La faiblesse des résultats devait-elle déboucher sur la faiblesse des attentes des changements possibles, sur la diminution des espérances. C’est bien avec ces moroses perspectives qu’il fallait rompre, si le PQ ne voulait pas payer amèrement les fruits de cette demi-victoire. Il fallait imposer une logique de rupture avec le gouvernement de Jean Charest. Il fallait démontrer que le gouvernement pouvait être fidèle aux promesses électorales, particulièrement celles que le PQl avait faites aux mouvements sociaux qui s’étaient mobilisés contre les aspects les plus régressifs des politiques du précédent gouvernement. Dans cette première semaine, le gouvernement Marois a donc multiplié les initiatives :
– annulation de la hausse des frais de scolarité imposée par le gouvernement Charest,
– abrogation de la loi répressive 12 (78) qui restreignait le droit de manifester et menaçait l’intégrité des organisations étudiantes,
– abolition de la contribution santé imposant une taxe régressive à plus de 5 millions de QuébécoisEs,
– récupération de l’argent ainsi perdu par la promesse de modification de la loi de l’impôt pour faire payer les plus riches (ceux et celles dont les revenus annuels déclarés dépassent 130 000 $ par l’introduction de nouveaux paliers d’imposition et une diminution de l’exonération des gains en capital qui passe de 50 % à 25 %,
– fermeture de la centrale Gentilly 2,
– poursuite du moratoire sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste et transfert du mandat de l’évaluation de la dangerosité de cette exploitation au Bape,
– fin de l’exploitation de l’amiante et non-versement du chèque promis par Charest à la mine Jeffrey...
Ces décisions sont apparues aux mouvements étudiant, écologiste et à celui contre la tarification et la privatisation des services publics comme de véritables victoires. En effet, pour profiter du souffle critique porté par ces mouvements contre le gouvernement Charest, le PQ avait dû faire ces engagements. En agissant ainsi, le gouvernement Marois consolidait les rapports qu’il avait créés avec ses mouvements et démontrait à la population qu’il était loin d’être un gouvernement paralysé, qu’il était capable des décisions importantes, qu’il pouvait être porteur de changements.
Il fallait agir vite avant que l’enlisement parlementaire annoncé, que la multiplication des compromis obligés, que les renoncements programmés par la faiblesse de ce gouvernement face à une possible gouvernance souverainiste, montrent toute la limite de cette victoire péquiste.
Mais, il n’en fallait pas plus pour que le milieu des affaires monte aux créneaux. Les gens d’affaires ont dit nager dans l’incertitude. Le gouvernement Marois n’a pas une équipe économique expérimentée ont commencé à tonner les porte-parole du patronat. Lucien Bouchard aux Francs tireurs a apporté sa contribution à la campagne du patronat. Le Parti québécois, a-t-il affirmé, n’a pas de programme économique. C’est un gouvernement qui agit avec précipitation. C’est un gouvernement qui n’est pas à l’écoute de la population des régions. Bref, c’est un gouvernement irresponsable. Les éléments les plus excités des élites libérales affirmaient souhaiter son renversement le plus tôt possible.
Ce qui a excédé particulièrement le patronat, c’est la proposition d’augmenter les impôts des plus riches, pire encore c’était d’introduire une augmentation du niveau d’imposition sur les gains de capitaux. Déjà les menaces de la fuite des capitaux, de désinvestissement en tout genre étaient évoquées dans divers médias. L’industrie minière a mis en garde de gouvernement contre la hausse des redevances ou autres obligations. Cela pourrait avoir des retombées en termes de refus d’investir. Le gouvernement péquiste, s’interroge les économistes de service, serait-il en train de ralentir l’enthousiasme des grands investisseurs ? Rien de moins.
La grande irresponsabilité, pour ces milieux, c’était de toucher en quoi que ce soit à l’actuelle distribution des richesses. Rien ne semblait plus odieux et irresponsable pour le patronat que de laisser même croire à la population que l’actuelle distribution des richesses pouvait être questionnée.
La mobilisation régionale contre la fermeture de Gentilly 2 se faisait encore une fois au nom de la défense des emplois. Alors que le Japon a décidé de fermer ces centrales, alors que l’Allemagne prend le même chemin, car ces pays ont tiré les leçons de Fukushima après bien d’autres catastrophes nucléaires, nos affairistes libéraux nient totalement les réalités reconnues dans le monde sur les dangers de l’énergie nucléaire et veulent réduire un débat essentiel sur l’avenir du Québec comme de la planète à des occasions d’affaires.
L’objectif de l’oligarchie, mettre ce gouvernement péquiste au pas, et cela, le plus rapidement possible !
La mobilisation des représentants de l’oligarchie économique et politique n’a pas tardé. Ils sont déjà majoritaire au parlement. Les affairistes vont utiliser leur poids au parlement et leurs réseaux dans les médias, dans les municipalités et les différentes régions pour mettre au pas et à leur service un gouvernement qu’il n’aime pas, car il a l’outrecuidance de remettre en question l’unité de leur pays et de s’appuyer sur l’agitation et la mobilisation des classes dominées pour favoriser leurs succès électoraux.
Pourtant le gouvernement et le Parti québécois ne sont pas construits pour confronter cette élite de façon conséquente. D’ailleurs, le gouvernement Marois multiplie les propos rassurants.
Ce gouvernement "vert" a refusé jusqu’à maintenant de s’engager à ne pas exploiter le pétrole à l’ïle d’Anticosti et dans le golfe St-Laurent. Le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, a multiplié les promesses de son ouverture au milieu des affaires : « Je vais tout faire pour que la croissance économique du Québec aille plus rapidement, a-t-il ajouté. C’est la clé, évidemment. La prospérité des Québécois passe par une croissance économique plus rapide, un milieu des affaires qui fait face à un climat d’affaires attrayant. » a-t-il assuré.
Il s’est engagé de parvenir à l’équilibre budgétaire, soit au déficit zéro, pour 2013-2014, dans les mêmes délais que ceux promis par le libéral Raymond Bachand. Cela promet une politique d’austérité féroce, dans une période où le ralentissement économique s’impose déjà. Va-t-il modifier réellement le mandat de la Caisse de dépôt ? Où va-t-il plier aux injonctions du patronat qui ne veut pas d’un gouvernement qui intervient comme investisseur dans l’économie réelle ? Va-t-il virer Sabia ?
En prenant ces engagements sur l’équilibre budgétaire dans ces délais, Nicolas Marceau donne déjà des gages à l’oligarchie économique. Soyons certains que le patronat et ses partis sauront combiner les menaces avec un « dialogue intensif » pour chercher à imposer leurs revendications au gouvernement. D’autant plus que l’ouverture du ministre des Finances et de l’Économie semble au rendez-vous. La lutte des classes revêt des formes multiples et on voit dans l’actualité présente (comme celle d’hier) toute l’intensité qu’elle peut prendre lorsque la classe dominante veut imposer ses priorités.
Il faut moins que jamais se contenter d’un regard impressionniste à courte vue sur le cours des choses. L’oligarchie économique et financière a ses intérêts et ses choix à défendre. Elle n’est pas dépourvue de moyens. Le PQ n’a pas été construit pour lui résister sérieusement.
La principale façon de défendre les intérêts des travailleuses, des travailleurs, des femmes et des jeunes, de protéger nos services publics, notre environnement, c’est dans la rue, par la mobilisation et en comptant sur des représentantEs authentiques à l’Assemblée nationale. Dans la période de crise économique et politique qui s’annonce, la lutte des classes se révélera moins que jamais une formule, mais une réalité dans laquelle il faudra prendre parti et s’engager.