L’arrivée de l’humanité dans le troisième millénaire s’effectue dans un contexte économique régressif et particulièrement anti-social de perpétuation du capitalisme néolibéral dirigé par les États-Unis. Au niveau politique, cette époque est caractérisée par l’effondrement du stalinisme, par la faillite de la social-démocratie (qui défend le social-libéralisme) et par l’éveil des luttes sociales, particulièrement contre la mondialisation et l’offensive guerrière de l’impérialisme américain.
C’est dans ce contexte que s’effectue, dans plusieurs pays, une recomposition de la gauche politique. Ce texte vise à présenter le mode de recomposition de la gauche politique au Québec. Il nécessite donc de prendre un certain recul historique.
L’absence historique d’un parti de gauche au Québec
Ce qui a été déterminant dans l’évolution de l’ensemble de la gauche au Québec, de la social-démocratie à la gauche radicale, a été l’absence de parti ouvrier de masse1, cas rare dans les pays occidentaux2. Ni le Nouveau Parti Démocratique (ni le CCF), ni le Parti Communiste du Canada ne sont parvenus à construire un parti qui ait eu un impact de masse réel. Construits de l’extérieur de la société québécoise sans jamais en comprendre les déterminants, ces partis ont soit nié la réalité de l’oppression nationale du Québec, soit marginalisé cette question dans leurs considérations stratégiques et tactiques.
La radicalisation des années 60
Dans les années 60, une mobilisation massive pour la justice sociale et pour une forme ou l’autre d’autonomie nationale du Québec, liée à une montée mondiale des luttes sociales et des luttes anti-impérialistes, prend forme au Québec. La multiplication et la radicalisation des grèves poussent les 3 centrales syndicales à rédiger des manifestes critiquant le capitalisme tout en prônant la mise en place d’un socialisme démocratique. Pourtant, aucune stratégie n’est présentée pour soutenir cette perspective. L’idée de la création d’un parti ouvrier n’est qu’effleurée et la critique du PQ, qui venait d’être fondée, n’a pas été réellement développée.
Le PQ, parti de masse soutenu par les directions syndicales et populaires sans être social-démocrate
La majorité de la radicalisation sociale et nationale des années 1960-70 a été récupérée par le Parti québécois. Fondé en 1968, le PQ n’est pas un parti social-démocrate fondé par les syndicats mais plutôt un parti nationaliste avec une tendance moderniste dont le leadership a été assuré par une scission du Parti Libéral Québécois dirigé par René Lévesque3. Par contre, la majorité de ses membres étaient enracinés dans la classe travailleuse et populaire.
Les premières moutures du discours du PQ reprenaient en partie le discours de la social-démocratie (tout comme les libéraux l’ont fait dans les années 60). Les réformes et les concessions aux luttes montantes se sont doublées d’une intégration d’une partie de la direction du mouvement ouvrier à ce parti. Cette intégration était justifiée par la théorie des étapes qui prétendait qu’il fallait, dans une première étape, régler la question nationale (indépendance) avec le PQ et, dans une deuxième étape, la question sociale (socialisme).
Fort de ses appuis sociaux, en tant que principal débouché politique du mouvement indépendantiste et profitant de la montée des luttes syndicales contre le gouvernement Bourassa, le PQ gagne les élections de 1976. Un fort attentisme se développe alors dans les rangs du mouvement syndical. La grande valse des sommets et la multiplication des lieux de concertation où siégeaient les centrales se sont mises en place, sans parler des anciens dirigeants devenus transfuges au gouvernement. Le rôle que prendra le PQ constituera pour les décennies suivantes un blocage majeur sur le développement de l’autonomie politique des travailleurs et des travailleuses.
Une gauche radicale à majorité maoïste
Dans les années 70, la majorité de l’extrême-gauche québécoise, en croissance rapide quoique toujours marginale, était dominée par le courant maoïste. Les conceptions staliniennes qui étaient développées voyaient le parti diriger en tout. Ces groupes établissaient des rapports autoritaires avec les organisations sociales et syndicales et rejetaient le mouvement féministe et la question nationale comme divisant la classe ouvrière. Finalement, l’idée de fonder un parti ouvrier ne se posait pas, chaque groupe se proclamant LE parti ouvrier. Ces organisations ont implosé en quelques mois (1982) et sont presque totalement disparues.
