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S’ils participent nombreux aux États généraux, fin février à Québec, les citoyens progressistes auront une influence décisive en faveur de l’adoption d’une réforme en profondeur du mode de scrutin

dimanche 5 janvier 2003, par Paul Cliche

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On peut d’ores et déjà prévoir sans crainte de se tromper que les résultats des élections générales de 2003 seront aberrants et qu’ils illustreront encore une fois l’immense déficit démocratique dont est affligée la vie politique québécoise. En effet, quelle que soit l’issue électorale de la lutte serrée que se livrent depuis plusieurs mois les trois principaux partis en lice, une certitude existe : la volonté populaire exprimée par l’électorat sera substantiellement déformée par le mécanisme erratique d’un mode de scrutin (le majoritaire uninominal à un tour) qui n’est plus utilisé que par une poignée de démocraties dans le monde.

Il ne reste qu’à connaître la version 2003 de la parodie démocratique à laquelle ont donné lieu 13 des 17 dernières élections québécoises, soit plus de 75% d’entre elles. Assistera-t-on, cette
fois-ci, à un quatrième renversement de la volonté populaire où le pouvoir échoit au parti arrivé second dans les suffrages comme en 1998 ? Ou plutôt, un parti ayant recueilli moins de 40% des suffrages fera-t-il élire une majorité de députés comme ça s’est produit avec l’Union nationale en 1944 ? Ou bien, un parti ayant obtenu plus de 30% des votes ne se verra-t-il attribuer qu’une poignée de sièges parlementaires comme c’est arrivé aux libéraux en 1948 et au PQ en 1973 ? Ou pis encore, deux ou même ces trois possibilités se produiront-elles simultanément ?
La réforme du mode de scrutin ne pourra être prête pour les prochaines élections parce que les partis représentés à l’Assemblée nationale se sont traînés les pieds

Malheureusement, la société civile sera impuissante à empêcher une nouvelle répétition d’un scénario aussi malséant. La faute doit en être imputée aux partis représentés à l’Assemblée nationale qui ont décidé beaucoup trop tard d’entamer le processus d’évaluation et de réforme d’un mode de scrutin vigoureusement contesté dans plusieurs secteur de la société québécoise depuis plus de 30 ans.

La plus élémentaire décence démocratique aurait pourtant exigée que le gouvernement péquiste, dont la légitimité était fortement affaiblie par sa victoire antidémocratique de 1998, prenne l’initiative de mettre un tel processus en marche dès les premières semaines de la nouvelle législature. Au contraire, le PQ, dont le programme contenait un engagement formel à ce sujet depuis 1970 et qui avait promis à la veille de ses victoires de 1976 et de 1994 de réaliser la réforme « dès la première année d’exercice du pouvoir », fit volte-face, lors de son congrès de mai 2000 tenu sous la gouverne de l’ex-premier ministre Bouchard, en décidant de reporter la réforme après l’accession du Québec à la souveraineté. Le ministre Guy Chevrette, responsable du dossier, estimait alors que, somme toute, le mode de scrutin actuel était « le moins pire de tous » et que les Québécois « n’étaient pas mûrs » pour l’instauration d’un scrutin proportionnel. Quel contraste avec l’ex-premier ministre René Lévesque qui considérait ce dernier comme « démocratiquement infect » et qui avait vu, à son grand dam, le caucus des députés péquistes bloquer, en 1984, le projet de loi qu’il voulait présenter pour instaurer un scrutin de type proportionnel afin de mettre en application la recommandation d’un rapport commandé par l’Assemblée nationale à la Commission de la représentation électorale !

Il a fallu attendre la nomination de Jean-Pierre Charbonneau comme ministre, au début de 2002, pour que le dossier débloque enfin au niveau gouvernemental. Entre-temps, la Commission des institutions de l’Assemblée nationale avait répondu favorablement à une pétition présentée par un nouvel organisme non-partisan voué à la réforme du mode de scrutin, le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), en prenant l’initiative de se donner un mandat pour consulter la population. Cette commission parlementaire, composée de députés des trois partis, tiendra d’ailleurs des audiences publiques dans plusieurs villes cet hiver pour entendre les mémoires qui lui ont été présentés par les citoyens et les groupes au cours de l’automne qui vient de s’achever.

