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Congrès de fondation de l’UFP

Sens et importance

dimanche 23 juin 2002, par Bernard Rioux

Les 15 et 16 juin dernier, la gauche se donnait un parti unifié, l’Union des Forces Progressistes. Les chroniqueurs des grands médias ont vite fait de diminuer l’importance de l’événement et ont refusé d’y regarder même de plus près se contentant de nous resservir leurs vieux préjugés, encore une fois, en guise d’analyse. Il est important de tirer un bilan de ce congrès, moins pour y scruter les difficultés de la démarche sur lesquelles il faudra bien revenir - mais pour tirer au clair toutes les potentialités de ce moment fondateur.

Des militantes et des militants occupent le terrain de l’action politique

Ce congrès rassemblait des militantes et militantes de gauche du mouvement syndical, du mouvement des femmes, du mouvement populaire, du mouvement anti-globalisation, du mouvement étudiant, du mouvement écologiste. Se réunir à ce congrès, c’était reconnaître que le travail de résistance que chacun-e fait dans son milieu face à l’arbitraire patronal, au machisme, aux conditions de logement et de vie, aux irresponsabilités des grands décideurs face à l’environnement n’est pas suffisant. La gauche sociale souvent dispersée dans ces mouvements aspire à se rassembler car elle a identifié les principaux responsables des problèmes économiques et sociaux auxquels elle est confrontée. S’unir pour résister, cela a été souvent fait. On se rappellera les fronts communs et les nombreuses coalitions thématiques. Mais ce congrès de l’UFP était l’aboutissement d’une démarche qui portait plus haut les objectifs du combat quotidien pour la justice globale et pour une société plus égalitaire. Il s’agissait maintenant d’esquisser comment devrait être structurée une société construite pour la vaste majorité de la population. Ce congrès manifestait la nécessité de se relever les manches, pour faire connaître à l’ensemble de la population les possibilités de faire autrement. Ce congrès manifestait une confiance renouvelée de la gauche dans sa capacité d’offrir une alternative et de faire le travail de conviction nécessaire auprès des couches les plus larges pour réaffirmer la nécessité de rompre avec les vieux partis soumis aux intérêts des puissants et reconstruire cette société sur de nouvelles bases. Des militantes et des militants des régions de Montréal, de Québec, de l’Estrie, de l’Outaouais, du Saguenay, du Lac-St-Jean, de la Montérégie, de la Mauricie, de Rimouski … ont partagé des débats et ont conclu dans l’enthousiasme à la possibilité de construire un nouveau parti.

Un programme radical, antinéolibéral, féministe, écologiste

Si le temps consacré à une véritable appropriation et à la discussion à la plate-forme politique proposée a été insuffisant, la nature des débats a rendu très clair que les différentes sensibilités politiques rassemblées à ce congrès de fondation s’inscrivaient dans le grand courant anti-néobibérale, féministe et écologiste qui s’est développée au Québec comme ailleurs depuis Seattle. Cette plate-forme marquait une rupture radicale avec l’approche démagogique et manipulatrice du Parti québécois qui se prétend à la fois le champion du libre-échange et un critique de la mondialisation capitaliste, qui est capable, dans un même temps, de se rendre à Porto Alegre pour se donner bonne figure et au Sommet des puissants tenu à New York pour réaliser de bonnes affaires. Mettre sur pied l’UFP sur un tel programme, c’est affirmer sa volonté de rompre radicalement avec le PQ et refuser les impasses où il a entraîné à plusieurs reprises la population du Québec.

Une discussion sur l’indépendance qui ne permet pas de tirer les nécessaires conclusions de cette option

La discussion sur l’indépendance du Québec en a été une de ralliement autour de cette perspective. En ce sens, cette discussion n’a pas été inutile. Elle a permis de conforter la base d’unité de l’UFP. Mais, elle n’a pas permis de tirer au clair les tenants et aboutissants des dimensions stratégiques de cette lutte. Même le caractère indissociable, dans la société québécoise, de la lutte pour la libération nationale et pour la libération sociale n’a pas été retenu par le congrès.

Et, le congrès n’a pas eu des débats suffisants, malgré le temps plus important consacré à cette question, pour vraiment expliciter que le jeu de PQ est exactement de faire le contraire de cette orientation : c’est-à-dire de séparer complètement la perspective indépendantiste de la lutte pour les revendications sociales de la population, de placer la perspective de la souveraineté dans la perspective de l’intégration du Québec dans la chaîne impérialiste nord-américaine et non dans une perspective de libération nationale et d’alliance avec les autres nations opprimées. Et, c’est pourtant là que réside la crise stratégique organique du Parti québécois qui ne s’est pas avéré ou ne s’avèrera pas un parti capable de mener la lutte pour l’indépendance jusqu’au bout. Défendre l’indépendance dans ce cadre, loin d’ouvrir la possibilité d’une quelconque alliance avec le PQ, pose l’obligation politique d’une rupture totale avec ce parti et la reconnaissance qu’il constitue un obstacle tant à la libération nationale et qu’à la libération sociale du Québec.

