(à être publié dans Résistance, organe se Socialisme Interntional)
Un sondage publié dans Le Devoir du 17 décembre, révélait que 10% de l’électorat québécois a l’intention de voter pour un " autre " parti que les trois présentement représentés à l’Assemblée Nationale (PQ, PLQ, ADQ). Comme on n’a pas posé la question, il est difficile d’estimer quelle proportion de ces personnes voterait pour l’Union des forces progressistes (UFP) ou les Verts, ou pour un nouveau parti incluant l’UFP et Option citoyenne (OC). Mais ce qui est évident c’est qu’une bonne partie de la population veut une alternative, et que ce n’est donc pas le moment d’abandonner l’indépendance chèrement gagnée de la gauche au profit d’un appui stratégique au PQ contre leurs frères libéraux. C’est pourtant une telle vision qui semble animer Françoise David, principale porte-parole d’OC et qui exerce une influence croissante, même au sein de l’UFP.
Depuis l’élection d’avril 2003, on assiste à une offensive néolibérale sous la gouverne de Charest, en continuité avec des politiques similaires appliquées par tous les gouvernements du Québec, péquistes ou libéraux, depuis les lois matraques de Lévesque contre les syndicats du secteur public en 1982 jusqu’au déficit zéro de Bouchard en1996, en passant par le dégel des frais de scolarité sous Bourassa en 1990. Ces politiques vont également dans le sens général du programme de l’Action démocratique (ADQ). Comme le disait bien les porte-parole de l’UFP quelques semaines après l’élection des libéraux : "...le PQ a pavé la voie pour que le PLQ applique le programme de l’ADQ !"
Depuis qu’il est de retour dans l’opposition, le PQ a brillé par son inaptitude et son manque de volonté à contribuer réellement au mouvement de résistance aux politiques de Charest, ce qui n’a rien de surprenant quand on constate à quel point ces politiques sont proches des siennes. Leur stratégie semble être de simplement attendre leur heure en comptant sur la logique de l’alternance entre les deux principaux partis. L’impopularité phénoménale du gouvernement, causée en bonne partie par la mobilisation des syndicats et des mouvements sociaux, leur permet d’espérer remporter l’élection prévue pour 2007. Alors les débats au PQ portent sur le type de campagne à mener dans cette élection. Portera-t-elle en partie sur la souveraineté par le biais d’une promesse de référendum comme en 1976 et en 1993 ? Qui sera le chef et futur premier ministre ? Mais tant au PQ qu’à la direction des centrales syndicales, on ne semble pas vouloir battre le programme du régime Charest dès maintenant. Il s’agit de " se souvenir " des mauvais coups de Charest, comme le disait Henri Massé, président de la FTQ, en décembre 2003.
Clairement, la lutte contre ces politiques passe par la mobilisation ouvrière et sociale, sur la base d’un rejet en bloc du néolibéralisme. Une telle lutte est possible, comme l’ont montré la mobilisation contre la ZLÉA en 2001, les manifestations contre la guerre en Iraq en 2003, la " journée de perturbations " du 11 décembre, les 100 000 qui ont marché le premier mai 2004, et les nombreux votes solides pour la grève générale de 24 heures (ou pour la grève générale tout court) effectués tant à la CSN qu’à la CSQ et dans plusieurs syndicats FTQ, depuis un an et demi.
C’est dans ce contexte que sont apparus deux nouveaux groupes politiques à gauche : SPQ-Libre et Option citoyenne. SPQL rejette carrément la perspective d’un grand parti de gauche indépendant au nom de l’unité de tous les souverainistes. Leur projet est l’organisation d’une certaine gauche (incluant Pauline Marois et François Legault !) à l’intérieur du PQ. L’autonomie de la gauche doit attendre après la souveraineté. C’est le discours qui a conduit à la dissolution du RIN et de Parti Pris...en 1968. Quatre victoires électorales du PQ et deux échecs référendaires plus tard, on attend encore !
