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Quelques constats sur le démembrement gatinois

vendredi 4 juin 2004

lundi 7 juin 2004, par Marc Bonhomme

1. Démocratie

a. La démocratie gatinoise ne s’est pas du tout améliorée avec la grande ville. L’actuelle direction municipale s’est plutôt signalée par son opacité et son arrogance.

b. Cependant, le fonctionnement davantage en clans des anciennes villes n’était guère plus favorable à la démocratie que le fonctionnement plus bureaucratique de la nouvelle ville.

c. Par contre, l’espace politique d’une grande ville réunit les conditions pour créer des partis politiques municipaux comme c’était le cas pour les anciennes villes de Montréal et de Québec (et comme ce l’est toujours pour les nouvelles). Or l’existence de partis politiques est l’abc de la démocratie car il permet habituellement la confrontation de programmes au moins partiellement différents.

d. L’existence de relativement grands quartiers pourrait permettre l’existence de « comités de quartier ».

i. Leur seraient dévolus des responsabilités de proximité avec budget à l’avenant en proportion de la démographie mais aussi d’un rattrapage conséquence d’une relative pauvreté.
ii. Ces comités, par l’intermédiaire d’assemblées générales ou de comités spécialisés, pourraient participer à la confection du budget de la grande ville.
iii. Ces comités pourraient aussi se doter d’une certaine dose de démocratie participative par l’intermédiaire de fréquentes assemblées générales décisionnelles, de coordinations révocables et de comtés de travail ouverts.

2. Équité fiscale et budgétaire

a. La grande ville fournit un cadre plus approprié pour harmoniser la taxation et la prestation des services même s’il est possible de retarder ou même de bloquer cette équité fiscale et budgétaire par des décisions politiques et pratiques administratives dans la mesure où la démocratie est déficiente.

b. La loi 9 ne résout que partiellement le problème de l’équité en rendant le conseil d’agglomération responsable de certains équipements et services collectifs. La qualité des équipements et services de proximité dépendra toujours de la richesse relative des villes démembrées (ex. Aylmer) et de la relative vétusté de leur infrastructure (ex. Masson-Angers).

c. L’anti-démocratisme criant de la loi 9 vis-à-vis la Charte des droits (les villes démembrées ne participeront pas à l’élection du maire du conseil d’agglomération) ne tiendra pas la route et ce sera tant mieux.

3. La question linguistique et nationale

a. Même si cet enjeu pour Gatineau n’a pas la même acuité que pour Montréal, il en est un pour le secteur Aylmer à cause de la présence d’une ancienne communauté anglophone, jadis majoritaire, à laquelle s’ajoutent de nouveaux venus ontariens attirés par le bon marché relatif de l’immobilier malgré une disparité fiscale qui, cependant, se rétrécit.

b. L’existence de ghettos linguistiques, en particulier de ghettos linguistiques relativement riches, ne crée pas des conditions favorables à la démocratie et à l’équité. Elle crée plutôt un espace géographique et sociologique clos - de petits Westmount - qui cherche à maintenir leurs privilèges souvent en utilisant des prétextes environnementaux, réels ou imaginaires.

c. En cas de crise nationale aigue, l’existence de telles enclaves, qui auraient un statut juridique à part, peut créer une dynamique scissionniste menant à des affrontements graves.

d. Face à la Commission de la capitale nationale (CCN) et au grand Ottawa, le grand Gatineau s’impose comme grande ville francophone, en autant que l’on ne la rendre pas bilingue, pour résister au fort courant assimilateur dans le cadre de la prétendue « Région de la capitale nationale ».

4. Les intérêts de classe

a. La grande ville est défendue, plutôt mollement cependant, par un spectre large allant des gens d’affaires aux directions syndicales.

b. Côté affaire, les entreprises moindrement importantes préfèrent avoir affaire à des services municipaux dotés des nécessaires compétences que seules peuvent s’offrir les grandes villes. Du point de vue des grandes entreprises, seules aussi les grandes villes seront en mesure de s’inscrire dans l’internationalisation des marchés publics que veut imposer l’OMC.

c. La fusion ne met cependant pas fin à la compétition des villes entre elles qui permet aux entreprises d’obtenir les meilleurs avantages au détriment des contribuables. Cette compétition se fera non pas entre les municipalités d’une même agglomération urbaine mais plutôt entre les villes-régions, les provinces et les pays.

d. La prise de position des directions syndicales ne se fait pas indépendamment de celle des élites régionales et des gens d’affaires. Cela est une erreur stratégique relevant de l’habitude de la concertation mais faite, du moins en partie, pour les bonnes raisons de démocratie, d’équité et d’égalité nationale. Mieux aurait valu, cependant, une coalition progressiste - le Réseau Vigilance par exemple - faisant campagne à part dans l’esprit « marcher séparément, frapper ensemble ».

e. Le démembrement est défendu, souvent farouchement, par une coalition tout aussi hétéroclite d’élites régionales perdantes, d’anciennes élites locales marginalisées, de petits commerçants, de minorités privilégiées et aussi par un grand nombre de gens des classes populaires.

f. Cette base populaire est révoltée à juste titre par le fonctionnement non-démocratique de la nouvelle ville (et le souvenir des fusions forcées) mais aussi par l’ensemble des politiques néolibérales des gouvernements supérieurs. Il s’agit surtout pour elle d’enregistrer un vote de protestation sans égard aux conséquences.