et les cégeps comme, par exemple, des services d’orientation scolaire et professionnelle ?
Avec l’accroissement des moyens technologiques et la diminution du personnel affecté à la prestation des services publics à la population, il y a lieu de craindre une déshumanisation des services aux citoyens. En conséquence, la vigilance s’impose pour nous assurer qu’Internet ne devienne pas le canal exclusif de diffusion des contenus et de transaction avec le gouvernement.
Réduire le nombre de travailleurs de l’État et les conditions de travail
La présidente du Conseil du Trésor le répète à qui veut l’entendre, elle est profondément attachée à la fonction publique. Pourtant, s’il est un endroit où le gouvernement escompte des économies d’échelle, c’est au niveau des ressources humaines de la fonction publique à l’exception des réseaux de l’éducation et de la santé et des services sociaux. En tout, c’est 16 000 emplois qui seront abolis d’ici 10 ans pour une économie de 700 millions de dollars. Cette réduction de 20 % risque d’affecter négativement la qualité des services à la population, et, par le fait même, les conditions de travail des personnes qui les dispensent.
Selon Gilbert Leduc, du journal Le Soleil, " l’abolition, la réorganisation ou la fusion d’organisme va entraîner un redéploiement de la main-d’œuvre. Des fonctionnaires, protégés par leur sécurité d’emploi, risquent de se retrouver sans travail au sein de leur organisation15
", et le sous-secrétariat au personnel de la fonction publique " n’est pas en mesure de préciser le nombre d’employés qui pourraient faire l’objet d’une mise en disponibilité16 ". Certes, le secrétariat du Conseil du trésor a en main une stratégie pour replacer le personnel excédentaire ; il prévoit même créer un Centre québécois du leadership, en collaboration avec l’École nationale de l’administration publique, mais l’ambiance qui règnera dans les ministères risque de se détériorer, le " syndrome du survivant " revenant hanter plusieurs fonctionnaires. Dans un tel contexte le discours gouvernemental concernant l’accroissement de l’embauche de jeunes, de membres des communautés culturelles, d’autochtones, d’anglophones et de personnes handicapées et le transfert de connaissance semble contradictoire.
Ce qui est aussi très inquiétant dans la stratégie gouvernementale, c’est la généralisation des contrats de performance qui prévoit des primes au rendement et des sanctions aux gestionnaires en fonction de leur efficacité. Cette " manière de faire " va accroître le fardeau de la tâche de l’ensemble du personnel, intensifier les pressions et augmenter le stress dans les milieux de travail. Croit-on vraiment qu’un gestionnaire menacé de sanctions va assumer seul le blâme ?
En ce qui concerne les deux grands réseaux, le plan de modernisation s’appuiera sur une gestion décentralisée et sur le " redéploiement du personnel là où sont les besoins ". Le Conseil du trésor affirme que ce redéploiement se fera dans le respect des conventions collectives. Cela semble très bien, sauf qu’il y a justement une négociation qui commence. Dans le réseau de la santé et des services sociaux la loi 30, adoptée à l’hiver 2003, prévoit la négociation locale de 26 sujets dont l’ensemble des modalités régissent les mouvements du personnel, notamment les affectations temporaires, les mutations volontaires les supplantations etc. Les dépôts patronaux des réseaux scolaire et collégial confirment une intention très claire de récupérations importantes sur des éléments majeurs des conventions collectives, entre autres, l’accès à la sécurité d’emploi et la mobilité du personnel.
Faut-il comprendre que le respect des conventions collectives sera celui de conventions très différentes de celles actuellement en vigueur, des conventions qui élargissent considérablement les droits de gérance des administrations locales et régionales ?
Conclusion
Il n’est pas vain de rappeler que l’idée centrale de l’ultralibéralisme, qui prévaut en terme de discours économique, prend racine au niveau du pouvoir politique avec l’arrivée au pouvoir du Parti progressiste conservateur de Brian Mulroney en 1984 et au Québec, en 1985, avec le parti libéral de Robert Bourassa. Depuis, cette idée a progressé conduisant à une remise en cause des missions de l’État et l’élection d’un parti politique, le PLQ, avec à sa tête un ancien ministre conservateur fédéral, qui en prône son démantèlement.
