Le texte du camarade Marc Bonhomme, « Une droite et des gauches ou des droites et une gauche », critique une stratégie d’alliance qui présente l’ADQ contre le danger principal et qui défend que la tâche de l’heure est de constituer un vaste front contre ce dernier. Cette stratégie d’alliance semble dominer dans la mouvement syndical et populaire au Québec aujourd’hui. Cette critique est essentielle car cette stratégie conduit à refuser de rompre clairement avec le PQ au pouvoir et emprisonne politiquement les classes ouvrière et populaires dans un bloc national qui a assumé, malgré toute une série de bémols, une logique néolibérale et qui a conduit la lutte pour l’indépendance à l’impasse.
Mais les arguments présentés dans ce texte s’appuient sur une critique des « erreurs » commises par « la gauche sociale » et par la « direction de l’UFP » au lieu de chercher à expliquer les fondements de l’ascendant de cette stratégie. La vraie question en l’occurrence est de savoir si le refus d’une rupture politique claire avec le PQ est ou non le meilleur moyen de renforcer les forces du changement et d’entraver les objectifs actuels de la bourgeoisie et de ses partis politiques ?
La stratégie anti-adéquiste ou le PQ comme moindre mal
La réponse de la CSN a cette question est claire. L’ADQ est l’ennemi principal. Elle dénonce le projet politique de ce parti de droite. À son dernier Conseil confédéral la CSN décidait ne pas donner une consigne de vote en prévision de la prochaine élection générale et de se limiter à un travail d’éducation visant à informer ses membres des grands enjeux de la situation actuelleet de les mettre en garde contre les effets de la montée de la droite. Et, dans ce contexte, le bilan du gouvernement péquiste est négligé. Si la direction de la CSN ne fait pas, encore, un appel clair à voter PQ, sa logique politique du moindre mal lui sert d’horizon politique, horizon politique dans lequel une véritable autonomie politique de classe est sacrifiée.
La position d’Henri Massé de la FTQ a le mérite de ne pas y aller par quatre chemins : « Si on se compare à nos voisins au Canada et en Amérique du Nord, en particulier à l’Ontario, je dois vous dire franchement que le bilan du gouvernement péquiste est, somme toute, un bon bilan. La position de la FTQ est de défendre l’actuel consensus social entre les directions et le gouvernement péquiste. Le danger que représente l’ADQ, c’est la remise en cause de ce consensus. » Henri Massé le dit clairement : « il y a un certain consensus social qu’il ne faut pas briser au Québec, même les associations patronales le comprennent. Or, l’ADQ s’attaque à ce consensus et à la politique de présence de la FTQ auprès des gouvernements quels qu’ils soient. Tous les syndicalistes doivent donc « faire le travail politique nécessaire auprès de nos membres, sur le terrain, pour leur expliquer les implications bien concrètes d’une élection de l’ADQ ». ».(Site Web de la FTQ, 08/12/01).
Somme toute, dans le discours de la direction de la FTQ, on ne retrouve pas l’ombre de l’ombre de la nécessité d’une alternative politique à Québec. C’est une déclaration de satisfecit face au PQ, rien de plus. Les bémols apportés par son bilan de la politique gouvernementale ne remettent nullement en cause cette orientation. Que le gouvernement péquiste ait coupé dans l’éducation et la santé, qu’il se soit attaqué aux personnes assistées sociales, qu’il ait mis de l’avant une fiscalité en faveur des entreprises et qu’il ait participé à une redistribution de la richesse en faveur des plus riches, qu’il ait laissé les entreprises multinationales faucher les forêts du Québec et l’agrobusiness polluer la province, la direction de la FTQ n’a rien à dire là-dessus, cela compte moins que le modèle de gestion politique du PQ qui fait une place à la concertation sociale, même si cette concertation sociale a coûté très cher aux travailleuses et travailleurs du Québec à bien des égards. La position de la FTQ, elle, vise à rejeter toute légitimité à la construction d’une alternative politique ; c’est la position du moindre mal élevé au niveau du principe : « Je préfère un parti du centre-gauche, mais je préfère encore le centre-droit à la droite radicale » d’affirmer Massé.
