C’est sous le titre "Des syndicalistes sous la bannière du PQ" que Marc Laviolette, ex-président de la CSN, propose, dans le numéro de mars de l’Aut’journal, une nouvelle orientation pour la gauche syndicale et progressiste dans la "conjoncture conditionnée par l’arrivée de Paul Martin et Jean Charest au pouvoir".
"Dans nos démocraties, écrit-il, les luttes de proximité doivent se prolonger dans l’action politique partisane". En effet, toute la question est là ! Quel parti doit soutenir ou contribuer à construire la gauche syndicale et progressiste ?
Car la question que nous posent des syndicalistes d’autres pays, ce n’est pas tellement pourquoi "n’y a-t-il pas de représentants syndicalistes et progressistes à l’Assemblée nationale pour défendre nos intérêts ?" C’est bien plutôt pourquoi n’y a-t-il pas au Québec de parti des travailleurs et de travailleuses, de parti socialiste ou de gauche ? Et, s’il est vrai que la gauche n’a pas pu donner une réponse efficace à cette question, c’est que la construction d’un parti des travailleurs et des travailleuses a toujours été remis au lendemain, au profit d’un soutien plus ou moins critique au Parti québécois qui a toujours lutté activement contre la construction d’une telle alternative de classe sur sa gauche.
Déjà, à l’époque, la construction du Parti québécois et l’élargissement de son influence dans les rangs syndicaux s’est fait contre la perspective de la construction d’un parti des travailleurs et des travailleuses. Après plus de 30 ans d’expérience avec ce parti, il est impératif de tirer des leçons essentielles. Il y a des constantes dans la dynamique de ses prises de position que l’on ne peut ignorer. Quand il est dans l’opposition, où il a été rejeté généralement suite à des attaques frontales contre les acquis des classes ouvrière et populaires, le PQ fait un tournant tactique pour reconstruire ses bases. Il ressort alors un discours plus clairement indépendantiste ; il fait une place plus importante aux discours réformistes et il reprend les revendications des mouvements sociaux. Une fois au pouvoir, il se rapproche du discours patronal, il adopte leur phraséologie, il rappelle ses responsabilités de gestionnaire de l’État pour prendre ses distances vis-à-vis des revendications qu’il avait défendues hier et il développe finalement un discours arrogant face au mouvement syndical et aux mouvements sociaux. Généralement, il utilise une politique concertationniste, pour protéger sa base électorale, mais plus le rapprochement avec le patronat devient évident, plus cette concertation vise une simple instrumentation des dirigeants des organisations des classes subalternes afin de leur faire accepter ses politiques. Nous avons parcouru et subi à deux reprises ce chemin. Pourquoi est-ce que nous voudrions emprunter encore une fois cette voie sans issue ?
Prétendre que le PQ s’est transformé, qu’il a changé son orientation sur le libre-échange ou du moins sur la ZLÉA comme en ferait foi des déclarations de Jacques Parizeau et une résolution de congrès, c’est en fait utiliser une bien mince feuille de vigne pour cacher les politiques concrètes menées par ce parti depuis qu’il s’est rangé derrière le libre-échange et une position atlantiste en politique étrangère. Qu’il ait été aussi sensible que Chrétien au mouvement populaire sur la guerre n’a rien pour impressionner réellement. Les propos de M. Marc Laviolette ne nous expliquent pas en quoi la présence de syndicalistes organisés pourraient modifier substantiellement le rapport de force au sein du PQ et faire de ce parti un garant des intérêts ouvriers et populaires. N’avons-nous pas assisté à chaque fois que ce parti prenait le pouvoir à une remise en question radicale de l’autonomie politique de ce parti et au transfert du pouvoir au sein du conseil des ministres. Et ces derniers n’ont pas hésité à utiliser leur poste pour imposer les vues du gouvernement au parti de son ensemble. Les néolibéraux qui ont formé le dernier gouvernement péquiste sont encore à la direction de ce parti. Hier encore, ils applaudissait le conservateur Lucien Bouchard qui n’hésitait pas à faire voter des lois anti-syndicales contre des travailleuses ou des travailleurs en lutte.
M. Marc Laviolette pose correctement l’alternative : "Présentement, le débat tourne autour de deux pôles. Nous pouvons soit construire une alternative politique avec l’UFP et présenter des candidats aux prochaines élections. Ou bien nous devons organiser au sein d’un club politique et participer à la "saison des idées" lancée par le Parti québécois afin d’en faire modifier les statuts pour permettre l’existence de courants à l’intérieur du parti..." Que des syndicalistes progressistes s’organisent au sein d’un club politique est quelque chose d’innovateur et d’important. Nous soutenons totalement ce type d’initiative. Mais, nous croyons qu’au lieu de se précipiter au PQ et de se laisser emprisonner dans une logique de minorité agissante mais impuissante, la participation d’un tel club à la construction de l’UFP dans les rangs du mouvement syndical permettrait d’élargir et de renforcer substantiellement l’UFP et lui donnerait la possibilité de construire une véritable alternative aux partis néolibéraux. La recherche de raccourcis débouche très souvent sur des impasses. Ici, elle servira encore une fois à remettre aux calendes grecques une tâche impérieuse, en finir avec la désorganisation politique des classes ouvrière et populaires. Cela fait des décennies, que cette tâche est repoussée pour toute une série de raisons qui au bout du compte ne nous ont pas fait avancer d’un iota. De l’organisation et de l’apparition de syndicalistes progressistes sous la bannière de l’UFP, c’est ce dont les progressistes du Québec ont vraiment besoin !