D’un autre côté, la tendance majoritaire des courants trotskistes a été marquée, dans un premier temps, par un gauchisme estudiantin prévoyant la révolution à court terme et ne privilégiant pas la création d’un parti ouvrier de masse. Le temps pris pour corriger ce cours gauchiste et un travail activiste dans les mouvements sociaux (et non sur la construction de l’organisation politique) a laissé la place et le temps au mao-stalinisme pour imposer son hégémonie sur la gauche radicale. Notons que les groupes trotskistes et la mouvance « socialisme et indépendance » ont lié la question nationale et sociale.
Les reculs des années 80 et le MS
À la fin des années 70, le mouvement ouvrier et l’ensemble des mouvements sociaux avaient été rejetés sur la défensive. Le référendum de 1980 s’est fait dans une optique purement nationaliste où toute jonction entre les revendications nationales et les revendications sociales était soigneusement évitée. La défaite du référendum de 80 porta un dur coup au mouvement nationaliste, mais n’entama pas sérieusement la base électorale du PQ. Réélu en 1981, le PQ renforça sa politique répressive contre le mouvement syndical. Lors de la crise de 1981-82, les attaques contre les syndicats du secteur public, les négociations, coupures salariales et lois répressives, mirent un frein aux luttes syndicales. Les directions syndicales prirent alors un virage à droite et renforcèrent leur tendance concertationniste avec l’État, le patronat et le PQ.
Ce durcissement à droite du PQ provoqua aussi une rupture de certains leaders syndicaux et universitaires réformistes avec le Parti québécois. Ils lancèrent le groupe des Cent, qui allait devenir le Mouvement socialiste. Fort d’un programme indépendantiste, socialiste, féministe et écologiste, le MS refusait le travail politique dans le mouvement social (par une phobie de reproduire les manœuvres des groupes maoïstes). De plus, le courant assurant le leadership du MS ne voulait pas faire du groupe un lieu de convergence de différents courants politiques de la gauche québécoise et finit par exclure les autres courants. C’est affaibli, privé de l’appui des centrales syndicales, que le MS s’est finalement tourné vers le champ électoral, ce qui fut un échec.
Chez les travailleurs et les travailleuses en général, l’absence de parti de gauche et le contexte social et politique régressif expliquent que la déception face au PQ ne se fit pas par la gauche. Elle fut plutôt vécue comme une immense désillusion dépolitisante que le PQ avait nourrie. Cette désillusion est également interprétée comme ayant été la source de sa défaite électorale de 1985.
Du NPD-Québec au PDS
Au début des années 90, le NPD-Québec, abandonna son orientation fédéraliste et s’ouvrit aux autres organisations de gauche. Des nationalistes de gauche autour de Paul Rose et les marxistes-révolutionnaires de Gauche Socialiste (IVe Internationale) le rejoignirent. La dynamique des débats amena le NPD-Q à se définir comme le Parti de la démocratie socialiste (PDS), parti anti-capitaliste, anti-néolibéral, féministe, internationaliste et indépendantiste. Lors du référendum lancé par le PQ, au pouvoir depuis 1994, le PDS développa une position indépendantiste de gauche. Cette deuxième défaite référendaire (extrêmement serrée), amena une contre-offensive du gouvernent fédéral dans le cadre du « plan B ».
Le PDS, contrairement au MS, n’hésita pas à critiquer le cours concertationniste des directions des centrales syndicales piégées dans des sommets économiques visant à leur faire jouer le rôle de complices des coupures préparées par le PQ. Le glissement du centre vers la droite du PQ s’était continué et prenait la forme d’une gestion néolibérale teintée d’un discours social-libéraliste propre à ne pas se couper complètement de ses alliés dans les directions du mouvement syndical, populaire et étudiant.
