Montréal, le 29 février 2004
Pour la Coalition Solidarité Santé, la population québécoise aurait tort de croire que l’adoption des lois 25, 30 et 31 a pour but d’améliorer la qualité et la continuité des services à la population, elle vise plutôt à ouvrir la porte à la privatisation. C’est ni plus ni moins que le plan de réingénierie en santé, plan de privatisation tout aussi inacceptable que les autres mis de l’avant par le gouvernement Charest, précise Marie Pelchat, porte-parole de la Coalition Solidarité Santé.
"La restructuration proposée par le ministre Couillard est une réforme antidémocratique, précipitée, qui n’a ni l’appui des directions des établissements concernées, ni celui des conseils d’administration actuellement en poste, ni celui des Forum de la population, ni celui des groupes de femmes et des groupes communautaires. D’ailleurs, 75 % des répondants-es au sondage du ministre Couillard sur le site Internet du MSSS sont d’avis que le but de la réforme n’est pas l’amélioration des services à la population.
Cette réforme est aux antipodes de ce qu’avait promis le Parti libéral : d’être le gouvernement de la santé ", ajoute Mme Pelchat.
Les directions d’établissement sont critiques
Pour Clermont Racine, directeur général de la Clinique communautaire de Pointe St-Charles, "les instances locales des réseaux locaux de services intégrés seront des établissements qui offriront un minimum de services : le panier de services n’inclut pas les services médicaux courants ; les budgets seront révisés à la baisse en fonction d’un per capita à déterminer ; l’accessibilité sera réduite aux clientèles à risque et vulnérables et finalement, l’universalité des services sera sacrifiée. Le mandat des instances locales sera surtout celui d’un " broker " dont le rôle principal sera d’établir des contrats de sous-traitance avec les entreprises privées et les groupes communautaires qui offriront des services sur une base locale et régionale".
Outre les orientations fondamentales mises de l’avant par le gouvernement Charest qui sont hautement contestables, on ne peut dire que le processus n’a guère été plus satisfaisant souligne M. Racine. "Contrôle d’information et consultation réduite caractérisent le processus en cours : les objectifs ont été déterminés par le ministre et quelques cadres supérieurs qui partagent sa vision de la santé. Les autres employéEs et décideurs du réseau ont le " mandat " d’appliquer ces orientations. L’information disponible n’a pas circulé dans l’ensemble du réseau. Il n’y a eu aucune implication des employéEs du réseau (des cadres intermédiaires aux intervenants) dans la démarche de redéfinition des structures. L’information a été contrôlée et diffusée au minimum en exigeant des cadres supérieurs une " devoir de réserve " dans le sens de ne pas critiquer publiquement les orientations du ministère".
Des reculs sur toute la ligne affirme une présidente de CLSC
La population québécoise aurait toutes les raisons de s’inquiéter des reculs que signifieront les fusions forcées des CLSC, précise la présidente du conseil d’administration du CLSC de Châteauguay, Mme Sylvie Gaudreau.
Le gouvernement s’apprête à mettre la hache dans des établissements de première ligne allant ainsi à l’encontre de toutes les études qui indiquaient que pour restructurer le réseau de la santé et améliorer l’accès et la qualité des services, il fallait miser sur la première ligne. Même la Commission Romanow encensait la formule des CLSC, il y a à peine un an. Les services sociaux, les services communautaires et les services préventifs seront, à toute fin utile, réduits à néant au profit de la vision hospitalière et curative quoi qu’en dise le ministre Couillard pour rassurer la population et les conseils d’administration.
Cette réforme n’est pas qu’autoritaire, elle est également antidémocratique, souligne Mme Gaudreau. En fait, quand on décode le message gouvernemental, on se fait dire que les citoyennes et des citoyens, même si ce sont eux qui se paient ce système, n’ont plus à participer à la définition des orientations pas plus qu’à la gestion des établissements. Toutes les personnes qui, comme moi, ont été élues par la population pour participer activement à la gestion de leur CLSC se font montrer la porte. C’est inadmissible et ce serait irresponsable de laisser le gouvernement aller de l’avant, ajoute-t-elle.