L’Aut’journal ou la stratégie de la rupture inachevée
On ne peut assimiler la position de l’Aut’journal à celle de la FTQ qu’en tournant les coins ronds. L’Aut’journal ne rejette pas la construction d’une alternative politique au PQ. Il affirme même qu’il faut construire une nouvelle coalition des forces souverainistes et progressistes et que le PQ ne peut être le cadre de cette coalition, mais il doit, encore, en être partie prenante. L’autonomie politique de classe n’est pas encore à l’ordre du jour ; plus une coalition souverainiste et progressiste peut intégrer le PQ.
Pourtant, l’indépendance politique des classes ouvrière et populaires ne pourra se concrétiser dans le cadre d’une alliance avec le PQ car cette alliance est justement au fondement de la non-organisation politique des classes ouvrière et populaires au Québec. C’est une orientation qui conduit la lutte pour l’indépendance à l’impasse car cette dernière ne saura s’assurer une majorité importante que si elle est liée à une lutte pour ne société qui fait de la solidarité sociale et de l’égalité un axe essentiel. Voilà ce qui nous sépare de la position de l’Aut’journal.
Et le débat sur la politique d’alliance est important car l’opinion dominante dans les différents courants qui traversent de larges couches de la gauche sociale c’est qu’il n’est pas temps, encore, d’entreprendre la construction d’un parti politique progressiste de façon complètement indépendante de tous les partis politiques liées d’une façon ou d’un autre aux classes dominantes de cette société.
Tant que la gauche restera prisonnière du bloc social national dominé par le PQ, l’heure de la construction d’un parti politique progressiste, comme l’UFP, ne sonnera jamais !
On ne peut répondre à stratégie d’alliance dominant le mouvement ouvrier et populaire, - dans le mouvement de femmes et les autres mouvements sociaux, la situation est moins évidente - en cherchant à gommer les différences politiques entre les différents partis politiques de droite, comme tente de le faire le texte du camarade Bonhomme.
S’il faut éviter d’exagérer les différences entre les différentes partis politiques, il faut également éviter de les présenter comme du pareil au même. Car, l’obstacle principal à l’autonomie politique de classe, c’est le bloc nationaliste dominé par le PQ. Et c’est du point de vue de cette autonomie qu’il faut se placer. Notre position postule plutôt qu’il n’y a pas une différence qualitative entre les différents partis néolibéraux en ce qui a trait à la modification du rapport de force entre classes dans l’éventualité de leur prise du pouvoir ; que ce qui est déterminant du rapport de force entre classe, c’est l’existence d’un parti politique progressiste implanté, la rupture avec le concertationnisme et la mobilisation des organisations ouvrières, populaires, féministes, jeunes, écologistes sur leurs propres bases .
Au niveau économique et social
Le PQ s’est construit sur la récupération d’aspirations sociales et nationales pour mieux les dévoyer par la suite. Le PQ au pouvoir a favorisé la construction des appareils de l’intervention économique et politique. Il a bâti une alliance avec les directions du mouvements syndical et des mouvements sociaux qui lui a donné depuis des décennies maintenant une assise relativement stable. Il s’est même servi de cette alliance pour associer les directions à son projet néolibéral de déficit zéro et de coupures dans les dépenses sociales, dans l’éducation et la santé.
Si le PQ a pu avancer dans cette direction jusqu’ici, c’est qu’il a su compter sur des alliances qui ont enfargé les capacités de ripostes des classes ouvrière et populaires. Le discours social-libéral avait comme principal objectif d’entraver les capacités de riposte et d’empêcher une véritable rupture politique qui aurait permis la mise en place d’un parti autonome représentant les classes subalternes de la société québécoise.
Le PLQ a suivi très rapidement le PQ dans le soutien au libre-échange ; il l’a soutenu dans sa politique du déficit zéro. Il l’a soutenu dans ses politiques contre les personnes assistées sociales. Il a favorisé un néolibéralisme plus conséquent et dénoncé continuellement ses politiques interventionnistes.
L’ ADQ veut porter à ses conséquences logiques, la gestion néolibérale de la santé, de l’éducation, de l’environnement déjà bien entamée par le PQ. Mais la possibilité pour un parti néolibéral de mener à bien cette tâche, relève moins des intentions de politiciens que du rapport de force concret entre classe. L’ADQ intéresse surtout certains secteurs de la bourgeoisie qui ne croient pas que dans le rapport de force actuel entre classes il soit nécessaire de donner une place à des représentantEs de classes subalternes. Le programme de l’ADQ ne fait que promettre à ces secteurs de la bourgeoisie de mettre fin de cette approche de concertation et promet une politique de confrontation avec le mouvement syndical.