Regain des luttes
Dans la première moitié des années 1990, tout comme dans les années 1980, le gouvernement au pouvoir à Québec, dirigé par Robert Bourassa, met en place une série de contre-réformes, de coupures et de privatisation. Ces reculs sociaux illustraient la détérioration des rapports de force en défaveur des classes dominées. Pourtant, à partir du milieu de la décennie, on a pu noter une certaine remontée des luttes illustrée par la Marche du pain et des roses de 1995, puis les grèves et désobéissances civiles des étudiantEs (1996) et des infirmières (1999).
Un second souffle suit avec la mobilisation anti-mondialisation de la Marche mondiale des Femmes de l’an 2000 contre la pauvreté et la violence. Puis, ce sera le Sommet des Amériques, avec sa Marche des peuples (60 000 manifestantEs), qui mobilisera la majorité du mouvement social québécois. La ZLÉA est alors rejetée clairement par les 3000 personnes ayant participé au Sommet des peuples, malgré les réticences des centrales syndicales nationales. Il faut aussi noter la participation de 20 000 personnes aux manifestations anti-capitalistes menées en partie par des courants anarchistes. Plus présents chez les jeunes, la majorité de ces courants anarcho-libertaires refusent par principe le travail électoral et nient tout l’importance de la question nationale. Les mobilisations du Sommet et de la Marche des Femmes ont été importantes, mais aucune victoire concrète (rejet de la ZLÉA, action contre la pauvreté) n’y a été gagnée.
La création du RAP
Parallèlement à cette montée des luttes, une volonté de créer un grand parti de gauche au Québec s’est de plus en plus manifestée. Pour une partie de la gauche indépendantiste et socialiste, le profil pris par le PDS était trop marqué par l’anticapitalisme pour être d’emblée le lieu de ralliement de la gauche, malgré ses conceptions ouvertes et démocratiques au niveau de l’unité. Un autre pôle de ralliement s’est donc mis en place, sans critiquer clairement et ouvertement le PDS mais en proposant une autre démarche, où la définition de l’organisation comme parti n’était pas donnée a priori. Suite à un débat lancé par L’Aut’Journal, le Rassemblement pour une Alternative Politique (RAP), qui a tenu son congrès de fondation à la fin de mai 1998, rallia une partie de la gauche sociale et politique québécoise. Mais ce congrès du RAP ne permit pas une véritable unification de l’ensemble de la gauche socialiste, féministe et indépendantiste.
Suite à un processus de clarification de leur projet, le RAP finit par se définir comme parti et décide à se présenter aux élections de 1998. Défavorisé par le système électoral de scrutin unilatéral à un tour, aucun des partis de gauche ne reçut 1% des votes. La seule exception fut la candidature de Michel Chartrand qui a réussi à obtenir 15%, en partie grâce à l’appui de plusieurs syndicats et groupes populaires locaux.
La victoire de Mercier
Suite à l’échec de la campagne électorale de 98, un colloque pour l’unité des organisations politiques et des forces progressistes a rassemblé 700 personnes à Montréal. Ce dernier a permis la mise sur pied d’un comité de liaison qui coordonne depuis les activités sur le terrain de la plupart des partis politiques de gauche.
C’est dans ce contexte, au printemps 2001, qu’eut lieu l’initiative dans Mercier. La formation d’une coalition électorale de différentes forces de gauche et d’indépendantEs se fit sur une plate-forme contre la mondialisation des marchés, pour l’indépendance du Québec et reprenant les revendications de la Marche des Femmes. Un contexte local particulier (crise dans la direction péquiste du comté), et la concentration des forces de la gauche montréalaise (politique mais aussi syndicale) sur ce comté permis d’arracher un résultat électoral significatif (plus de 20%). Cette victoire posa plus concrètement encore la nécessité d’unifier la gauche dans un parti politique fédéré et multi-tendances, ce que l’on désigna comme « l’esprit de Mercier ». Pour accélérer la création d’un parti unifié, des UFP locaux, unissant des membres des quatre partis et de mouvements sociaux, se sont créées dans un certain nombre de comtés de la province.
