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Le congrès du Parti québécois ou quand la crise de direction cache une crise stratégique ...

lundi 6 juin 2005, par Bernard Rioux

Avec la crise du fédéralisme canadien, la perspective de la souveraineté du Québec comme échéance à plus ou moins court terme redevient le schéma (pour ne pas dire un mythe porteur) qui risque de structurer les prises de position d’une partie importante de la population et même des progressistes.
Le congrès du PQ a été marqué par deux événements importants : 1) la démission de Bernard Landry suite à un vote de confiance qu’il a jugé insuffisant ; 2) et la victoire de la stratégie défendue par ce dernier de la perspective de la tenue d’un référendum dans le cadre d’une réélection du PQ.

Le surprenant vote de non-confiance

Bernard Landry a décidé de démissionner. Les raisons qu’il donne pour sa démission sont claires. Le vote qu’il a reçu n’aurait pas permis de fermer la course au leadership. D’une part, Gilles Duceppe est crédité encore d’une meilleure chance non seulement pour une éventuelle réélection du PQ mais également dans la lutte référendaire. D’autre part, dans ce contexte la question de son remplacement aurait continué d’être posée et de miner son autorité au sein du Parti. Pour Bernard Landry, l’opportunité historique qu’il croyait voir s’ouvrir à son parti et au Québec nécessitait qu’il laisse sa place à un-e leader plus performant-e. Même ses partisan-es, au lendemain de sa démission, reconnaissaient ce fait et ont affirmé qu’il n’avait guère le choix de prendre la décision qu’il a prise.

Ce qui a par contre surpris, c’est le vote lui-même. Un vote à plus de 76% dans n’importe quel autre contexte (élection, référendum) constituerait un score impressionnant. Mais dans cet étonnant exercice qu’est le vote de confiance - qui relève fort peu d’un exercice démocratique, mais bien plutôt de la consécration d’un monarque du Parti qui doit pouvoir se permettre de diriger le parti en tout - ce résultat s’est avéré insuffisant. En fait, nous avons cru pour notre part, que Landry n’aurait pas de peine à obtenir un vote de confiance au congrès. Particulièrement après le ralliement de Pauline Marois et de François Legault, nous avons pensé que Bernard Landry avait le vote de confiance dans sa poche. Manifestement, nous avons sous-estimé la force de la fusion conjoncturelle de tous les mécontentements liés au refus de l’autoritarisme du personnage, aux frustrations des débats refoulés, aux rancœurs des ambitions bousculées, mais surtout à l’opposition des indépendantistes voulant en finir avec la phrase souverainiste cachant la volonté d’une gouvernance provinciale comme seule ambition des arrivistes de la politique nationaliste...

Le changement de direction au PQ va-t-il relancer le débat sur les perspectives stratégiques ? Rien n’est impossible. Mais que ce soit du côté Gilles Duceppe ou de Pauline Marois, au niveau de la lutte pour la souveraineté, ces deux candidat-es s’inscrivent dans la ligne stratégique des tenant-es de la gouvernance. Les autres candidat-es envisagé-es s’inscrivent dans la même orientation. Et pour ce qui est du SPQ-Libre, c’est le même cadre stratégique qui est soutenu. Le chef du BQ une fois que Landry a tiré sa révérence va devoir décider s’il joue son va-tout et s’il va chercher à devenir le principal leader nationaliste au Québec. Les député-es du Bloc québécois font déjà pression pour qu’il reste à Ottawa. Les élections fédérales vont se tenir dans quelques mois à peine et le départ, en ce moment, d’un leader reconnu n’aiderait en rien la bataille du Bloc qui vise rien de moins que d’assurer une défaite cuisante aux troupes de Paul Martin. Gilles Duceppe pour sa part souhaiterait pouvoir mener ses troupes aux prochaines élections fédérales et se lancer dans la course à la chefferie du PQ qu’après cette échéance. Mais, avec la course au leadership telle qu’elle se profile, rien n’est dit qu’un scénario fait sur mesure pour le chef du Bloc puisse facilement s’imposer.

La victoire des nationalistes de l’alternance à la gouvernance d’un État provincial

En fait, à ce congrès, la direction péquiste a réussi à marginaliser l’orientation des militant-es indépendantistes qui voulaient que le PQ adopte une stratégie de rupture et d’initiatives unilatérales qui puissent remettre directement en question la domination fédéraliste. Pour faire face à cette stratégie alternative, la direction du PQ, particulièrement son aile parlementaire, a défendu la phrase souverainiste et les promesses de la tenue d’un référendum dès que possible. Les partisan-es de la définition du PQ comme parti de gouvernance se sont mobilisé-es pour en appeler au réalisme, à la nécessité de défaire le gouvernement Charest comme tâche principale tout en promettant la tenue d’un référendum dans un premier mandat.