En fait, le rapport de force entre classe ne sera pas déterminé par les déclarations tonitruantes de Mario Dumont, par l’appui à un « allié comme le PQ » qui veut, encore une fois, utiliser le mouvement ouvrier, comme d’un marche pied vers le pouvoir, où il a son propre agenda, qui est celui de l’expansion de la bourgeoisie québécoise dans le cadre de la ZLÉA. Ce sont les places sociales fournies par la politique de concertation aux élites d’en bas qui sont la base matérielle de la stratégie d’alliance actuellement dominante, base qu’on essaie de masquer par des comparaisons superficielles avec l’Ontario.
C’est ne sont pas les différences de discours qui sont les plus importantes ; c’est une politique d’alliance qui paralyse les capacités de riposte des classes ouvrière et populaires, qui ne remet pas radicalement en question l’agenda néolibéral du PQ. Cette orientation ne bloquera pas mais encouragera le PQ à approfondir son orientation néolibérale parce que le mouvement ouvrier et populaire se sera défini politiquement comme prisonnier du bloc nationaliste et du style de gestion politique du PQ. Voilà le danger principal.
Au niveau de leur rapport à la question nationale
Affirmer que « même la question nationale ne différencie pas les trois partis néolibéraux », et que les trois partis sont des partis néolibéraux fédéralistes, c’est se situer du point de vue de Sirius, d’un point de vue qui refuse de chercher à comprendre pourquoi ces différences existent aux yeux des masses et que ces formes de conscience sont déterminantes de leurs choix politiques et de leurs ruptures possibles.
Il est vrai de dire, que le PQ refuse de mener une politique d’affrontement avec le fédéral, qu’il a une utilisation manipulatrice de la perspective souverainiste. Toute la saga sur les perspectives référendaires dans 1000 jours se combinant à la « théorie des conditions gagnantes » montrent à quel le point le PQ s’est emberlificoté dans ses tactiques manipulatrices. Il est radicalement en crise sur le terrain de la lutte pour la souveraineté.
Pour sa part, le PLQ, durant cette même période, a été le Parti inféodé au Parti libéral du Canada. C’est ainsi qu’il a été amené à perdre ses ailes nationalistes, scission de 68 qui a permis la naissance du PQ et puis celle de 1992 qui a donné naissance à l’ADQ en 1994. Sa base stable, il la retrouve dans les comtés qui sont à majorité anglophone ou allophone, et il tire de la patte chez les francophones à cause de son fédéralisme inconditionnel, de son incapacité à développer une quelconque plate-forme de réforme du fédéralisme car elle serait aussitôt désavouée par le fédéral. C’est sur cela que repose le fondement de sa crise sur la question nationale.
L’ADQ en remettant la question nationale aux calendes grecques va peut être s’attirer les bonnes grâce de la bourgeoisie québécoise, pour ne pas parler de la bourgeoisie canadienne, mais ce sera là aussi son talon d’Achille. Et le PQ, la bien compris, qui table encore sur la démagogie souverainiste pour soutirer les nationalistes québécois de l’emprise de l’ADQ.
Identifier les trois partis politiques en se contentant de dire que les trois partis acceptent le cadre canadien, s’est refuser d’essayer de comprendre la force de l’emprise du PQ, les conséquences de sa crise stratégique et les problèmes structurels du PLQ. C’est également s’empêcher de comprendre que la position de l’ADQ sur la question nationale sera rapidement intenable et introduit un facteur de crise en son sein
Il y a bien une crise de l’ensemble des partis bourgeois sur la question nationale. Encore faut-il en déterminer la forme pour essayer de comprendre sa dynamique d’évolution. Parler de trois partis néolibéraux fédéralistes, c’est peut-être vrai en dernière instance, quand on a fait abstraction de tout ce qui fait la politique concrète. Mais cette vérité abstraite ne peut qu’induire des erreurs de méthode. Et ce n’est pas la mobilisation du mystère de la Sainte-Trinité qui peut nous éclairer le moindrement du monde. En fait, le texte en est réduit à expliquer l’existence des différents partis, - qu’il avait auparavant réduit à une seule réalité -, que par une effort de manipulation.