À l’automne 2001, le PDS avança l’idée de créer un parti de gauche uni, qui maintiendrait en son sein les anciens partis, défini comme entités politique. Le congrès du RAP qui suivi adopta une position similaire, malgré des tensions avec certaines régions hostiles à l’unité. Le PCQ, dominé par des militants syndicaux anciennement maoïstes, prône aussi l l’unité. Le Parti Vert est encore tout nouveau. Surtout, le conseil central de la CSN de Montréal reste parti prenante du processus. En plus, des associations locales ou régionales de l’UFP se sont créées dans Gouin, Mercier, Outaouais, Montérégie, Québec, Rosemont, Ste-Marie-St-Jacques, Lanaudière ; ces dernières comptant plusieurs membres non affiliés aux partis.
La fondation de l’Union des Forces Progressistes (UFP)
À partir de janvier 2002, les associations régionales et locales de l’UFP, tout comme le PDS, RAP et PCQ, ont procédé à la rédaction de proposition de plate-forme de revendications et de statut (type d’organisation).
En juin 2002, Le congrès de l’UFP a rassemblé des militantes et militantes de gauche du mouvement syndical, du mouvement des femmes, du mouvement populaire, du mouvement anti-globalisation, du mouvement étudiant, du mouvement écologiste. Se réunir à ce congrès, c’était reconnaître que le travail de résistance que chacun-e fait dans son milieu. Il s’agissait maintenant d’esquisser comment devrait être structurée une société construite pour la vaste majorité de la population. Ce congrès manifestait la nécessité de se relever les manches, pour faire connaître à l’ensemble de la population les possibilités de faire autrement. Ce congrès manifestait également une confiance renouvelée de la gauche dans sa capacité d’offrir une alternative et de faire le travail de conviction nécessaire auprès des couches les plus larges pour réaffirmer la nécessité de rompre avec les vieux partis soumis aux intérêts des puissants et reconstruire cette société sur de nouvelles bases. Des militantes et des militants des régions de Montréal, de Québec, de l’Estrie, de l’Outaouais, du Saguenay, du Lac-St-Jean, de la Montérégie, de la Mauricie, de Rimouski ... ont partagé des débats et ont conclu dans l’enthousiasme à la possibilité de construire un nouveau parti.
La plate-forme adoptée par le congrès de fondation de l’UFP marquait une rupture radicale avec l’approche démagogique et manipulatrice du Parti québécois qui se prétend à la fois le champion du libre-échange et un critique de la mondialisation capitaliste, qui est capable, dans un même temps, de se rendre à Porto Alegre pour se donner bonne figure et au Sommet des puissants tenu à New York pour réaliser de bonnes affaires. Mettre sur pied l’UFP sur un tel programme, c’est affirmer sa volonté de rompre radicalement avec le PQ et refuser les impasses où il a entraîné à plusieurs reprises la population du Québec.
La discussion sur l’indépendance du Québec en a été une de ralliement autour de cette perspective : l’UFP est pour l’indépendance du Québec compris comme un aspect de la libération sociale du pays. Elle a permis de conforter la base d’unité de l’UFP, mais, elle n’a pas permis de tirer au clair les tenants et aboutissants des dimensions stratégiques de cette lutte.
L’UFP, une organisation qui fédère des courants et vise à rassembler des organisations sociales
La démarche de l’UFP a été marquée par le rassemblement dans le même cadre organisationnel de différents courants de la gauche politique du Québec : le Parti communiste du Québec, le Rassemblement pour une alternative progressiste, le Parti de la démocratie socialiste. L’originalité de la démarche, c’est qu’elle n’implique pas la dissolution de ces courants mais la reconnaissance de leurs héritages diversifiés et la reconnaissance de leur existence comme tendance au sein de la nouvelle organisation. Cela marque un pas important dans la gauche lui permettant de dépasser sa passion pour la démarcation et la défense des particularités de chacun des groupes. La discussion sur les statuts a également montré que l’ensemble des composantes étaient ouvertes non seulement à faire une place aux futurEs militantEs sans affiliation mais elle a permis de rappeler que le développement de l’UFP allait faire de ces indépendantEs la composante la plus nombreuse de cette nouvelle organisation. Le caractère non-acrimonieux des débats a permis de constater que la gauche québécoise a connu une maturation politique dont elle pourra bientôt toucher les dividendes.
