Du 28 au 30 juillet, Montréal sera l’hôte d’une rencontre mini-ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en préparation pour sa prochaine rencontre interministérielle qui se tiendra à Cancun, au Mexique, du 10 au 14 septembre.
Où en est l’OMC
Avec ses 146 pays membres, l’OMC est l’instrument de contrôle du commerce international le plus puissant dans le monde. L’OMC gère plus de 20 accords, dirige des négociations commerciales, supervise et impose la résolution de conflits commerciaux - une procédure secrète qui permet aux états de contester les lois des autres pays, sous prétexte qu’elles enfreignent les règles de l’OMC. La mise en application de ces accords mondiaux obscurs mine grandement la capacité des gouvernements d’appliquer des lois progressives en matière de santé, de sécurité, d’environnement, de droit du travail et de convention sociale. Ces ententes sapent également le droit des peuples de déterminer leur propre avenir. Il faut toutefois noter que ces accords ont étés adoptés par les États eux-mêmes, ce qui indique clairement leur rôle d’alliés du capital.
Depuis la rencontre de Seattle, les divisions entre pays riches et pays pauvres au sein de l’OMC ont rendu plusieurs négociations stagnantes. L’OMC fait ainsi face à une crise de crédibilité et de légitimité, au sein même de ses propres rangs. Des partisans du libre-échange comme le ministre canadien du Commerce, Pierre Pettigrew, affirment que la rencontre de Montréal est vitale : des "progrès" doivent être faits dans des domaines controversés comme l’agriculture et la propriété intellectuelle, afin que la rencontre de Cancun soit un "succès."
À qui profite l’OMC ?
La vision de l’OMC réduit tout et tout le monde à de simples commodités qui peuvent être achetées et vendues sur le marché. Elle considère le fossé grandissant entre les riches et les pauvres entre les pays et à l’intérieur de ceux-ci comme souhaitable et inévitable. Percy Barnevik, l’ancien président de la transnationale ABB, affirme : "Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe de compagnies d’investir où il veut, quand il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possible en matière de droits du travail et de conventions sociales."
Une charte des droits… pour les transnationales
Les accords de libre-échange et d’investissement aident les firmes transnationales à maximiser leurs profits et à minimiser leurs coûts en leur permettant de piller la planète où bon leur semble, laissant derrière elles des traces d’exploitation, d’oppression et de conflits. Les compagnies transnationales sont responsables des 2/3 des échanges mondiaux en biens et services. Les accords de l’OMC ont largement été rédigés par et pour elles.
Les négociations se font en secret, loin de la surveillance du public et sans aucun apport des millions de personnes qui voient leur bien-être et parfois même leur vie, menacés par les règles destructrices de l’OMC, en faveur des entreprises.
Nourrir la réflexion
Les entreprises et plusieurs puissants gouvernements occidentaux ont imposé les règles de commerce de l’OMC à l’agriculture. Alors que nombre de pays restent aujourd’hui dévastés par la Révolution verte des années 1970 et par près de 30 ans de réformes sectorielles, les entreprises préparent une nouvelle recette : les biotechnologies.
Daniel Amstutz, le négociateur américain à la tête de la délégation qui a donné naissance à l’accord sur l’agriculture de l’OMC (maintenant en charge de l’agriculture en Irak), a été le viceprésident du géant de l’agro-alimentaire Cargill. Ces colosses des biotechnologies sont les mêmes qui forcent l’entrée des OGM au Canada, obligeant les agriculteurs à utiliser leurs produits, tout en cherchant à contrôler les réserves de nourriture de la planète et à privatiser la nature. À Genève, des diplomates soutiennent que l’industrie pharmaceutique est en grande partie à l’origine de l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC). Cet accord protège les brevets et les profits des firmes de haute technologie, mais empêche l’emploi de médicaments génériques (moins chers) par les pays pauvres dans leur lutte contre les épidémies de sida, de malaria ou de tuberculose, plus particulièrement en Afrique.
