Montréal, le 12 juin 2003. Un budget libéral, somme toute défensif, qui visait surtout à faire le nid du gouvernement Charest sur le recentrage du rôle de l’État sur ses missions dites « essentielles » : l’éducation et la santé. L’on profite du soit-disant trou de plus de 4 milliards pour accuser le gouvernement précédent et justifier le report de quelques promesses électorales. Enfin, le ministre des finances qui a donné son nom à la Commission sur le déséquilibre fiscal entre Ottawa et le Québec, ignore de son côté l’« autre déséquilibre fiscal », celui qui fait puiser la plus grande part des revenus de l’État chez les particuliers au profit des entreprises qui en paieront encore moins à partir d’aujourd’hui, et encore moins dans le prochain budget. En effet, les avantages fiscaux que le présent budget leur retire pourraient bien être compensés par la diminution de la taxe sur le capital et la masse salariale et par le haussement de 250,000$ à 1 million de l’exemption à la loi sur la formation de la main-d’oeuvre. L’obsession de la dette se calmera par des augmentations de tarifs de l’Hydro Québec et par des réductions de services des ministères. La formation de la main-d’oeuvre écopera. Dans l’ensemble, c’est bien sûr la population, et spécialement les plus démunis qui feront les frais de ce budget.
LE TROU DE 4.5 MILLIARDS
D’abord, disons que ce budget comporte tout de même une croissance des dépenses de l’ordre de 3.8%. Ce qui aurait été presque normal pour Pauline Marois, avec des projections de croissance de 3.5% devient hasardeux pour Yves Séguin dont les projections de croissance atteignent à peine les 2.5%. Mais, il vaut mieux garder les bonnes nouvelles pour quand on n’aura pas l’excuse d’accuser les prédécesseurs.
En recherche comptable, il existe une nomenclature des manipulations dont une s’appelle le Big Bath Accounting (la comptabilité du grand nettoyage) qui consiste pour un nouveau PDG ou un nouveau ministre des finances à nettoyer le bilan des provisions accumulées en accusant les prédécesseurs, pour pouvoir, ensuite, créer ses propres réserves quand il en a besoin.
Donc, les réductions pouvaient se faire plus calmement que prévu.
LE TROU DE STATISTIQUES CANADA
En plus, la vie est bien bonne pour M. Séguin, puisque les erreurs de calculs de Statistique Canada créent un compte à recevoir de 1 milliard pour le Québec. C’est génial, mais n’ai-je pas entendu que le Ministre Séguin, dès son entrée en fonction, avait demandé au gouvernement fédéral de vérifier les bases statistiques sur lesquelles se faisait la péréquation. Comment savait-il ça ? Ça ressemble à une magouille du gouvernement fédéral pour étouffer le Québec, magouille que quelques initiés connaissaient. Maintenant, ces manœuvres n’étant plus nécessaires, on peut les renverser et ainsi donner un coup main à la filiale provinciale des libéraux fédéraux.
LES MESURES DE REVENUS
Les revenus seront augmentés de 1.5 milliard, soit en pressurant mieux les sociétés d’État, soit en diminuant les cadeaux fiscaux aux entreprises.
Augmenter les revenus des sociétés d’État de 700 millions me semble dangereux. Hydro-Québec a déjà demandé des hausses de tarifs. Gageons qu’elle va les obtenir et comme elle a manipulé ses structures et ses chiffres en conséquence depuis dix ans, ce sont les clients domestiques qui devraient en faire les frais. En conséquence, c’est un budget sans hausse d’impôts, on va venir prendre l’argent dans les poches des citoyens à travers leur compte d’électricité, c’est bien.
Remarquons qu’avec ce que nous avons appris sur la Caisse de Dépôt, que certaines personnes confondent allègrement avec une caisse de retraite, nous comprenons que certaines coupures peuvent se faire dans les dépenses de ces sociétés sans avoir d’effet sur les gens. Les murs de la SAQ seront moins bien décorés, mais nous n’y étions jamais invités.
Cependant, ce qui effraie est que quand on coupe, c’est jamais dans ce genre de chose, parce qu’on place les hauts dirigeants en charge des coupures et que, comme tout le monde, ils commencent par couper ce qui est le plus loin d’eux et les dépenses somptuaires sont tout près.
Pour ce qui est des dépenses fiscales aux entreprises qui seraient enlevées pour un total de 800 millions, nous ne pouvons qu’applaudir à une telle initiative, qui est logique avec la doctrine libérale, mais peu conforme aux pratiques de nos gouvernements, même les plus prétendument sociaux-démocrates.
Cependant, observons aussi que la seule dépense qui n’est pas chiffrée dans le budget, à aucun endroit, est la réduction importante de la taxe sur le capital. On le sait, les taux d’impôts des entreprises, surtout au Québec, sont ridiculement bas. Et même ridiculement bas, les entreprises ont toutes sortes de moyens pour éviter de payer le peu qui reste, quand ils ne se livrent pas, avec la complicité des professionnels, à l’évasion fiscale.