Bien qu’il y eut tout un spectre de points de vue sur la signification de la définition de l’UFP comme un parti des urnes et de la rue, il n’en reste pas moins qu’il y a un large consensus pour ne pas réduire l’UFP à une simple machine électorale, que l’UFP est un parti de combat, un parti qui sera actif et solidaires des luttes quotidiennes pour la justice globale. .
Pour être un parti de combat, et pour ce faire, être liés aux différents mouvements sociaux, les statuts du parti prévoient que des syndicats, des groupes populaires, des groupes de femmes, des associations étudiantes, des groupes écologistes peuvent joindre l’UFP. Les statuts prévoient même que des organisations qui ne sont pas prêtes à devenir membre avec tous les droits et obligations peuvent devenir des membres affinitaires, avec un droit de parole mais sans droite de vote.
Le congrès a mis en place les mécanismes nécessaires pour que l’organisation ait un fonctionnement démocratique : corps électifs à tous les niveaux, parité hommes-femmes dans les structures de représentation, droit de tendance...
Le contexte des élections de 2002
C’est dans un contexte de rejet par la population du gouvernement péquiste et de goût du changement que c’est présentées les élections. C’est aussi dans cette lignée que l’ADQ a fait une montée fulgurante dans les sondages pour finalement se dégonfler, quand les perspectives de changement proposées ont été connues et démontrées comme profondément anti-sociales. Le goût de changement a donc été canalisé par les libéraux (sic), ce qui reflète les faiblesses de la gauche politique et surtout le fait que les directions du mouvement syndical et social ne sont majoritairement pas en rupture avec le PQ.
Sur le plan des luttes sociales, le traumatisme du 11 septembre s’est estompée avec la montée de la lutte pour la paix et contre l’impérialisme américain. Les grandes marches contre l’invasion de l’Irak a rassemblée un nombre record de personne, ce qui démontre la possibilité de mobilisation énorme au Québec.
À quelques mois de sa naissance, l’UFP s’engage dans la lutte électorale
Aux dernières élections provinciales, l’UFP a réussi à présenter 73 candidatures. Avec à peine un peu plus d’un pour cent du vote, l’UFP n’a, à première vue, pas marqué une rupture importante avec ce qu’avait réalisé la gauche politique sur le terrain électoral. Mais cette perception est une apparence. Grâce à la bonne couverture médiatique du candidat Amir Khadir, aux petites percées faites dans un petit nombre de comtés de la région de Montréal tout particulièrement, aux brèches réalisées régulièrement tout au cours de la campagne dans le mur du silence construit par les principaux médias, aux multiples débats auxquels les candidatEs de l’UFP ont été invités, - débats organisés par des organisations syndicales, des organisations étudiantes, écologistes ou féministes - et aux noyaux de militantes et de militants que l’UFP a réussi à agglutiner autour de ses candidatEs, l’UFP a réalisé le tour de force de devenir une alternative politique minoritaire, mais réelle sur la scène politique québécoise.
D’abord Solidaires, la recomposition de la gauche se poursuit
L’initiative de « D’abord Solidaires », à la veille des élections, visait à faire un travail d’éducation politique afin de contrer la montée des idées de droite. L’initiative a été un succès et des collectifs ont été mis sur pied dans différentes régions du Québec.
