Marc Bonhomme (MB), militant de l’UFP, affirme dans son texte « La campagne électorale de l’UFP, critique des trois partis néolibéraux et notre alternative » que l’UFP connaît un début de dérapage par rapport à notre orientation stratégique concernant la rupture avec les partis néolibéraux ; il faudrait donner un coup de barre à gauche, soutient-il.
On ne saurait être en accord avec cette thèse. Pour appuyer sa thèse, MB s’appuie sur des propos de deux candidats-vedettes. De ces propos, il conclut à un dérapage. C’est ce qu’on pourrait appeler de la sur-interprétation. D’abord les propos. Que des militantEs en rupture avec le Parti québécois et qui ont lutté au sein de ce parti pour l’adoption de mesures progressistes se rendent compte que leur travail a été vain et qu’ils rompent. C’est là un acte de courage qu’il faut saluer. Qu’ils inscrivent leur ralliement dans la suite de leur travail antérieur, on doit le comprendre. On désire même que les ruptures avec le PQ et le ralliement à l’UFP en provenance du PQ se multiplient. On le souhaite. C’est normal. Dans le mouvement syndical et les autres mouvements sociaux, il y a encore de nombreux péquistes. Qu’ils envisagent de rompre, on doit les y encourager et soutenir ceux et celles qui ont fait ce pas décisif. Il est absurde de les accueillir en leur demandant d’oublier d’où ils viennent. Cela ne veut pas dire taire notre analyse du PQ. Mais il est moins temps que jamais de faire l’exégèse des propos des nouveaux ralliés pour voir s’ils ne sont pas porteurs d’un dérapage. Ce type d’attitude pourrait malheureusement être perçus comme cherchant à développer de la méfiance envers les nouveaux venus. Cela n’encouragerait pas mais bloquerait les ralliements que nous désirons susciter.
Il est certain que si les ralliements d’ex-péquistes ou d’ex-bloquistes à l’UFP se multipliaient, cela signifierait une percée pour l’UFP et la création d’une brèche si minoritaire soit-elle dans le bloc bureaucratico-péquiste. Cela voudrait dire aussi qu’ils ou elles apporteraient avec eux des expériences et des traditions qui ne sont pas issues de la gauche classiste traditionnelle, qui, par ailleurs, a beaucoup à apprendre sur une foule de sujets. Mais la sortie de la marginalité ne se fera pas sans que ces ruptures se fassent et sans que des discussions et des débats soient menés.
Nous ne serions pas, si ces ralliements se multipliaient, face à un quelconque dérapage mais face à un moment essentiel dans la croissance de l’UFP et de sa construction. Nous ferions face aussi à des débats importants, c’est certain.
Et, MB s’étonne : « On a l ’impression que le PQ est dans une catégorie à part… » Et bien oui. Le PQ est dans une catégorie à part.
On ne peut analyser un parti seulement à partir de son programme. Il faut tenir compte également de sa base électorale, de sa base sociale, de sa base militante, de la nature de sa direction, de son rapport avec les classes fondamentales de la société et à leurs organisations. On ne peut écarter de notre analyse qu’une partie substantielle des militant-e-s des mouvements sociaux sont sur l’emprise du PQ, même s’ils n’en sont pas membres. L’ensemble de ces dimensions sont importantes. La nature du programme est fondamentale, mais elle est insuffisante pour déterminer nos tâches envers un parti. Le PQ est dans une classe à part à cause du lien privilégié qu’il entretient avec le mouvement syndical, et non seulement à sa direction, mais également avec des couches importantes de militant-e-s syndicaux qui aujourd’hui voient, à tort, selon nous, un futur gouvernement péquiste comme une protection contre l’offensive annoncée par l’ADQ.
C’est pour cela que le PQ est l’obstacle principal sur l’autonomie politique de classe de la classe ouvrière. Le PQ n’a pas fait fausse route. C’est un parti néolibéral. Mais il a joué la carte du social-libéralisme pour protéger ses bases. Il l’a fait tardivement, à la veille de la campagne électorale. Ses politiques réelles ont été clairement perçues par les couches les plus radicalisées comme néolibérales. Dire cela, c’est une façon de souligner que le PQ l’obstacle principal à la construction de l’UFP et que nous devons prendre radicalement au sérieux cette réalité.
Mais, il faut le dire, l’UFP va son construire sur la destruction de l’influence péquiste sur le mouvement syndical et sur les autres mouvements sociaux et par des ralliements de militantEs aujourd’hui influencées par le PQ.. L’UFP n’est pas en concurrence avec l’ADQ ni avec le PLQ pour une même base sociale, mais il l’est avec le PQ. La question qui est réelle n’est pas de tirer le PQ à gauche, cela est évidemment impossible, si ce n’est au niveau de la phraséologie manipulatrice. La question est d’attirer la gauche sociale encore influencée par le PQ à l’UFP, de la tirer hors de l’influence péquiste. Voilà pourquoi le PQ est dans une catégorie à part.
Si on commence à paniquer et à se crisper dès qu’un processus de ralliement connaît ses premiers balbutiements, comment pourrons-nous être à la hauteur des tâches politiques qui nous attendent.
Même la rupture est un processus. L’important c’est que des ralliements se fassent maintenant. Notre analyse nous conduit à penser que s’il reprend le pouvoir, le PQ va abandonner sa phraséologie « social-démocrate » de temps de campagne électorale et continuera de mettre en oeuvre des politiques néolibérales.
Et la nécessité de construire l’UFP va devenir plus évidente et le processus de rupture va se compléter. Voilà la dynamique qui risque de se concrétiser.
Il faut expliquer concrètement pourquoi nous affirmons que le PQ est un parti néolibéral. Il faut faire le plus rapidement possible un bilan détaillé du PQ. Cela est vrai. C’est notre tâche, et c’est à ça qu’il faut consacrer nos énergies. Il faut faire du gouvernement sortant la principale cible de nos attaques et de nos dénonciations. C’est essentiel. Cela n’est pas un coup de barre à gauche. C’est une politique d’autonomie de classe.
Présenter les déclarations d’ex-péquistes qui nous ont ralliés comme un danger, ce serait un réflexe sectaire et cela irait contre la logique fédérative que l’UFP doit mettre au poste de commande. Car il s’agit non pas de conserver une quelconque pureté idéologique mais de démontrer que le PQ est pétris de contradictions et que sa pratique concrète dément le plus souvent ses discours racoleurs. Cela me semble être une meilleure méthode. Nous n’avons pas à développer la théorie de la forteresse assiégée et être vraiment un parti fédérateur qui sait soutenir les personnes qui ont le courage de rompre le PQ.
Il y a bien des leçons à tirer dans les derniers événements, il faut tirer les bonnes !