Les seuls moyens qu’on avait de tirer quelques sous des entreprises étaient la taxe sur le capital et les taxes liées à la masse salariale. Maintenant, avec la diminution de la taxe sur le capital et la l’érosion des taxes liées à la masse salariale, il ne restera pas grand revenu pour l’état venant de toutes ces entreprises qui ont pourtant coûté si cher en subventions de toutes sortes.
J’ai bien peur que le revenu de 800 millions ne soit en grande partie éliminé par la réduction de la taxe sur le capital. Nous devrons faire les calculs nous-même, semble-t-il.
LES RESERREMENTS DES DÉPENSES
Nous verrons les crédits demain, mais les postes budgétaires qui n’ont pas eu d’augmentation, resteront au niveau de dépense de l’année passée. Quand on écoute bien le ministre expliquer ce 1.5 milliard de resserrement des dépenses, on s’aperçoit que c’est par rapport au budget Marois, qui n’a jamais été appliqué. Donc, il ne s’agit pas d’un vrai resserrement des dépenses.
Maintenant, geler les dépenses des ministères, compte tenu de l’inflation, constitue un recul réel. Cependant, les ministère qui ont des masses salariales moindres souffrent le moins, Or les ministères ayant proportionnellement les plus grandes masses salariales ont des augmentations. Donc, la transparence n’est pas à prendre au premier degré et le ministre nous tient un discours bien tordu.
LA QUESTION DE LA DETTE
Le Ministre Séguin accuse le Parti Québécois d’avoir menti en parlant de déficit zéro puisque la dette ne cessait d’augmenter. Alors il doit mentir aussi, puisque sa dette va aussi augmenter de 3 milliards. Cependant, il faut séparer les dépenses courantes des dépenses d’immobilisation.
Le Parti Québécois balançait à peu près les dépenses courantes. Je dis à peu près, parce qu’on peut toujours trouver des cadavres en cherchant. Mais, ils empruntaient, comme toutes les administrations publiques, pour les immobilisations.
Je voudrais faire une mise au point pour tous les Mario Dumont de la planète. Le principe est simple. On ne peut pas gérer l’État comme une famille parce que la relation entre les gens n’est pas la même. Si j’économise pour acheter comptant une maison pour mes enfants, je risque d’être locataire longtemps et de leur acheter la maison que je leur léguerai que quand je serai vieux. Que ne ferait-on pas pour ses enfants ? Mais, ça ne s’applique pas aux enfants des autres. Ça veut dire que si l’État économisait les sommes avant de bâtir un stade, par exemple, ceux qui le paieraient ne seraient pas là pour en profiter. Alors l’État finance le stade avec un emprunt dont la durée est, autant que faire se peut, la même que la durée de vie utile du stade. Donc, ceux qui vont payer seront ceux qui en profiteront et, quand ils auront fini de payer, le stade sera fini et on recommencera.
Évidemment, le stade olympique échappe à cette logique pour des raisons dont nous nous souvenons tous.
LES PLACES EN GARDERIE
Ce n’est pas clair. Les tarifs seront modulés en fonction d’une série de critère dont on ne perçoit pas bien les modalités d’application. De plus, on met 20 millions pour de nouvelles places, mais on ne sait pas si elles seront dans le système des CPE ou dans un autre, privé. Le ministre se fait rassurant en entrevue, mais il a bien énoncé ses principes : libre choix des parents.
PAUVRES PAUVRES
Un maigre 10,7 millions pour le logement social, c’est loin des demandes du FRAPRU et de l’UFP, c’est surtout loin de la réalité des gens dans le besoin à la veille d’un nouvelle crise du 1er juillet, notamment dans la région de Montréal.
Un plus maigre 5 millions pour l’insertion des jeunes dans le marché du travail, surtout si on pense que l’argent sera versé aux entreprises pour des projets. On va encore remplacer des employés par d’autres aux frais des contribuables.
CONCLUSION
L’étude des crédits, qui touchent vraiment tous les aspects de la vie des ministères, nous en dira plus sur l’avenir de certains programmes. En attendant, ce budget me semble bien trompeur, soutenu par un discours double. Cependant, il ne semble pas porter les catastrophes que l’on attendait. C’est un budget, en somme, assez défensif, qui fait un premier déblayage. Attendons la suite.
Gaétan Breton, Ph.D. Professeur de sciences comptables à l’UQAM
Candidat de l’UFP dans Sainte-Marie Saint-Jacques aux élections générales du 14 avril 2003
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Pierre Dostie V-P et porte-parole, pierre.dostie@ufp.qc.ca
Molly Alexander, V-P et porte-parole, molly.alexander@ufp.qc.ca