Les racines locales de la lutte pour la souveraineté alimentaire
Alors que les enjeux de la sécurité alimentaire peuvent sembler lointains pour beaucoup d’entre nous, des milliers de gens au Canada se demandent d’où proviendra leur prochain repas. Certains groupes Montréalais tentent de faire de l’autosuffisance alimentaire une réalité locale. Par exemple, les Éco-initiatives mettent en place un réseau/x/ grandissant de jardins communautaires à travers l’Île. De plus, des comités régionaux de l’Union paysanne luttent pour les droits des paysans, ici et ailleurs. Le People’s Potato (la Patate du peuple) s’assure que les étudiants se nourrissent bien en offrant des repas végétariens sur le campus de l’université Concordia. Ces groupes et plusieurs autres se battent contre toutes les manifestations de l’ordre du jour des entreprises en matière d’agriculture, en mettant sur pied des alternatives locales aux systèmes de distribution de nourriture et en transmettant de l’information par l’éducation populaire.
Pour plus d’info : Éco-Initiatives - http://www.cam.org/~ecoini/ ; Union Paysanne - http://unionpaysanne.com/ ; Food not Lawns - http://www.tao.ca/~kev/new_website/about.html ; The People’s Potato - http://csu.tao.ca/sevices/potato.html/
Investir dans la destruction
La mondialisation capitaliste et la guerre sont les deux faces d’une même pièce : depuis le 11 septembre, les États-Unis et leurs alliés répètent que la guerre contre le terrorisme et l’appui au libre-échange (et ce, malgré le fait que les États-Unis protègent toujours leur industrie et leur agriculture domestiques corporatives) vont de pair. La militarisation et l’application d’une discipline de libre marché sont des outils pour rendre les pays accueillants pour les investisseurs étrangers, et pour réprimer toute critique de la guerre économique menée au nom du libreéchange. Elles sont les jumelles siamoises de l’impérialisme du XXIème siècle. On le voit clairement dans les mesures de sécurité et la violence étatique accrues contre les protestations à Seattle, à Québec, à Montréal et ailleurs dans le monde.
Alors que nous regardions les compagnies pétrolières, les producteurs d’armes et les entreprises de construction se débattre pour obtenir des contrats lucratifs pendant et après l’invasion de l’Irak, il devenait de plus en plus clair que la guerre génère des profits. Plusieurs des entreprises impliquées dans la guerre et la "reconstruction" en Irak, comme le géant de l’eau Bechtel (qui poursuit actuellement le gouvernement de la Bolivie pour avoir renversé la privatisation de son système public d’aqueduc), sont aussi derrière les tentatives de privatisation des réserves mondiales d’eau à l’aide d’accords comme l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Bechtel n’est qu’une des entreprises de guerre que l’on trouve dispersées un peu partout dans les rues de Montréal. Bombardier, CAE, Desjardins et Lockheed Martin sont d’autres gros noms qui profitent de la guerre et qui ont trouvé un refuge paisible dans notre ville.
L’essence de la résistance radicale contre la guerre
Pendant l’invasion de l’Irak, Montréal a connu ses plus grandes manifestations, sous l’invitation de la coalition Échec à la guerre. Des groupes locaux comme la NEFAC et Bloquez l’empire de Montréal, ont apporté une analyse plus radicale de la guerre, du capitalisme et de l’impérialisme au mouvement pour la paix. Bloquez l’empire a organisé plusieurs événements et actions dans le but de perturber et de nuire aux intérêts des acteurs de l’invasion de l’Irak, dont les entreprises qui entretiennent et profitent de la guerre, les symboles locaux de l’empire américain et les institutions canadiennes complices. Parmi ces actions : un blocage de l’ambassade des États-Unis, une marche contre l’occupation de l’Irak en appui à une action directe contre Esso, et un tour d’autobus du complexe industriel militaire de Montréal.
Pour plus d’info : NEFAC - http://nefac.northernhacking.org/, Block the Empire - bloquezlempiremontreal@resist.ca
Plus ça change, plus c’est pareil
Les programmes d’ajustement structurel (PAS) du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) ont causé des désastres environnementaux et social dans les pays du Sud. Cela s’est traduit par des coupures massives dans les dépenses publiques, dans la santé et l’éducation, par des privatisations forcées et par l’ouverture des économies locales et nationales aux firmes transnationales. La Commission européenne admet que l’AGCS "n’est pas quelque chose qui existe seulement entre les gouvernements. C’est d’abord et avant tout un instrument au profit du commerce".