Il n’y a pas de dépassement possible de la crise des partis bourgeois face à la question nationale du Québec car ce dépassement ne pourra être le fait que d’un parti de classe, d’un parti qui articule étroitement la lutte pour l’indépendance à la lutte pour une société solidaire et égalitaire. Cette compréhension est essentielle pour la suite des choses.
Comment unifier la gauche politique et la gauche sociale ?
Le texte « Une droite et des gauches ou des droites et une gauche ? » s’interroge : Encore faut-il comprendre les raisons de ce divorce persistant entre gauche politique et gauche sociale. Deux erreurs stratégiques en sont la source, l’une provenant de la gauche sociale, l’autre de l’UFP. I
Ici aussi, parler en termes d’erreurs stratégiques de la gauche sociale et de l’UFP, fétichise des réalités politiques, leur prête des positions unilatérales et stables alors que l’on fait face d’une part à une organisation politique en définition et d’autre part, à une réalité très complexe et historiquement définie.
D’une part, le bloc nationaliste, l’alliance du PQ et des directions ouvrières ne s’est pas réalisé au moment de la montée du mouvement nationaliste extraparlementaire de masse à la fin des années 60 mais après que le PQ ait déjà hégémonisé le mouvement nationaliste et le mouvement syndical par dessus la tête des directions syndicales. Et qu’est-ce que cette histoire d’un mouvement intrinsèquement socialiste, qui se serait laissé si facilement récupéré par le PQ ? En fait, l’alliance s’est maintenue mais, elle s’est redéfinie plusieurs fois. Du soutien critique au PQ au ralliement à ce dernier au soutien au PQ comme moindre mal malgré ses politiques social-libérales, il y a eu toute une série de glissements dans le mouvement syndical qui a eu comme seule constante un refus systématique (bien qu’a une période cette position ait été défendue par une minorité significative du mouvement syndical) de travailler à la construction un parti politique des travailleurs et des travailleuses. Le gouvernement péquiste a joué la carte de la reconnaissance sociale des directions et a fait payer cher aux bases cette reconnaissance même s’il a dû faire quelques concessions réelles pour pouvoir maintenir une alliance effective.
Le texte souligne avec raison que ce qui risque de subsister aux réajustements de l’ADQ de son orientation politique c’est bien la marginalisation des directions des appareils syndicaux et populaires. Certains secteurs de la bourgeoisie croient effectivement que le rapport de force actuel ne nécessite pas cette concertation.
L’offensive patronale cette dernière année où dans nombre de conflits le patronat était en demande illustre bien la volonté du patronat de changer radicalement les rapports de force entre classe en affaiblissant le mouvement syndical. Mais l’importance de la riposte des travailleurs et des travailleuses (plus d’un million de jours-personnes perdus pour fait de grève en 2002) montre aussi que le patronat ne doit pas compter arriver facilement à ses fins. Le bon-ententisme stérile des directions désarme la combativité ouvrière et pave la voie aux projets du patronat.
Erreur de la gauche sociale ou processus contradictoire de son dégagement ?
Parler des « directions syndicale et populaire de la gauche sociale » est pour le moins confus. Les directions désignées sont celles des organisations syndicales et populaires. Mais tout ceci n’a rien à voir avec la gauche sociale ou avec ses erreurs, mais avec l’orientation des directions actuelles du mouvement ouvrier et populaire qui on pris depuis des décennies maintenant le train péquiste de la concertation, du syndicalisme investisseur, de l’économie sociale, des conseils d’administration divers quand ce ne sont pas leur place à des sommets économiques avec les élites financières et entrepreneuriales .
Qu’est-ce donc la gauche sociale ? Ce sont les militant-e-s qui dans le mouvement syndical, le mouvement populaire, le mouvement féministe, dans la jeunesse au fil de leurs luttes se sont détachés du train péquiste (ou qui sont en train de le faire ou qui ont toujours refusé de s’y attacher), et qui, pour cela, ont souvent rejeté la politique comme corruptrice, qui se sont rabattus sur la défense pied à pied des revendications sociales, sans avoir encore réussi, à ce jour, à construire une cohérence suffisante pour s’opposer à la ligne actuelle de leur direction. Cette gauche sociale comprend de plus en plus que la politique péquiste, y compris au niveau de la lutte pour la souveraineté, ne vise qu’à assurer le maintien de son influence dans la population, qu’elle est démagogique et manipulatrice mais qui ne voit pas, sur la gauche, se rassembler les forces suffisamment importantes capables de remettre en question l’orientation dominante dans les mouvements sociaux.