Option citoyenne de son côté fait suite à d’Abord Solidaires, un mouvement d’éducation politique qui faisait principalement campagne contre l’ADQ lorsque les sondages la donnait gagnante en 2002. La logique était alors " n’importe qui sauf Dumont ", au point ou on se refusait même à choisir entre le PQ et le PLQ comme alternative.
Après l’élection d’avril 2003, d’Abord Solidaires s’est divisé en trois groupes, dont un, Option citoyenne, a entamé une démarche visant à la constitution d’un parti politique. Mais quel genre de parti politique et pour quoi faire ? Dès la première page de sa " plaquette " Mme David se défend d’être " la Ralph Nader du Québec et de contribuer à la défaite du PQ " comme Nader aurait contribué à celle de Gore en 2000. Ce qui est conséquent avec d’autres propos affirmant que la gauche ne devrait pas " contribuer à la réélection des libéraux " ou encore que "Nous sommes tous des gens intelligents et stratégiques. À l’approche des élections, on verra ce qu’on aura à dire au PQ." Mais qu’est-ce que ça voudrait dire en pratique sinon appuyer le PQ comme un moindre mal face aux libéraux ? On dirait que l’équipe dirigeante de OC tente de ménager la chèvre de l’appuis stratégique au PQ en même temps que le chou de l’autonomie politique de la gauche, une véritable option mitoyenne...
Par contraste, soulignons l’avancée spectaculaire que représentaient la campagne de l’UFP dans Mercier en avril 2001 (4000 votes et une solide troisième place pour l’UFP), une campagne qui a mené à une victoire libérale mais dans un contexte où certains analystes concluaient que 90% de la population avait voté à gauche, étant donné la nature de la campagne libérale qui attaquait le gouvernement péquiste sur sa gauche ! Et que dire de l’élection générale de 2003, ou l’UFP a obtenu 5000 votes dans Mercier, ce qui n’a pas empêché le PQ de gagner le comté, mais seulement 1% du total des suffrages (avec des candidatures dans 72 comtés sur 125), ce qui n’a pas empêché le PQ de perdre les élections par ses propres moyens...
La fusion entre l’UFP et Option citoyenne peut donc conduire dans deux directions opposées : soit qu’on arrive à convaincre les membres d’OC (et les membres de l’UFP qui ont rallié cette perspective) de rejeter la politique du moindre mal et de travailler au développement d’une véritable alternative aux trois partis néolibéraux ; soit Mme David et ses partisans (à OC comme à l’UFP) arriveront à rallier la gauche unifiée à leur politique d’alliance stratégique avec le PQ.
Cette alliance pourrait prendre deux formes, soit un pacte électoral formel incluant un partage très inégal des comtés (peu probable étant donné le sacrifice que cela représenterait pour le PQ) , soit un désistement unilatéral de la gauche dans une série de comtés clés afin de " ne pas diviser le vote ". Mais le pire de tous les scénarios serait que la fusion entre l’UFP et OC se fasse sans une discussion préalable sur la question de la participation aux élections. Alors on pourrait se retrouver à dissoudre l’UFP pour ensuite se rendre compte que le nouveau parti est majoritairement en faveur d’un appui stratégique au PQ et que la gauche indépendante, minoritaire, n’a plus de parti. C’est pourquoi on doit d’abord insister pour que ce débat se fasse dans les instances de l’UFP et d’OC et soit à l’ordre du jour des négociations en vue de la fusion.
Ce serait une tragédie, pas une stratégie, si la gauche renonçait à se présenter dans le plus de comtés possible et ainsi d’offrir une véritable alternative à la population. Qu’on laisse les 5 millions d’électeurs et d’électrices choisir comment ils et elles vont punir le gouvernement Charest pour ses premiers quatre ans de saccage. Qui sait, peut-être que ce ne sera pas en récompensant le PQ !