Et les membres de la Coalition pour l’avenir du Québec, en hommes et femmes d’action, sont prêts à nous indiquer le chemin à suivre pour changer nos façons de faire.
Oublier la souveraineté : une unité porteuse ou une démission dangereuse
Quelle est la source principale des calamités qui nous frappent ? C’est, nous dit le Manifeste, l’incapacité de trouver une solution rassembleuse à la question nationale. Alors, abandonnons l’objectif de la souveraineté du Québec, oublions ce cul-de-sac de la question nationale et nous pourrons tenter de redevenir maîtres de notre destin. Nous pourrons réaliser une unité nouvelle, celle de tous les nationalistes québécois. La Coalition nous propose de rester dans l’État canadien tel qu’il est, d’accepter notre statut de minorité politique déclinante, de feindre de croire que la domination fédérale n’a aucun impact sur notre pouvoir d’agir dans l’intérêt de la majorité du Québec. Il faudrait revenir à une souveraineté culturelle et centrer nos efforts sur la valorisation de la langue tout en oubliant les multiples attaques dont la loi 101 a été l’objet de la part de la Cour suprême du Canada.
Un plan d’action rassembleur derrière les intérêts de la classe entrepreneuriale
La "Coalition pour l’avenir du Québec" nous propose un plan d’action rassembleur, un plan global de gouvernance. Les quatre axes de ce plan (éducation, culture, services publics, économies de propriétaires) visent le développement de la performance, du contrôle, de l’imputabilité de tout un chacun.
L’éducation : une logique d’hommes d’affaires
S’il y a un problème en éducation, c’est que le personnel enseignant n’est pas suffisamment valorisé, mobilisé, formé et évalué. Alors, il faut hausser leur salaire et leur demander en retour d’accepter que leur travail soit évalué. Aucune analyse du décrochage et de son fondement dans l’apartheid scolaire provoqué par l’affaiblissement du secteur public et le développement du secteur privé. Pour ce qui est du financement des universités, il s’agirait d’équilibrer le rôle de l’état et celui des étudiants. Voilà une façon fort masquée de soutenir la hausse des frais de scolarité et de se laver les mains sur les fondements du désinvestissement dans les universités du Québec. Sans compter que notre coalition appelle au renforcement du rôle des entreprises (et des diplômés) dans ce financement. La dérive de la mission des universités concernant l’enseignement et la recherche fondamentale sous les pressions des besoins de l’entreprise, le Manifeste n’y voit aucun problème.
La culture, un timide coup de chapeau au nationalisme linguistique
Que pour les auteur-e-s du manifeste, la viabilité de la culture québécoise passe d’abord par le développement des entreprises culturelles ne saurait nous surprendre. Le nationalisme de la Coalition nécessite tout même qu’ils en appellent à la dépense d’énergies pour la protection de la langue française et à des efforts supplémentaires dans l’œuvre de francisation des personnes immigrantes. Ne cherchez pas en vain, une critique de la monopolisation de l’information dans ce manifeste. Vous vous heurteriez une sensibilité qui voit dans l’existence de grands monopoles de ce secteur comme étant un exemple de ce Québec performant qu’on nous appelle à construire et qu’il faudrait saluer bien bas.
Pour régler les problèmes des services publics : réorganiser le travail et préciser les attentes envers le personnel
Les services publics seraient à bout de souffle, car ils n’auraient pas trouver les clés d’une performance optimale. Les problèmes trouveraient leur source dans la mauvaise organisation du travail et dans la répartition inadéquate des responsabilités. Il faut donc réduire notre endettement public par une gestion plus rigoureuse. En fait, c’est un appel à l’austérité, à diminuer encore le financement des services publics. Il faudrait décentraliser, remettre le pouvoir aux directions d’écoles et aux enseignants qui pourront ainsi être imputables de la réussite ou des échecs de leurs élèves. Dans les hôpitaux, il faudrait permettre aux directeurs d’établir des ententes locales. Ainsi, grâce à la décentralisation, on pourrait parvenir à une plus grande imputabilité des acteurs locaux. On pourrait se débarrasser des ententes collectives nationales. Et les ministères eux, mettrons au point des indicateurs de performance qui permettraient de préciser les attentes que les autorités seraient en droit d’exiger. Le manifeste veut oublier l’essentiel. Le sous-financement des services de santé et la détérioration des conditions de soins et de travail qui en a résulté visaient à préparer la privatisation de ses services, et d’ouvrir ainsi de nouveaux secteurs aux affairistes.
Une posture nationaliste dans la défense de l’entreprise québécoise
Enfin, nationalisme oblige, Legault et Cie voudraient conserver les centres décisions importants au Québec, tout en encourageant l’entrepreneuriat. Et avec un art consommé de parler des deux côtés de la bouche, on nous parle d’imposer les entreprises et les individus de façon à encourager l’investissement et la productivité (nous parle-t-on de fiscalité compétitive ?) tout en promettant une fiscalité résolument progressive. La Coalition n’allait pas oublier bien sûr le petit couplet sur le développement durable, tout en restant dans l’ombre la responsabilité du système économique capitaliste productiviste dans la situation écologique désastreuse dans laquelle se retrouve la planète.
Le sens de l’initiative de Legault, Sirois et cie
Nous faisons face à une nouvelle mouture du discours "des Lucides" à laquelle il faudra s’opposer avec vigueur. Les politiques proposées dans ce Manifeste visent à répondre aux objectifs de la classe dominante : a. de remettre en question les acquis (universalité et la gratuité des services sociaux) et privatiser des secteurs importants des services publics ; b. de faire du paiement de la dette une priorité et rétablir l’équilibre budgétaire par la réduction des dépenses sociales et la généralisation de la tarification ; c. d’affronter les "corporatistes " (s’attaquer aux droits syndicaux) ; d. d’imposer une décentralisation compétitive pour mieux pressurer et contrôler les employé-e-s des divers réseaux ; e. et de marginaliser la question nationale.
Ce qui manque pour eux, sur la scène politique québécoise, c’est une direction politique capable (donc pas aussi discréditée que le Parti libéral du Québec) de réaliser un tel programme. Leur projet c’est de réunir toute la direction politique québécoise qui fait les mêmes constats des problèmes à régler et des solutions à leur apporter dans un même parti. Faudra-t-il pour cela en fonder un nouveau ? C’est ce qu’ils veulent explorer dans les prochains mois.