Les discussions se sont poursuivies en son sein et trois positions vont être présentées lors d’un rassemblement (Imaginons l’avenir) les 28, 29 et 30 novembre prochain :
a. celle préconisant que d’abord solidarités « demeure un réseau ou mouvement, un lieu d’éducation politique et d’action non-partisan » ;
b. celle qui préconise « le développement de collectifs locaux autogérés d’actions politique » et
c. celle qui « favorise le développement d’une action politique partisane, de gauche et féministe. »
Nous croyons que cette option du développement d’une action politique partisane (c) est la plus porteuse pour la recomposition de la gauche au Québec. Le projet se situe d’emblée au centre gauche. « Bref, écrit-ton dans la contribution de ce courant, un Québec qui ne propose pas « plus d’État » ou « moins d’État » mais qui propose un État progressiste, pour encadrer et harnacher le capital, redistribuer la richesse, obliger au respect de l’environnement ». Le texte propose de définir l’action dans un cadre provincial en posant la question suivante : « Un gouvernement provincial, situé en Amérique du nord, peut-il exercer un pouvoir qui conduit à des changements politiques, économiques, sociaux et culturels en profondeur ? ». Est-ce que cela signifie que la question de l’indépendance n’est pas un enjeu central pour les progressistes ? Le texte n’apporte pas de réponses évidentes à ce niveau.
En cela, le texte se définit clairement comme un courant de la gauche québécoise. Un courant de la gauche, par la rupture proposée avec le PQ et la volonté de construire un nouveau parti. Ce courant précise dans son texte sa volonté « d’en arriver à une vision commune de la société à bâtir » et de faire connaître cette dernière par un manifeste largement diffusé. Tout en reconnaissant l’apport de l’UFP, elles affirment se sentir mal à l’aise d’adhérer à ce parti et écarte le ralliement à l’UFP. Mais, les auteurEs du texte reste ouvert la perspective de l’unification de la gauche. « Cependant, répétons-le, une fois le manifeste publié, nous mettrons beaucoup d’énergies à chercher à nous entendre avec toute la gauche québécoise. »
Pour notre part, nous pensons qu’une adhésion à l’UFP, n’aurait nullement nuit à l’élaboration de leurs positions et que l’UFP représente un cadre de débat démocratique pour l’ensemble de la gauche. Ce n’est pas leur choix. Mais, il reste, qu’en mettant de l’avant cette perspective, il pose la nécessité de construire une alternative de gauche au PQ. Et cela est une position stratégique essentielle, par rapport à l’option d’inviter la gauche progressiste à rentrer dans le PQ pour l’influencer.
La recomposition de la gauche est donc un processus qui va continuer de se développer. Pour nous, au-delà d’une définition commune sur la nécessité de construire une parti de gauche féministe, écologiste, anti-raciste et altermondialiste, comme gauche, nous croyons que trois débats doivent continuer de travailler le processus de recomposition de la gauche québécoise :
la question de l’indépendance : refuser de prendre position sur cette question reviendrait pour la gauche à laisser au PQ la main-mise sur cette question
la définition du parti de la gauche : non seulement comme une machine électorale mais comme un véritable parti des urnes et de la rue et enfin la nécessité de respecter la diversité de la gauche et que le parti se donne un fonctionnement démocratique et fédératif.
Imaginer l’avenir passe sans doute par des réalisations à la hauteur de nos espérances, si cet exercice est hanté par la souci démocratique et la volonté de faire la politique autrement
1- Ce qui ne veut pas dire que la gauche politique n’a pas existé au Québec. Notons la présence du Parti Ouvrier, du PCC et de toute la mouvance autour d’Albert Saint-Martin au début du siècle.
2- Les deux autres pays occidentaux qui n’ont pas de parti de gauche peuvent aussi expliquer ce problème historique par la question nationale (Irlande) et le racisme (États-Unis).
3 En fait, le PQ est officiellement né de l’union d’une scission du Parti Libéral Québécois (Mouvement Souveraineté Association) et d’une scission de l’Union Nationale (Ralliement national). L’organisation des nationalistes radicaux à tendance sociale, le Ralliement pour l’Indépendance Nationale, s’est alors dissoute pour rejoindre le PQ, sans jamais y être invitée en tant qu’organisation. Le PQ fut donc, dès son origine, contrôlé par un personnel politique provenant de la petite bourgeoisie et de secteurs bourgeois liés à l’appareil d’État québécois, souvent issus du Parti Libéral et de l’Union Nationale.