Le ressort principal dans le déblocage de la situation, c’est le parti, c’est le sérieux de la gauche politique capable de se construire et de donner une direction adéquate. C’est pourquoi la construction de l’UFP est si cruciale. Ce n’est que peu à peu, et seulement sur la base de ces expériences concrètes, à travers plusieurs étapes, que de larges pans de la gauche sociale dans un premier temps, puis de la population seront convaincus qu’un nouveau parti, plus digne de confiance est nécessaire et que sa construction doit être soutenu activement.
Le mode de dégagement de la gauche sociale de l’hégémonie péquiste, du bloc nationaliste, se fait à partir de ces organisations sociales et des luttes que ces dernières sont appelées à jouer. C’est pourquoi la lutte nationale est identifié à l’élite gouvernante et à ses alliés qui s’est révélé l’organisatrice de défaites à répétition et d’offensives anti-populaires qui ont vidé de tout contenu social la perspective d’un Québec indépendant. De là à conclure, que la lutte pour l’indépendance n’est qu’une voie de garage, il n’y a qu’un pas que d’aucuns franchissent allègrement alors que d’autres se contentent aisément de ne pas questionner de front ses perspectives.
Il faut éviter à tout prix de parler de parler d’erreurs de la gauche sociale et de la juger alors qu’il s’agit de comprendre le processus de son dégagement, de son mûrissement et de ses choix actuels pour mieux les appuyer ou les questionner.
Erreur de la direction de l’UFP ou état actuel de la réflexion du parti ?
D’abord pourquoi le texte cible-t-il la direction de l’UFP et désigne-t-il la position actuelle de l’UFP comme étant une erreur ? En fait le texte adopté au congrès indique bien que la position de l’UFP reflète l’état actuel de la réflexion dans le parti : « Les différentes composantes de l’UFP reconnaissent l’importance de la question nationale québécoise. L’UFP ne forme pas un bloc monolithique sur cette question ; la diversité de points de vue est un reflet de ce qui se passe dans l’ensemble de la gauche et des milieux progressistes québécois. Tous et toutes, au sein de l’UFP, s’accordent à dire que la solution à cette question nécessitera l’obtention de la souveraineté pour le peuple québécois. Ils s’entendent pour souligner le fait que la question nationale est liée à l’émancipation sociale. » Cet avertissement cerne beaucoup plus correctement la réalité de la situation de l’UFP que la théorie des erreurs de la direction. C’est tout de même le congrès qui s’est entendu là-dessus faut-il le rappeler.
De plus expliquer le « divorce persistant entre la gauche sociale et la gauche politique » par une incompréhension de la « centralité stratégique de la question de l’indépendance » définie comme une erreur stratégique de la direction de l’UFP révèle d’une série de raccourcis qui laissent échapper toutes les particularités du réel.
La première élément qu’il faudrait expliquer, c’est pourquoi, non pas la seule direction, mais une claire majorité de l’UFP a adopté cette position. Il y a bien sûr l’hétérogénéité des composantes politiques qui ont formé l’UFP. Il y a aussi les formes que prennent la rupture de la gauche sociale avec le bloc nationaliste sous hégémonie péquiste. La gauche sociale s’est dégagée dans ses luttes contre la gestion néolibérale du gouvernement péquiste dans l’éducation et la santé, contre un gouvernement nationaliste qui s’est fait le promoteur du libre-échange et n’a fait que revendiquer une place aux négociations de la ZLÉA, contre un gouvernement qui a méprisé les revendications des femmes et qui s’est vanté d’offrir aux entreprises la fiscalité hautement concurrentielle avec l’Amérique du Nord Que cette gauche sociale ait donc tendance de jeter le bébé avec l’eau sale n’a rien d’étonnant.