L’UFP, une organisation qui fédère des courants et vise à rassembler des organisations sociales

La démarche de l’UFP a été marquée par le
rassemblement dans le même cadre organisationnel de différents courants de la gauche politique du Québec : le Parti communiste du Québec, le Rassemblement pour une alternative progressiste, le Parti de la démocratie socialiste. L’originalité de la démarche, c’est qu’elle n’implique pas la dissolution de ces courants mais la reconnaissance de leurs héritages diversifiés et la reconnaissance de leur existence comme tendance au sein de la nouvelle organisation. Cela marque un pas important dans la gauche lui permettant de dépasser sa passion pour la démarcation et la défense des particularités de chacun des groupes. La discussion sur les statuts a également montré que l’ensemble des composantes étaient ouvertes non seulement à faire une place aux futurEs militantEs sans affiliation mais beaucoup ont rappelé que le développement de l’UFP allait faire de ces indépendantEs la composante la plus nombreuse de cette nouvelle organisation. Le caractère non-acrimonieux des débats a permis de constater que la gauche a connu une maturation politique dont elle pourra bientôt toucher les dividendes.

Il reste cependant que l’intégration des différentes composantes politiques dans l’UFP n’est pas un processus achevé. Les partis qui ont œuvré au lancement de l’UFP détiennent encore leur reconnaissance légale auprès du Directeur Général des Élections et il faudra bien dépasser cet obstacle si nous voulons véritablement un parti unifié et non seulement une simple coalition.

L’UFP, un parti des urnes et de la rue

Bien qu’il y eut tout une spectre de points de vue sur la signification de la définition de l’UFP comme un parti des urnes et de la rue, il n’en reste pas moins qu’il y a un large consensus pour ne pas réduire l’UFP à une simple machine électorale, que l’UFP est un parti de combat, un parti qui sera actif et solidaires des luttes quotidiennes pour la justice globale. .

La discussion sur les statuts a rendu clair que la circonscription électorale sera l’instance de base de l’UFP. C’est une structure essentielle à construire tant au niveau des exigences élémentaires pour un fonctionnement démocratique qu’une interface incontournable pour rejoindre des électeurs et des électrices sur une base territoriale. Et même si sa vocation est d’abord électorale, il ne faut pas croire, qu’une telle structure ne puisse permettre de s’insérer dans les luttes qui peuvent être menées au niveau du comté par différents groupes militants sur diverses problématiques.

Pour être un parti de combat, et pour ce faire, être liés aux différents mouvements sociaux, les statuts du parti prévoient que des syndicats, des groupes populaires, des groupes de femmes, des associations étudiantes, des groupes écologistes peuvent joindre l’UFP. Les statuts prévoient même que des organisations qui ne sont pas prêtes à devenir membre avec tous les droits et obligations peuvent devenir des membres affinitaires, avec un droit de parole mais sans droite de vote.

De plus, les statuts prévoient que des commissions peuvent être créées pour analyser la situation dans un mouvement social et encadrer l’intervention de l’UFP. Même si la possibilité de construire de telles structures au niveau régional et au niveau local n’a pas été prévue, cette possibilité n’est pas écartée. Déjà une commission femme a été créée pour réfléchir à aux liens à établir avec le mouvement des femmes.

Le congrès a mis en place les mécanismes nécessaires pour que l’organisation ait un fonctionnement démocratique : corps électifs à tous les niveaux, parité hommes-femmes dans les structures de représentation, droit de tendance... L’élection d’un exécutif qui a fait la place à tous les courants, aux femmes et aux jeunes laissent espérer que les militantes et militantes de l’UFP auront la sagesse et le doigté pour qu’un fonctionnement démocratique, formateur et intégrateur devienne la caractéristique essentielle de ce nouveau parti.

Faire du projet de l’UFP une réalité
Un défi qu’il nous faut relever !

Mais pour que tous ces acquis ne restent pas lettres mortes, des énergies considérables devront être dépensées et de vieux réflexes frileux dépassés. L’audace et l’esprit d’initiative devront inspirer tous les militantEs du Parti. Il s’agit maintenant, d’abord de nous préparer à parler au plus grand nombre et de faire de l’UFP un acteur incontournable sur la scène politique. L’essentiel du travail est donc devant nous. Les cris UFP-UFP-UFP qui ont été scandés à la fin du congrès concentraient dans ces trois lettres une volonté politique qui n’a pas fini de faire des vagues. Il faut que l’enthousiasme alors manifesté inspire l’enracinement de notre parti !

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