Le Forum de la population de Montréal sceptique
"La loi actuelle oblige les agences régionales à consulter le Forum de la population constitué pour faire entendre la voix des citoyennes et des citoyens. A Montréal, une première discussion a eu lieu et le moins que l’on puisse dire, c’est que les citoyennes et les citoyens sont sceptiques et qu’ils se questionnent ", précise Carol Robertson, membre de ce Forum.
Nous ne sommes pas dupes, précise Mme Robertson. "Nous avons très bien compris que l’objectif gouvernemental est de faciliter la mise en place des partenariats privé/public qui introduira la notion de profit et signifiera vraisemblablement l’appauvrissement des services publics et celui des travailleuses et des travailleurs de ce réseau. Le gouvernement veut procéder et il veut le faire rapidement. Dès le 30 avril, les agences régionales devront avoir terminé la mise en place des réseaux locaux, quoi qu’en disent les travailleuses et les travailleurs et quoi qu’en disent les représentants-es de la population."
Pour Mme Robertson, "la réforme Couillard est une autre réforme sans garantie mais surtout une réforme qui a tout pour inquiéter et rien pour rassurer"
Les groupes de femmes et les groupes communautaires guère plus enthousiastes
Mme Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec, rappelle d’entrée de jeu que près de "800 groupes de femmes et groupes communautaires ont demandé en décembre dernier, au ministre Couillard, de retirer ce projet de loi. Le ministre a choisi d’ignorer leur demande et de l’adopter envers et contre tous. Pourtant, aujourd’hui, le ministère écrit partout que les groupes communautaires sont "des partenaires incontournables des réseaux locaux".
Il est surtout incontestable que le ministère de la Santé et des Services sociaux compte utiliser les groupes communautaires, sans leur consentement, comme des sous-traitants à rabais des services publics dont il veut se décharger, détournant ainsi la mission de groupes citoyens qui avaient été mis sur pied pour donner la parole aux sans-voix.
Mme Asselin note également que "dans cette réforme comme dans toutes les autres mises de l’avant par le PLQ, ce sont des femmes qui, au premier chef, paieront la facture de la réingénierie. "Les femmes représentent plus de 80 % des travailleuses du réseau de la santé dont les emplois seront précarisés, plus de 80 % des travailleurs du communautaire sur qui le gouvernement va se décharger, plus de 90% des aidantes qui devront assumer privément les conséquences des coupures de services qui découleront de cette réforme et la majorité des usagères des services sociaux et de santé qui verront leurs services se faire amputer".
"La réforme Couillard est indéniablement une menace à l’autonomie des groupes communautaires et à l’égalité des femmes", conclut-elle.
Un débat social s’impose
Le Parti libéral n’a jamais reçu le mandat de privatiser, de commercialiser les services sociaux et de santé ou de saborder les CLSC ou l’autonomie des groupes communautaires. Pour soutenir le débat social qui s’impose, la Coalition rendra disponible, dès la semaine prochaine, un bulletin d’information citoyen qui sera distribué un peu partout au Québec. Partout, la Coalition incite les citoyennes et les citoyens à participer à une résistance active contre la réingénierie des services sociaux et de santé en participant notamment aux consultations publiques des agences régionales et en interpellant les conseils d’administration toujours en poste dans les CLSC. Pour la Coalition, il ne fait aucun doute que le Parti libéral du Québec n’a ni le mandat ni la légitimité pour être le fossoyeur du système québécois de santé.
Le gouvernement doit reculer sur les fusions forcées et s’engager résolument dans le respect des instances démocratiques, conclut Marie Pelchat, porte-parole de la Coalition.
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Source : Marie Pelchat, 480-7550 (514)