Deux articles sur le congrès de Québec Solidaire qui a eu lieu du 20 au 22 novembre.
Tiré du site PTAG
mardi 24 novembre 2009
Québec solidaire : un parti indépendantiste, souverainiste mais surtout féministe
par Marie-Ève Duchesne
C’est le week-end dernier que Québec Solidaire entreprenait un premier travail colossal concernant l’adoption des premiers enjeux qui constitueront le programme du parti. Laïcité, indépendance, souveraineté et féminisme étaient à l’honneur !
Ces grands enjeux de notre société québécoise ont été débattus avec ferveur par les militants et les militantes présent-e-s lors du Congrès. C’est donc par majorité que le Congrès a décidé des premières couleurs données à son parti.
Mais ce qui attire l’attention et la particularité de ce programme, c’est bien l’aspect féministe mis de l’avant par les militantes (surtout) qui par le passé avait toujours été considéré comme transversal, mais souvent oublié dans les propositions concrètes. Ainsi, nous pouvions enfin entendre une analyse féministe derrière l’idée de l’indépendance ou de la souveraineté quant aux menaces canadiennes envers les droits des femmes. En effet, la menace sur le droit à l’avortement, les coupures fédérales dans les subventions liées aux groupes de femmes ne sont que quelques exemples bien concrets de la menace fédérale qui pèse encore sur les épaules des femmes. En ce qui concerne la laïcité, il est clair pour les militants et les militantes de QS que l’État est une institution laïque. Cependant, les agents et les agentes qui y travaillent conservent le droit du port des signes religieux tant et aussi longtemps que leur sécurité n’est pas compromise. Par ce débat, le Congrès a décidé de suivre une voie semblable à celle prônée par la Fédération des Femmes du Québec (FFQ) en se prononçant contre toute forme d’interdiction qui aurait pu exclure des femmes déjà marginalisées du marché du travail et en croyant fermemant qu’une interdiction n’est pas la solution. Enfin, la parité hommes-femmes dans les institutions démocratiques de l’État, ainsi que dans les conseils municipaux et les conseils d’administrations d’institutions publiques et politiques sera un principe fondamental au coeur du programme.
Québec Solidaire a affirmé haut et fort son désir d’égalité entre les hommes et les femmes lors de ce Congrès. Il s’agit d’un premier pas vers des solutions solides pour lutter contre les oppressions patriarcales.
Un congrès qui marque un nouveau départ !
Par Bernard Rioux
Le programme d’un parti politique de gauche, c’est cette compréhension commune de la situation, des actions et des tâches que le parti doit accomplir dans son objectif de transformation sociale. C’est un tel programme qui donne sa cohésion et sa force à un parti politique de gauche !
Le programme d’un parti politique ne peut s’élaborer que dans le cadre de débats démocratiques des différents secteurs et sensibilités politiques qui le constituent. Et les divergences qui traversent un tel parti sont les reflets de groupes sociaux, de classes, de genres qui vivent des expériences particulières et qui tirent des conclusions politiques de réflexions sur leurs expériences immédiates.
Les débats démocratiques visent, eux, à permettre aux membres du parti de s’arracher à des points de vue particuliers pour dégager les voies d’une résistance commune de différents secteurs de cette société à l’oppression, à l’exploitation et aux logiques irrationnelles d’un système qui détruit l’environnement.
Élaborer un programme d’un parti politique de gauche ne saurait en rien se réduire à aligner une série d’intentions d’un futur gouvernement. En fait, le programme est le produit des efforts de chaque membre du parti pour réfléchir et partager sur leurs expériences afin de tracer les voies de l’unification et du renforcement des forces populaires. Un programme d’un parti de combat ne contient pas seulement des revendications immédiates, il contient aussi des analyses, des commentaires, des polémiques contre les adversaires.
Voilà ce qui est le fondement de discussions programmatiques. Voilà pourquoi, ce sont des débats passionnés, des débats qui remuent, qui obligent à des cheminements rapides ou qui provoquent parfois des crispations douloureuses. La méthode que le parti met de l’avant est donc essentielle pour faire face à une tâche d’une telle envergure. Québec solidaire a réussi à relever le pari de donner la parole, de passer à travers le débat, de souligner les dissensus reflétant des expériences sociales et politiques hétérogènes. Il a su, face à ces réalités, dégager les voies de dépassement des divisions, vers une unité supérieure du parti.
C’est cette expérience de confronter des divergences réelles qui a été vécu dans ce dernier congrès. Cela a été vrai sur les questions de la laïcité, de l’indépendance du Québec, de l’articulation de la question nationale et du projet social. Cela a été vrai également de sa capacité d’articuler la volonté démocratique de secteurs populaires d’avancer vers une société égalitaire, juste et intégratrice et dans un même temps, de se donner des visées de transformation des institutions politiques. Nous pouvons donner comme exemple la combinaison de la réforme du mode de scrutin, de la décentralisation des institutions et de la généralisation de l’égalité de genre dans ces différentes institutions politiques, sociales ou économiques. On pourrait facilement sous-estimer l’ampleur des progrès réalisés dans ce premier congrès d’orientation de Québec solidaire. On pourrait affirmer comme le font assez superficiellement les grands médias que Québec solidaire a adopté dans le congrès qu’il vient de vivre quelques prises de position générales sur des sujets bigarrés ! Ce serait une vision bien superficielle des choses. Québec solidaire en plus de son approfondissement de la compréhension du réel où l’on conduit ses réflexions, a commencé à mettre au point des méthodes de débats politiques efficaces sur des questions complexes. Québec solidaire a commencé à pouvoir agir comme un creuset où s’esquisse des synthèses qui seront porteuses de ce rassemblement de la capacité d’agir ensemble et de jeter patiemment les bases permettant de forger la volonté de tendre vers des transformations sociales selon des pistes à préciser au fil des luttes.
Québec solidaire ne disposait pas d’un programme, pourtant, il a agi. Oui, mais avec ce congrès, il a su élever son horizon et donner une perspective historique à sa pratique. Désormais, Québec solidaire sait qu’il doit élaborer un programme qui lui permettra de faire face aux défis de notre époque, qu’ils soient de nature économique, écologique ou civilisationnel.
Québec solidaire a accompli beaucoup durant ce congrès. Mais, ce n’est qu’un premier moment de la longue marche de débats et d’expériences qui lui permettront de forger sa compréhension de différentes dimensions du réel et de nourrir ses convictions que le peuple du Québec est capable de se donner un pays et qu’il le fera pour autant que ce combat s’articulera à un projet de société égalitaire, écologiste et féministe.
Québec Solidaire continue l’élaboration de son programme. L’enjeu 2 des débats portera sur l’économie que le parti veut au service des besoins sociaux et sur les conditions d’une société écologique. Les débats devront donc permettre de déboucher sur une compréhension théorique de la société capitaliste actuelle et des voies de la résistance aux crises multiples dans lesquelles l’humanité est entraînée : crise économique, crise écologique, crise alimentaire, crise climatique…
C’est un débat majeur que le parti entame. Mais encore une fois, ses militantes et militants peuvent être persuadés que ce n’est qu’à partir d’une analyse rigoureuse qu’ils pourront esquisser des solutions et rallier les forces sociales qui sauront transformer les perspectives dégagées en projets précis.