En poussant encore plus loin la logique de compétitivité, en privatisant encore plus des services autrefois universels, en s’appuyant sur les technologies de l’information qui franchissent les frontières en un temps record, en internationalisant l’offre des marchés publics, bref, en appliquant les dispositions des accords, les gouvernements " passent de la gouverne politique au sens le plus classique du terme à une gouvernance qui institue une nouvelle interface entre pouvoirs politiques et pouvoirs économiques ".
Ce à quoi nous assistons présentement est l’action d’un gouvernement qui se comporte en propriétaire des biens collectifs nationaux, alors qu’il n’en est que le gestionnaire. " Ce sont des peuples ou ce sont des nations qui détiennent la propriété des richesses naturelles, des lacs et des rivières, des biens collectifs et des patrimoines, les gouvernements n’en sont que les gestionnaires. Il n’ont pas le droit de les aliéner17
". La bataille contre la privatisation de l’État québécois n’est pas perdue. Nous l’avons constaté, devant la grogne populaire, le gouvernement a dû reculer sur certains projets. Pour qu’il recule encore plus, il faudra poursuivre la déconstruction de son discours, faire ressortir les intentions qui se cachent derrière tous ces projets et maintenir une mobilisation soutenue.
Annexe 1
1. L’amélioration des façons de faire
1.1 Améliorer la prestation de services
– Mise en place de Services Québec
Le gouvernement va créer une agence, Services Québec, qui agira comme guichet unique auprès de la population et des entreprises. Sa mise en place va s’échelonner sur une période de douze mois, à la suite de l’adoption d’une loi constitutive. Tous les bureaux de Communication-Québec en région deviendront des comptoirs de Services Québec. À terme, d’autres services gouvernementaux seront intégrés à cette agence.
– Développement du gouvernement en ligne
L’objectif poursuivi par le gouvernement consiste à rendre plus efficace les relations entre l’administration et les citoyens (sic18
) en utilisant les technologies de l’information. Le gouvernement doit rendre public un document présentant la vision québécoise sur le gouvernement électronique et définissant la structure chargée d’encadrer l’implantation du gouvernement en ligne. Le gouvernement veut s’appuyer sur le programme Villes branchées du Québec et des investissements possibles, en partenariat par les compagnies privées de télécommunications, pour fournir l’accès à Internet aux régions rurales et éloignées. " À la fin du programme, la presque totalité des écoles publiques et privées, les bibliothèques publiques, 67 municipalités régionales de comté (MRC) et plus de 850 municipalités seront ainsi reliées à des réseaux à large bande, ce qui leur permettra de bénéficier du gouvernement en ligne. " Le poste de " dirigeant principal de l’information " sera créé afin de coordonner l’ensemble de l’opération.
Actuellement plusieurs portails sont en cours d’élaboration ou sont déjà offerts : - Changement d’adresse (juin 2004) ;
– Portail jeunesse (été 2004) ; - Portail gouvernemental (décembre 2004) ;
– Portail d’accès à l’information géographique gouvernementale (décembre 2004) ; - Portail agro-alimentaire (novembre 2004).
Les services aux citoyens déjà offerts en ligne ou sur le point de l’être :
– Échanges électroniques d’information avec des partenaires externes d’Emploi-Québec (avril 2004) ; - Paiement en ligne des amendes dues au gouvernement (avril 2004) ;
– Placement en ligne d’Emploi-Québec (depuis novembre 2003) ; - Vente de permis de chasse et de pêche (octobre 2004).
Les services en ligne destinés aux entreprises : - Portail de services aux entreprises (juin 2004) ;
– Guichet unique des transporteurs (mai 2004) ; - Système électronique d’appels d’offres (1er juin 2004).
Mise en place du Centre des services administratifs.
Il s’agit encore là d’une agence qui regroupera des fonctions de soutien administratif dans les domaines de ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles.
1.2 Moderniser le cadre de relations avec le secteur privé
Le partenariat public-privé est l’outil privilégié par ce gouvernement pour " transformer les règles de gouverne, pour établir de nouvelles relations avec le secteur privé ", c’est-à-dire des contrats à long terme pour assurer la conception, la réalisation et l’exploitation de projets de l’administration publique.