Les institutions comme le FMI, la BM et l’OMC font la promotion d’un ensemble de réformes : contrôle minimal sur le commerce ; aucune restriction sur l’investissement étranger ; exportation illimitée des profits ; privatisation des capitaux et des services publics ; envahissement des marchés intérieurs par des importations moins coûteuses ; infrastructures financées et possédées par des intérêts privées opérant dans des marchés déréglementés. Parmi les aspects important de l’ordre du jour de l’OMC, on peut trouver l’abandon des secteurs de services aux lois du marché, y compris les services sociaux tels que l’éducation et la santé ; marché du travail plus compétitif (pas cher, non syndiqué) et flexible (temporaire, temps partiel, sous-traitance) ; liberté de circulation aux immigrants investisseurs, qui ne subissent aucun des contrôles dont sont victimes les travailleurEUSEs étrangerÈREs et les immigrantEs.
Divers gouvernements provinciaux et fédéraux au Canada ont adopté les mêmes politiques, avec des noms différents. Le PQ a eu son déficit zéro et le gouvernement Harris en Ontario, Ralph Klein en Alberta et Gordon Campbell en Colombie-Britannique ont tous suivi les mêmes recettes discréditées du libre marché. Maintenant, Jean Charest promet de faire la même chose, en commençant par ouvrir le réseau de garderies publiques du Québec au secteur privé. Cette forme de privatisation qu’est le partenariat avec l’entreprise privée dans les services publics ouvre la porte à une vente à rabais de la santé, de l’éducation, de l’eau et des autres services essentiels, aux transnationales. Les accords comme l’AGCS font qu’il deviendra impossible pour les gouvernements de revenir en arrière, une fois engagés dans un tel processus.
Pas de PAS !
Plusieurs groupes locaux et collectifs militants s’opposent à l’application des PAS au Québec, certains fournissant des services, d’autres dénonçant les politiques gouvernementales et passant à l’action. Par exemple, le Comité des sans-emploi et CLAC logement, qui font de l’action directe contre la crise du logement en organisant entre autres des squats. L’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) et la Fédération canadienne/s des étudiantEs luttent quant à eux contre les coupures massives en éducation, et la liste s’allonge…
Pour plus d’info : La CLAC - http://tao.ca/~clac, CFS-Q : http://www.education-action.net ; ASSÉ - http://www.asse-solidarite.qc.ca
Le pillage des terres et l’ouverture des frontières
Pour les peuples autochtones, la mondialisation néolibérale n’a rien de nouveau. Elle n’est que le nouveau visage du colonialisme. Les communautés autochtones continuent de résister au pillage des leurs terres, de leurs vies, de leurs ressources et de leur culture par les gouvernements coloniaux et les firmes transnationales. La lutte des Cris du Lubicon, au nord de l’Alberta, pour leur souveraineté face à l’industrie forestière et aux compagnies de gaz et de pétrole, et la résistance des Secwepemcs contre la construction sur leur territoire de la station de ski Sun Peak, de propriété japonaise, ne sont que quelques exemples. Ce colonialisme moderne est aujourd’hui facilité par des politiques d’économie de marché et des accords de libre-échange comme ceux de l’OMC.
Pendant que les entreprises et les gouvernements revendiquent les territoires des communautés autochtones, leurs politiques poussent également des millions de gens à migrer des zones rurales vers les villes où à aller vivre à l’étranger. Mais alors que les restrictions sur le mouvement des capitaux se font moins sévères, celles imposées aux personnes ordinaires sont renforcées partout dans le monde. La lutte des communautés immigrantes et des réfugiéEs au Canada est intimement liée aux injustices qu’entraîne la mondialisation capitaliste. L’Amérique du Nord est une forteresse fondée sur la dépossession des communautés autochtones de leurs terres, sur la fermeture des frontières aux réfugiéEs et sur la construction d’un empire économique violent, dont les armes de destruction massive incluent l’OMC.
