Les classes dominantes et les gouvernements néolibéraux tant au Canada qu’au Québec sont passés à une nouvelle phase de l’offensive. Flexibilité du marché du travail et privatisation des services publics sont les deux piliers de cette dernière. Cette nouvelle phase est marquée par la remise en question du modèle québécois issu d’un compromis face aux mobilisations sociales antérieures. Le gouvernement Charest cherche à créer un mode de gestion excluant la concertation sociale avec les représentant-e-s des classes subalternes et à procéder unilatéralement dans sa volonté de détruire une série de conquêtes sociales, résultats des mobilisations des dernières décennies.
Au Québec, les mobilisations contre la mondialisation capitaliste, contre la guerre, contre les désastres écologiques actuels ou appréhendés, contre la privatisation dans l’éducation et la santé, contre l’endettement étudiant, pour la sécurité d’emploi et contre la détérioration du pouvoir d’achat et les mobilisation des femmes pour l’équité ont été massives et soutenues. Cependant, elles se seront révélées jusqu’ici incapables de bloquer durablement l’offensive néolibérale et d’empêcher les restructurations : précarisation et renforcement de la flexibilité du travail, affaiblissement continue des organisations syndicales, privatisation accrue des services publics, détérioration des conditions de travail et de vie d’une partie importante de la population.
Ces mobilisations ont été porteuses d’aspirations unitaires et de la volonté de définir un Québec solidaire et ont permis à la gauche politique de dépasser sa dispersion, de s’unifier et d’offrir une alternative unitaire pour Québec indépendant et égalitaire.
Si la résistance à cette offensive n’a pu stopper l’offensive, ces mouvements sociaux ont réussi à entamer la légitimité du néolibéralisme. L’érosion de la base électorale des partis au pouvoir (PLC et PLQ) est un désaveu massif des politiques de ces partis. Les politiques néolibérales connaissent donc aujourd’hui une énorme crise de légitimité. Cette situation introduit une forte polarisation sociale entre les classes dominantes et leurs représentants néolibéraux (PLQ, ADQ) ou sociaux-libéraux comme le PQ et les classes ouvrière et populaires et leurs organisations. Cette polarisation se manifeste sous la forme d’une polarisation gauche-droite dont le caractère de classe reste obscurci par la faiblesse de la conscience de classe au Québec qui est liée à l’importance de la question nationale et à l’absence historique d’un parti des travailleurs et des travailleuses ayant un caractère de masse.
1. Quel parti des urnes ? ou Construire un parti utilisant la lutte électorale pour défendre les revendications populaires et donner une voix aux mouvements sociaux.
lI y a un moment électoral pour renverser le rapport de force qui s’est mis en place. Depuis des décennies, les classes ouvrière et populaires (et particulièrement leurs secteurs organisés) ont servi de classes-appui au Parti québécois. Ce choix stratégique d’une alliance inégalitaire entre les directions des classes subalternes et le Parti québécois a donné de maigres résultats mais il a surtout laissé toute la parole aux dirigeants nationalistes qui ont comme objectif de se construire une base dans la bourgeoisie québécoise. Le ralliement des différentes directions du Parti québécois au néolibéralisme a débouché sur toute une série d’attaques frontales contre les classes salariées et sans pouvoir. Créer un nouveau parti politique de gauche, c’est vouloir redonner une parole politique autonome à ces classes et fonder leur capacité d’agir sur le terrain électoral pour la défense de leurs revendications. Il est donc nécessaire que le nouveau parti de gauche occupe sans timidité ce terrain et assure la rupture de l’alliance avec le PQ et son social-libéralisme, alliance qui a été un facteur de recul et de démobilisation. Ce terrain ne peut être occupé sous des formes qui ne seraient qu’une copie conforme de celles déployées par les partis bourgeois. Ici aussi, il faut faire la politique autrement et le nouveau parti de gauche doit chercher à permettre l’expression des luttes et de la résistance populaire dans le cours même des campagnes électorales. Cela nécessite de ne pas établir des rapports individualistes avec les électeurs et électrices, rapports qui peuvent être électoralement profitables à court terme mais qui conduisent naturellement au développement d’un clientélisme qui est tout le contraire d’une politique réellement démocratique.
Le PQ ne constitue en aucune manière un instrument fiable dans la lutte contre l’offensive néolibérale. Au contraire, il risque de reprendre à son compte, une fois au pouvoir, encore une fois, les aspirations de la droite dont le projet est bien exprimé dans le Manifeste pour un Québec lucide. Le ralliement des organisations syndicales, populaires, féministes et jeunes à la gauche politique doit se réaliser concrètement dans la prochaine campagne électorale. Pour cela, il faut écarter toute perspective de soutien au Parti québécois et concevoir l’unité qu’il faut construire non pas avec le bloc national dirigé par le PQ, mais comme une vaste alliance syndicale, populaire, féministe et jeunes autour d’un programme d’urgence pour un Québec solidaire.