Le document gouvernemental prend soin de préciser les caractéristiques des ententes à conclure :
– Elles comprennent des clauses de partage des risques entre les deux partenaires ; - Elles précisent les coûts, les échéanciers ainsi que tout autre résultat (standard de qualité) à atteindre relativement à la réalisation des opérations concernées. Des sanctions sont spécifiées au cas où ces résultats ne seraient pas respectés ;
– Elles peuvent impliquer une participation du secteur privé dans le financement d’opérations jusque-là entièrement assumé par le secteur public ; - Elles s’appliquent à des projets d’infrastructures - qu’il s’agisse de construire des infrastructures ou de les améliorer ;
– Elles peuvent également s’appliquer à la livraison de services aux citoyens ; - Elles ne constituent pas des privatisations : en tout temps, le gouvernement conserve la maîtrise d’œuvre de l’opération concernée.
Pour implanter ces partenariats public-privé le gouvernement compte procéder en deux étapes. Premièrement, doter le gouvernement d’une Politique-cadre de partenariats public-privé et, deuxièmement, mettre en place une Agence des partenariats public-privé du Québec.
– Projets examinés sous l’angle de partenariats public-privé - autoroute 30 ;
– autoroute 25 ; - nouveau réseau de parcs routiers ;
– rénovation ou remplacement de 3000 à 5000 places dans des Centres d’hébergement et de soins de longue durée ; - centres médicaux et chirurgicaux agréés ;
– centre de détention en Montérégie, une " prison clés en main " ;
– nouveau complexe culturel majeur à Montréal ;
– équipements culturels ;
– gestion déléguée de l’entretien et de l’exploitation de certains axes routiers ;
– centre de gestion de l’équipement roulant ;
– centre de signalisation.
1.3 Simplifier les relations contractuelles entre l’État et les entreprises
Au nom de l’efficacité de gestion et de la diminution des coûts, le gouvernement veut harmoniser les règles d’octroi de contrats dans le cadre des marchés publics et décloisonner les regroupements d’achats sur les marchés publics. Pour ce faire, le gouvernement déposera d’ici 2005 un projet de loi établissant les règles minimales communes applicables aux marchés publics conclues par la fonction publique et les réseaux de la santé et de l’éducation. Finalement, le gouvernement veut rationaliser la gestion immobilière, soit par la vente du parc immobilier de la province ou soit par la création d’une fiducie de revenu, un " partenariat avec le secteur privé ".
2. L’allégement des structures
Pour être effective et durable, la modernisation de l’État doit toucher les structures, c’est-à-dire les modes d’organisation graduellement mis en place par le passé pour assurer les services publics. Ces modes d’organisation sont devenus, au fil du temps, source de lourdeur, de duplications et de gaspillage. Le gouvernement a la ferme volonté de les rendre plus efficaces, pour le meilleur intérêt de l’ensemble de la population.
Deux axes guident l’action gouvernementale en ce qui concerne l’allégement des structures :
– Modifier le cadre législatif ;
– Introduire une culture de réévaluation continue.
2.1 Modifier le cadre législatif
Sans surprise aucune il s’agit des modifications apportées dans le champ des relations de travail en santé et la fusion des établissements de santé et la création des Conférences régionales des élus.
2.2 Introduire une culture de réévaluation continue
Aux fins de la modernisation, la réévaluation visera quatre objectifs précis :
– Révision de la pertinence du mandat des organismes, compte tenu de leur mandat et de l’évolution des besoins pour lesquels ils avaient été créés ;
– Simplification de l’organisation gouvernementale, lorsqu’il est possible de transférer, d’intégrer ou de fusionner des organismes dont les services sont jugés essentiels ;
– Accroissement de la performance des organismes maintenus, en introduisant de nouveaux modes d’organisation ;
– Amélioration de la qualité et de l’accessibilité des services.
Le gouvernement a ciblé 188 organismes à examiner d’ici la fin de son mandat, ce qui correspond en moyenne à une soixantaine d’organismes par année.