Lutter contre la guerre ici
La campagne de Personne n’est illégal confronte et défie l’État canadien et ses politiques racistes contre les immigrantEs, les réfugiéEs et les peuples autochtones. À travers des actions concrètes en solidarité avec les luttes de ces derniers, Personne n’est illégal construit des liens entre les communautés en lutte pour leur autonomie et leur autodétermination, le Comité d’action en appui aux sans-statut algériens qui, malgré une répression violente de la part du gouvernement canadien, se bat depuis plus d’un an contre la déportation d’AlgérienNEs sans-statuts vivant à Montréal en organisant des marches, des occupations et des campagnes politiques, en est un exemple frappant.
Pour plus d’infos : Comité des Sans-Statuts AlgérienNEs- http://www.tao.ca/~sans-statut ; Personne n’est illégal - nooneisillegal@tao.ca
Un renard, gardien du poulailler !
Peut-on donner un visage humain à l’OMC ? Certains disent que les droits des travailleurEUSEs et l’environnement devraient être protégés par une clause spéciale dans les accords de commerce. Mais comment une institution qui promeut avec autant de zèle la déréglementation et la libéralisation au seul bénéfice du capital mondial, peut-elle réglementer d’une quelconque façon pour protéger les droits de la personne et l’environnement ? Pour ceux et celles qui luttent dans des organisations anti-capitalistes de la base, l’exploitation, la discrimination et la répression sont des conséquences directes non seulement de la mondialisation néolibérale, mais aussi du système capitaliste lui-même, et non pas des effets secondaires malheureux qui peuvent être atténués par une clause sociale.
Montréal et Cancun - le nouveau plan l’OMC, imposé d’en haut
La ronde de discussions sur le commerce mondial qui a donné naissance à l’OMC en 1995, s’est ensuite élargie pour couvrir des questions comme l’agriculture, les services (éducation, santé, eau) et les droits de propriété intellectuelle. Parallèlement, il y a aujourd’hui une pression croissante pour négocier une entente de l’OMC sur les investissements, à laquelle plusieurs pays du Sud s’opposent. Si un tel accord venait à voir le jour, les entreprises pourraient poursuivre les gouvernements (dans un tribunal secret) pour toute loi ou action qu’elles accusent d’avoir un impact négatif sur leurs profits actuels ou potentiels. S’appuyant sur le Chapitre 11 de l’ALENA (inclus également dans la Zone de libre-échange des Amériques), l’entreprise américaine UPS poursuit le gouvernement du Canada pour son service postal public (Postes Canada), l’accusant de maintenir une situation de monopole. Si les États-Unis et l’Union européenne obtiennent ce qu’ils veulent avec un accord de l’OMC sur les investissements, de telles poursuites se répandront comme une traînée de poudre.
Alors qu’elle prétend fonctionner démocratiquement, seuls quelques pays puissants - l’Union européenne, les États-Unis, le Japon et le Canada - dominent l’OMC et tentent de contraindre les gouvernements du Sud à se plier à leurs intérêts. La rencontre de Montréal illustre bien le processus anti-démocratique de l’OMC. Seuls les ministres de quelques pays soigneusement choisis ont été invités à y participer. Mais tout accord mis de l’avant à Montréal pourrait ensuite être présenté comme un fait accompli aux autres membres de l’OMC à Cancun.
Participez à la mobilisation contre l’OMC à Montréal !
Alors que Pierre Pettigrew affirme que "le phénomène de l’anti-mondialisation est complètement disparu", les populations à travers le monde continuent de se mobiliser et de s’organiser contre l’OMC et les autres moteurs de la mondialisation capitaliste. À Montréal, des centaines de milliers de personnes ont marché contre la guerre en Irak, mise de l’avant par les mêmes gouvernements et entreprises qui nous forcent à avaler leur libre-échange. Tout comme ils prétendaient que la guerre et l’occupation allaient libérer l’Irak, ils nous disent que le libre marché nous rendra libres aussi. Ils ont menti. Venez arrêter la guerre économique, ici, partout.
Pour des mises à jour occasionnelles, en français et en anglais, sur la préparation contre l’OMC dans la région de Montréal, abonnez-vous à la liste de courriel wto-montreal-announce en vous rendant à https://lists.resist.ca/cgi-bin/mailman/listinfo/wto-montreal-announce, ou écrivez à resisteomc@resist.ca et visitez notre site montreal.resist.ca