Une prise de position sans équivoque des États généraux est nécessaire pour que le prochain gouvernement ne soit pas tenté de renvoyer de nouveau la réforme aux calendes grecques

Quant au ministre Charbonneau, ayant obtenu l’aval du premier ministre Landry, il a convoqué, l’été dernier, ce qu’il a appelé des « États généraux sur la réforme des institutions démocratiques » devant se dérouler en deux étapes sous la gouverne d’un comité directeur composé d’une dizaine de citoyens et présidé par M. Claude Béland, ex p-dg du Mouvement Desjardins. La première étape a consisté en une tournée des régions du Québec qui a donné lieu à une cinquantaine de séances de consultation ouvertes à l’ensemble de la population. Cette dernière a eu lieu de la mi-octobre à la fin de novembre.

La deuxième phase des États généraux donnera lieu à un événement national auquel doivent participer un millier de citoyens représentant les 125 circonscriptions québécoises. Ce dernier se déroulera à Québec la fin de semaine des 21, 22 et 23 février prochains. Les participants discuteront et se prononceront sur les propositions que le comité directeur aura dégagées des opinions exprimées lors des consultations tenues dans les régions. Puis, les différents partis seront invités à se positionner par rapport aux conclusions des États généraux afin que les électeurs puissent se prononcer en connaissance de cause. On espère qu’une telle approche fera du thème de la revitalisation de la démocratie québécoise un élément important du débat électoral.

C’est d’ailleurs lors de son congrès d’orientation prévu pour le début de mars que le PQ, qui a été le seul parti à s’abstenir de présenter de mémoire à la Commission des institutions et au comité Béland, décidera s’il modifiera son programme afin de préconiser l’adoption d’une réforme dès la prochaine législature au lieu de la renvoyer, comme c’est le cas depuis son dernier congrès, à l’horizon pour le moins incertain et indéterminé de l’accession à la souveraineté c’est-à-dire aux calendes grecques

On sait que le Parti libéral et l’ADQ favorisent pour leur part un mode de scrutin mixte de type compensatoire où quelque 60% des députés continueraient à être élus localement au scrutin majoritaire comme maintenant, mais où le reste seraient élus sur une base régionale au moyen d’un scrutin proportionnel afin de corriger une partie des distorsions causés par le scrutin majoritaire. L’Écosse est déjà doté d’un mode de scrutin semblable.

Lorsqu’il a lancé le processus de consultation, une première dans l’histoire politique du Québec où un système de démocratie parlementaire existe depuis 1792, le ministre Charbonneau a publié un document de réflexion remettant en question de larges pans de nos institutions politiques. On craignait que l’élargissement du débat à des sujets aussi controversés que la possibilité de changer notre régime parlementaire d’inspiration britannique pour un régime présidentiel à l’américaine ne fasse oublier la réforme du mode de scrutin où, après des décennies de débat, un consensus solide commençait à se former dans la population.

Mais la consultation de l’automne a heureusement permis de constater que ce dernier sujet venait de loin en tête des préoccupations de la population. Espérons maintenant que les citoyens réunis en États généraux expriment un avis sans équivoque qui ne laissera aucune possibilité au gouvernement issu des prochaines élections, quel que soit le parti qui va le former, de se défiler comme c’est arrivé à deux reprises au PQ malgré ses engagements formels. L’instauration d’un scrutin proportionnel pourrait servir par la suite de levier aux citoyens pour inciter les dirigeants politiques à procéder à d’autres réformes éminemment nécessaires.
Afin que cet objectif soit atteint il faut toutefois que le plus grand nombre possible de citoyens convaincus de la nécessité d’accorder priorité à la réforme du mode de scrutin participent aux États généraux de février.

Les personnes intéressées à participer peuvent le faire savoir au Comité directeur des États généraux (pouvoircitoyen@mce.gouv.qc.ca), mais il faut faire vite. Pour se tenir renseignés sur cet événement on peut aussi consulter le site internet www.pouvoircitoyen.com
Le site internet du Mouvement démocratie nouvelle (www.democratie-nouvelle.qc.ca) fournit également une information exhaustive sur le dossier et permet d’établir des liens avec tous les autres sites consacrés à la réforme du mode de scrutin.

Paul Cliche,

auteur du livre « Pour réduire la déficit démocratique : le SCRUTIN PROPORTIONNEL »