Dans l’immédiat, le gouvernement engage deux séries d’initiatives :
– La simplification des modes d’organisation, en annonçant les premiers regroupements ou suppressions de structures :
– Abolition de la Commission municipale du Québec ;
– Fusion de la Bibliothèque nationale du Québec et des Archives nationales du Québec ;
– Création du Bureau des musées nationaux ;
– Convergence des réseaux d’Emploi-Québec et de la Sécurité du revenu ;
– Remplacement de différents conseils et comités sectoriels et consultatifs relevant du ministère de la Santé et des Services sociaux par une banque d’experts ;
– Regroupement d’activités du Registraire des entreprises avec celles du ministère du Revenu ;
– Consolidation des activités des organismes de concertation interministériels ;
– Transformation des sociétés Innovatech,
transformation des sociétés Innovatech Régions ressources, Québec et Chaudière- Appalaches et du sud du Québec ;
privatisation de la Société Innovatech du Grand Montréal ;
– Intégration des différents bureaux régionaux du ministère du Développement économique et régional et de la Recherche. - La réorganisation de services existants en cinq agences :
– Services Québec ;
– Agence des partenariats public-privé ;
– Centre des services administratifs ;
– Centre de contrôle environnemental ;
– Agence du Revenu (regroupement du Registraire des entreprises et ministère du Revenu).
3. La réévaluation des programmes
Le document gouvernemental est très explicite. " Toute l’action de l’état se déploie par l’intermédiaire de programmes, et la modernisation de son fonctionnement implique obligatoirement que ces programmes soient réévalués ". Il faut contrer la " sédimentation ", c’est-à-dire l’ajout de programmes les uns aux autres, en introduisant un nouveau cadre de gestion des programmes de subventions. Plus encore, la croissance des dépenses de santé " remet en cause à terme, la capacité de l’État québécois d’assumer ses autres missions ". En conséquence, le gouvernement veut moderniser le cadre de financement de la santé et des services sociaux. " Ces scénarios seront discutés à l’occasion des forums en région Place aux citoyens et un projet de modernisation pourrait en résulter. "
Le gouvernement applique cinq critères pour analyser les programmes :
– Rôle de l’État (correspondance aux missions de l’État) ;
– Efficacité (atteinte des objectifs) ;
– Efficience (offre à moindre coût) ;
– Subsidiarité (organisme le mieux placé pour offrir le programme) ;
– Capacité financière.
3.1 Les initiatives entreprises ou à venir
– Remise en cause des programmes d’aide aux entreprises ;
– Regroupement et simplification de programmes de soutien financier en matière culturelle ;
– Accélération des systèmes d’autorisation préalable délivrée en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement ;
– Optimisation de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement ;
– Regroupement des programmes et mesures du ministère du Développement économique et régional et de la Recherche ;
– Mise en place d’un nouveau cadre de gestion des programmes de subventions.
4. La planification des ressources humaines
L’État québécois repose avant tout sur ses ressources humaines, sur un personnel qualifié qui offre à l’ensemble de la population toute une gamme de services, au sein de la fonction publique comme dans les réseaux.
– En 2002-2003, l’effectif total des secteurs public et parapublic s’établissait à 406 900 personnes, en équivalent temps complet (ETC) ;
– Sur ce total, les réseaux de la santé et de l’éducation représentaient ensemble un peu plus des quatre cinquièmes de la main-d’œuvre, soit respectivement 42 % et 40 % des effectifs totaux ;
– Le secteur de la fonction publique, qui regroupe les activités placées directement sous l’autorité du gouvernement, constituait 18 % des effectifs des secteurs public et parapublic, soit 74 000 personnes en équivalent temps complet. "
Au cours des dix prochaines années, on prévoit le départ à la retraite de quelque 145 000 employés de l’État - fonction publique, réseaux de la santé et de l’éducation confondus. Pour la seule fonction publique, c’est plus de 40 % du personnel - et 60 % des cadres - qui quitteront leur emploi d’ici 2014.
D’où la nécessité d’une stratégie de développement de la main-d’œuvre qui s’appliquera dans l’ensemble des secteurs publics et parapublic.
Dans la fonction publique la stratégie prendra la forme suivante :
– Miser sur l’attrition : objectif global de remplacement de un sur deux ;
– Mise en place d’un service de soutien au redéploiement ;
– Révision du processus de tenue de concours ;
– Assurer la relève : recrutement étudiant, embauche de groupes-cibles et constituer une réserve de candidats pour le remplacement des gestionnaires ;
– Plan de carrière et de développement des gestionnaires.
Dans les réseaux le plan de modernisation s’appuiera sur une gestion décentralisée.