Cette nouvelle unité syndicale, populaire, féministe et jeune suppose la rupture du mouvement syndical et de l’ensemble avec des mouvements sociaux avec le social-libéralisme du PQ et avec les illusions que l’on pourra parvenir à plus de justice sociale dans un cadre d’une économie capitaliste mieux régulée. Une telle orientation entraîne évidemment le refus de toute alliance et de tout soutien électoral ou gouvernemental au Parti Québécois.
Quel parti de la rue ?
Le terrain électoral n’est qu’un axe d’un nécessaire processus de redéfinition politique et organisationnel des classes ouvrière et populaires face aux défis et à l’ampleur de l’offensive actuelle.
Pour être véritablement un parti de la rue, le nouveau parti de gauche ne peut se contenter d’apporter son soutien solidaire aux luttes en cours. Il doit être partie prenante de la réévaluation de nos instruments de lutte, des stratégies, des politiques d’alliance et du programme qu’il faudra mettre de l’avant pour répondre aux attaques contre les acquis syndicaux et populaires. La gauche politique est devant un défi essentiel, c’est celui, en plus de réaliser son unité politico-organisationnelle, d’offrir un projet alternatif de gauche dans le cœur même de la résistance populaire. Il ne peut espérer se construire, si l’ensemble des mouvements sociaux ne parviennent pas à définir les revendications, les stratégies, les moyens d’action et les alliances qui permettront de rassembler les forces capables de bloquer les néolibéraux.
Avancer un programme d’urgence face à l’offensive néolibérale
Le nouveau parti politique de gauche devrait appeler au rejet de l’ensemble des lois antisociales adoptées par le gouvernement Charest durant son mandat et qui se sont attaquées aux acquis de la population et être partie prenante de l’élaboration d’un programme d’urgence pour faire face à l’œuvre de démolition des acquis sociaux du gouvernement Charest. Un tel programme d’urgence doit prévoir des revendications favorisant le développement de la sécurité d’emploi, le renforcement et la protection du pouvoir d’achat et aidant à mettre un frein à l’appauvrissement de la population. Il également assurer l’égalité des femmes et prévoir les moyens de lutte contre la violence qui leur est faite. Il doit établir les cadre d’une politique écologiste véritable et renforcer les droits démocratiques de la population.
Le nouveau parti de gauche doit proposer la tenue d’États généraux du mouvement syndical et des mouvements sociaux pour définir un tel programme d’action et de revendications partagées dans le cadre d’une véritable démocratie citoyenne.
Construire le nouveau parti politique de gauche comme un parti indépendantiste faisant la promotion de l’élection d’une assemblée constituante
Le nouveau parti de la gauche unie ne doit par disjoindre la lutte pour l’indépendance de la lutte pour une société égalitaire et démocratique. Il ne peut se contenter de présenter l’indépendance comme un simple moyen pour résoudre des questions sociales qui seraient les seuls véritables enjeux. Au Québec, le combat pour la justice sociale ne peut être mené jusqu’au bout sans remettre en question la domination fédérale canadienne. Pour en finir avec l’influence péquiste sur de larges secteurs de la population, un parti de gauche doit savoir offrir un débouché politique à la lutte nationale. Le nouveau parti devra opposer systématiquement une stratégie démocratique et radicale centrée sur la perspective de l’élection d’une assemblée constituante à la perspective référendaire qui n’est pas porteuse de la nécessaire recomposition de la société civile qui seule rendra possible la victoire de l’indépendance du Québec.
L’Assemblée constituante permettrait à la majorité populaire de dessiner les contours du pays dans une série d’initiatives de prise de parole où tous les Québécois et Québécoises de tous les horizons pourront définir les principes d’un Québec indépendant, solidaire et démocratique.
Construire un parti, démocratique populaire et féministe
Le nouveau parti ne doit pas craindre de reconnaître clairement que la question des rapports à créer avec les « classes laborieuses » est une question majeure pour la gauche.
Un parti qui se veut de gauche ne doit pas masquer mais rendre très claire quelle représentativité il vise. Un parti de gauche doit se préoccuper de sa composition sociale et éviter d’être le véhicule de la formation d’une nouvelle élite politique fut-elle de gauche et assurer une représentation sociale des couches populaires aux responsabilités sociales et électives afin d’assurer la promotion à tous les niveaux des représentantes et représentant de ces classes. Il doit assurer la parité aux femmes que ce soit au niveau des postes de responsabilité du parti qu’au niveau du choix des candidatures. Il doit également créer une vie interne qui bannit les comportements patriarcaux et permet la démocratie la plus large par le respect concret du pluralisme.