Un cadre stratégique qui refuse de voir qu’une simple consultation référendaire sera tout à fait insuffisante pour faire reculer la bourgeoisie canadienne dans la défense de l’intégrité de son État s’est imposé à ce congrès. Cette stratégie refuse de prendre en considération les fondements de la loi C-22 et les obstacles que cette loi dresse sur la voie de la souveraineté. Le refus de prendre en considération la nouvelle détermination de la bourgeoisie canadienne et sa volonté de définir ce que serait une démarche référendaire légitime prépare une crise beaucoup plus dramatique.

En effet, devant une telle détermination, la résistance aux pressions fédérales nécessitent la construction d’un parti qui lient le combat pour un projet social à celui pour l’indépendance du Québec et qui pose la nécessité de la mobilisation populaire la plus large possible pour faire reculer l’État fédéral. La possibilité (et la nécessité) de la construction d’un parti indépendantiste et de gauche s’impose plus que jamais.

La question linguistique

En ce qui a trait à la question linguistique, la proposition sur l’obligation pour les immigrant-es de fréquenter un cégep francophone a été rejetée rapidement. Cette proposition ne représente nullement une position progressiste et de gauche. Au contraire, elle risquait de durcir les distinctions entre les différentes communautés linguistiques sur la base de la langue maternelle de chacune au lieu de centrer les efforts des indépendantistes sur la promotion du français comme langue nationale commune.

Au lieu de faire une obligation aux immigrant-es de fréquenter les collèges, faisant peser sur ces communautés la lutte pour la promotion d’une langue nationale commune, il aurait été préférable de faire une proposition favorisant l’octroi de budgets pour mettre sur pied davantage de cours de français langue seconde dans les établissement accueillant un forte population allophone. Ainsi, aurait évité de stigmatiser les immigrant-es et cela se serait inscrit dans une vrai politique d’intégration linguistique.

Les choix et les silences du SPQ-libre

Avec l’élection de Monique Richard à la présidence du PQ, le SPQ-Libre reçoit de plus en plus clairement le mandat de flanc-garde du PQ. Il s’agit d’emblée de commencer dès maintenant un lutte pour délégitimer le nouveau Parti qui sera issu de la fusion de l’UFP et d’Option citoyenne et de convaincre les progressistes de se limiter à une stratégie du "supposé vote utile " étant donné que le pouvoir n’est pas à la portée d’un parti de gauche aux prochaines élections.

Le SPQ-Libre a d’emblée inscrit sa démarche dans un suivisme conséquent de la stratégie de Bernard Landry sur la question de la souveraineté. Il a fait la sourde oreille aux questionnements et aux perspectives mises de l’avant par les indépendantistes qui défendaient une stratégie de rupture avec la domination fédéraliste. Le SPQ-Libre a ignoré la nécessité de poser la marche à l’indépendance dans le cadre d’une démocratie participative véritable. Il a fait la sourde oreille aux démocrates qui questionnent le PQ sur la nécessité de réforme du mode de scrutin. Il n’a pas fait de l’opposition au libre-échange un axe de son travail alors que les progressistes entrevoient très bien où peut mener le libre-échange et une "pseudo-souveraineté" ayant comme seul objectif de pouvoir participer à la table des puissances de ce monde.

Construire un grand parti de gauche indépendantiste

Le PQ a fait la preuve qu’il ne saurait être le foyer de ralliement des progressistes : au niveau démocratique. Il n’est pas prêt à une lutte conséquente pour la réforme des institutions démocratiques et l’établissement d’un mode de scrutin proportionnel. Au niveau de la lutte pour l’indépendance, il a écarté les propositions des indépendantistes les plus conséquent-es militant dans ses rangs et s’est rabattu une politique qui prépare des échecs retentissant, car sa stratégie est tout à fait incapable de faire face à la détermination de la bourgeoisie canadienne. Au niveau social, le congrès s’est contenté de se gargariser de propositions écologisantes mais il s’est refusé de se démarquer clairement des projets de libre-échange continental alors que ces conséquences désastreuses font déjà sentir leurs effets tant sur l’économie et les services sociaux que sur l’environnement.
Après un tel congrès, une seule conclusion s’impose aux progressistes, sortir de cette vieille maison et rallier la construction d’une alternative politique, un grand parti de gauche indépendantiste se donnant comme objectifs la défense des intérêts des classes ouvrière et populaires et d’une indépendance du Québec fondée sur le projet d’une société égalitaire.