La gestion décentralisée a l’immense avantage de permettre une grande flexibilité par rapport à des contextes fort diversifiés, tout en favorisant l’imputabilité des décisions prises. Les réformes engagées depuis l’automne dans l’organisation du secteur de la santé sont l’illustration directe de l’approche privilégiée par le gouvernement à cet égard.
Il faut cependant s’assurer que la décentralisation de la gestion et des décisions ne nuit pas à la cohérence de l’ensemble de l’action gouvernementale. À cette fin, le gouvernement s’assurera que les orientations globales de la politique de main-d’œuvre correspondent aux mêmes objectifs et à la même philosophie d’action dans la fonction publique et dans les réseaux.
5. La deuxième vague des projets à venir
Au cours des prochains mois et des prochaines années, le plan de modernisation du gouvernement va entreprendre sa deuxième vague de projets à revoir. Il s’agit essentiellement des éléments suivants :
L’allégement des structures :
– Examen de 60 organismes publics par année ;
– Évaluation de la création d’un poste de Directeur des poursuites publiques (distinguer les fonctions de ministre de la Justice et de procureur général) ;
– Analyse de l’organisation de la justice dans le monde municipal (regrouper le traitement d’infractions devant un seul ministère.
La réévaluation des programmes
– Utilisation et gestion de l’eau (compteurs d’eau et PPP) ;
– Définition d’une politique du médicament ;
– Révision des programmes liés à l’habitation (une politique à venir à l’automne 2004) ;
– Examen de la modernisation de Télé-Québec ;
– Revoir le partage des responsabilités dans la gestion de barrages à des fins faunique ou de villégiature ainsi qu’aux fins d’utilisation municipale et résidentielle ;
– Évaluer l’opportunité d’accroître la participation du secteur privé aux activités du Service aérien gouvernemental ;
– Réorganiser sur une base territoriale les services judiciaires ;
– Regrouper les activités de recouvrement des créances de l’État ;
– Appui aux efforts de développement de l’industrie de la transformation alimentaire.
1 Vous trouverez en annexe 1 un résumé de la proposition gouvernementale2 Vincent Marissal, La révolution PPP, La Presse, 6 mai 2004, p. A5.
3 FIIQ, Des marchés publics dans la santé, février 2004, p. 3, A04-CF-l-D12.
4 Idem, p. 9.
5 L’article 517 de l’ACI prescrivait que " les provinces entament des négociations qui doivent prendre fin au plus tard le 30 juin 1995, en vue de l’adoption des dispositions spéciales nécessaires pour étendre le champ d’application du présent chapitre aux municipalités, aux organismes municipaux, aux conseil et commissions scolaires ainsi qu’aux entités d’enseignement supérieur, de santé ou de services sociaux financés par l’État. " Les négociations se sont conclues par l’inclusion de l’annexe 502.4, le 1er juillet 1999.
6 Véronique Brouillette, L’AGCS et les services publics, Présentation au RQIC, le 13 septembre 2003, p. 3. texte non publié.
7 Voir annexe 2.
8 CSQ, Les partenariats public-privé (PPP) : Mythes, réalités et enjeux, mai 2004, p.36, A0304-CG-079. Ce texte est une note de recherche effectuée par Gabriel Danis, conseiller à la CSQ.
9 Allocution prononcée à Montréal le 27 avril 2004 dans le cadre d’un forum organisé par l’Institut pour le partenariat public privé.
10 Centrale des syndicats du Québec (2001). Un bon état de santé, une affaire publique. Septembre. D11055.
11 Pierre Poiré, Les agences québécoises, SPGQ, octobre 2003. p.1.
12 Paul-René Roy et Pierre Giard, Des unités autonomes de service aux agences : un modèle administratif québécois en émergence, Coup d’oeil, vol. 9, no 3, juin 2003, p. 19.
13 Idem, p. 20.
14 SFPQ, La Réingéniérie ou comment céder l’État québécois, janvier 2004, p. 7. disponible sur le site [http://www.sfpq.qc.ca]
15 Gilbert Leduc, Vague de mises en disponibilité à l’horizon, Le Soleil, 6 mai 2004, p. A3.
16 Idem.
17 Dorval Brunelle, Dérive globale, Boréal, 2003, p.197.
18 Fidèle à lui-même ce gouvernement n’utilise que le masculin.