En fait, au-delà même de la gauche sociale, comme l’écrivent Gilles Gagné et Simon Langlois « l’appui déclaré à la souveraineté du Québec résulte à la fois d’une augmentation observée dans certains groupements de la population québécoise qui lui sont traditionnellement défavorables et d’un recul appréciable qui se trouve justement concentré dans le groupement social porteur de ce projet (les francophones salariés actifs de 18 à 54 ans, ayant un revenu supérieur à 20 000 $ par année », soit, pour une bonne part, les travailleurs et travailleuses ayant un travail salarié. (in Les raisons fortes, nature et signification de l’appui à la souveraineté du Québec, PUQ, p. 147). Pourquoi donc, en est-il ainsi ? C’est des personnes du groupe, jadis le plus porteur de la souveraineté du Québec qui rompent avec un gouvernement (et son option) à cause de sa gestion néolibérale qui ont en frappé plusieurs de plein fouet.
Voilà le fondement matérialiste de la nécessité politique ressentie par les militantEs d’arrimer l’indépendance au projet de société. Il repose sur la volonté de marquer clairement la rupture avec le gouvernement péquiste et le bloc nationaliste. Accordons que la formulation est défensive, accordons également, que la remobilisation sur l’indépendance si elle sait s’articuler clairement à un projet de société au niveau national et international est possible et nécessaire pour lutter efficacement contre le PQ. Car l’objectif stratégique qu’il faut réaliser c’est le remplacement d’une alliance interclassiste sous la domination d’un parti nationaliste bourgeois et proimpérialiste par une alliance de classe dirigée par les classes ouvrière et populaires, autour d’un Québec construit comme une société égalitaire, féministe et écologique et solidaire des peuples opprimées.
L’autonomie politique de classe est donc au centre du combat. La lutte pour l’indépendance et contre l’oppression nationale passe par cette autonomie politique de classe, par la construction du parti. C’est sur ce point que nous devons insister. Ce n’est pas sur l’objectif de l’indépendance sans phrase qu’il faut insister mais bien sur l’articulation entre lutte nationale et lutte sociale, entre l’indépendance et le projet de société, voilà ce qui est impératif pour pouvoir parler à cette gauche sociale, les secteurs de la société les plus sensibles et les plus opposés à la gestion péquiste et néolibérale de la société.
Au lieu d’insister sur l’importance politique de lier la lutte pour l’indépendance à la lutte pour l’autonomie politique de classe, le texte de MB nous offre un amalgame qui ne peut que semer la confusion. : « Mais aucun responsable social ou politique n’est à l’écoute, du Conseil du patronat jusqu’au mouvement populaire en passant par le mouvement syndical comme de l’ADQ jusqu’aux anarchistes en passant par le PQ et l’UFP. » Mouvement syndical, mouvement populaire, PQ, anarchistes, conseil du patronat et UFP, tous dans la même poche, toutes classes confondues dans une approche singulièrement populiste. D’abord, les bourgeois et leurs partis au Québec ne sont pas des responsables sociaux et politiques du peuple. Ils ne sont responsables que devant leur classe et ils assument leur travail. L’UFP assumera le sien, si elle sait montrer que la rupture avec le PQ et le bloc nationaliste ne doit pas conduire à rejeter la lutte pour l’indépendance et que le parti réussit à convaincre qu’il faut articuler cette dernière à un projet de société.
Parler « d’un peuple de gauche qui tend spontanément vers
l’indépendance » relève d’une pensée essentialiste qui ne nous aide pas du tout à comprendre la complexité de la situation actuelle. Ajouter que le « peuple québécois garde instinctivement le sens de l’histoire », c’est tomber dans l’atavisme, dans la notion d’hérédité des idées, ce qui ne peut avoir comme conséquence que de sous-estimer la nécessité de la lutte politique et de nous conduire à rompre avec une compréhension
matérialiste de l’histoire.
Prendre au sérieux la lutte pour l’indépendance, c’est aujourd’hui penser l’articulation de cette lutte avec celle pour l’autonomie politique des classes ouvrière et populaires. Penser l’articulation entre lutte pour Québec solidaire et égalitaire ne pourra se faire qu’en rompant avec le projet d’un Québec élitiste et favorisant l’exclusion sociale et la polarisation de la richesse au sommet.
Un autre Québec est possible ! Un Québec indépendant et égalitaire !
Un autre Monde est possible ! Un monde solidaire et internationaliste !