Suite à la lettre ouverte de Jean Charest, publiée largement dans les médias mardi le 14 octobre 2003, Bill Clennett de l’ADDS-Hull a décidé de rétablir les faits. Paragraphe par paragraphe ! Évidemment, sa lettre n’a pas eu la même couverture que celle du premier ministre ! La TROVEPO vous l’envoie aujourd’hui, en vous invitant à la faire circuler largement.
Le 21 octobre 2003 Réponse de l’ADDS à la lettre ouverte de Jean Charest Monsieur le Premier ministre, Il y a six mois que votre gouvernement a été élu et cette semaine l’Assemblée nationale a repris ses travaux. Le moment nous semble choisi pour faire le point avec vous sur les premières interventions de votre gouvernement et sur la direction inopportune que vous proposez pour la société québécoise, en particulier sur la question de la révision du rôle de l’État. Le Québec a fait un pas en arrière depuis six mois. Premièrement, vous avez coupé 209 million de dollars dans le budget d’aide sociale et un autre 22 million de dollars dans les programmes d’aide à l’emploi. Alors que la situation des personnes à faible revenu n’est pas facile, vous l’aviez empirée. Deuxièmement, vous n’avez pas donné suite à vos engagements concernant le rétablissement de la gratuité des médicaments et l’abolition des pénalités à l’aide sociale. Troisièmement, au lieu de proposer une amélioration du traitement des petits salariés avec une augmentation du salaire minimum votre gouvernement propose une augmentation du recours au salaire minimum en remettant en question l’article 45 du Code du travail. Aujourd’hui, le Québec est en train de régresser sur le plan social ; les coupures dans la protection sociale sont redevenues une grande priorité de l’État québécois, et il est de plus en plus compliqué pour les personnes à faible revenu de se loger convenablement un peu partout au Québec. Avec votre premier budget, vous n’avez pas alloué des fonds nécessaires pour le plan d’action de lutte contre la pauvreté prévu par la Loi 112. Au cours des prochains mois, vous voulez redéfinir les paramètres actuels de l’État pour le bénéfice des mieux nantis. Cet État a été conçu il y a 40 ans : avant la mondialisation néo-libérale, avant la mise en place de la plupart de nos programmes sociaux et services publics et surtout avant d’avoir atteint un niveau de richesse collective suffisant pour répondre aux besoins de toute la population. La remise à jour de nos politiques sociales est une nécessité largement admise depuis longtemps : « On ne peut pas faire un appel à la mobilisation de la société tout entière sur une question aussi fondamentale et aussi importante que la lutte à la pauvreté et dire : On va laisser les gens dans la situation où il faut qu’ils choisissent entre prendre leurs médicaments ou manger »1 Ces propos ne sont pas tirés d’un document de l’Union des forces progressistes, mais d’une intervention à l’Assemblée nationale par le député libéral de Laurier Dorion, M. Christos Sirros. La « réingénierie » proposée de notre État n’est pas une fatalité mais une question hautement idéologique dictée par la soif insatiable des intérêts financiers pour encore davantage de profits. Il s’agit d’un détournement des dépenses sociales qui est tout le contraire des valeurs de solidarité. Il ne s’agit pas d’améliorer l’État québécois, mais au contraire de lui faire perdre son lustre, son prestige et son sens de bien commun. Car à défaut de répondre aux besoins élémentaires de la population au point d’étouffement, nous payerons très chers en coûts sociaux… et le modèle d’un État solidaire deviendra une relique. L’année passée, le parti libéral du Québec a pris des engagements très clairs en matière de lutte à la pauvreté. Une première étape a été franchie au mois de septembre lors de son conseil général. Votre formation politique a complété ses engagements lors de l’étude du projet de loi 112 et pendant la campagne électorale. La crédibilité de votre gouvernement en matière de lutte à la pauvreté peut-être appréciée en fonction de cinq questions : Ces engagements (ou ces promesses) étaient-ils sincères ? Votre objectif de gagner les élections étant atteint, ont-ils perdu leur utilité ? Pensez-vous qu’en agissant autrement, les gens ne vont pas réagir ? Quelle est la réaction normale d’une population qui s’est faite avoir ? Êtes-vous prêt à assumer les conséquences d’une telle remise en question, ou ne vaut-il pas mieux corriger le tir ? Tout en vous incitant à réfléchir à ces questions, nous vous avisons que si vous persistez avec votre plan de « réingénierie » de l’État, la paix sociale sera perturbée au Québec. C’est ainsi que le recours à la sous-traitance, par exemple, engendrera de grosses frustrations chez les personnes dont le gagne pain est menacé. La résistance s’organise déjà et avec détermination. Les premières rencontres de concertation syndicale-populaire ont déjà eu lieu. Ces rencontres nous permettront d’élaborer un plan d’action qui guidera la résistance au cours des prochains mois. Graduellement, notre mobilisation prendra de l’ampleur. Il sera plus efficace. Nous allons assumer pleinement nos responsabilités en défendant les programmes sociaux et les services publics coûte que coûte. Il sera notamment question de la protection des frais de scolarité et des garderies à 5 dollars. L’État québécois doit demeurer une source de fierté pour nous tous et toutes. Sans surprise, les intérêts financiers qui bénéficient déjà du statu quo réclament davantage de privilèges. Encore une fois ils voudraient faire passer leurs intérêts corporatistes au-dessus des intérêts de la population en général. Les femmes et les hommes qui se sont battus pour des programmes sociaux et des services publics étaient des visionnaires. Ce n’est pas se montrer digne de leur œuvre, que de céder aux pressions de cette élite privilégiée. Lorsque les acquis sociaux sont attaqués, l’immobilisme devient synonyme de défaite. Nous n’accepterons jamais que le Québec recule. Le seul Québec que nous concevons est un Québec solidaire. Qui est capable de prêcher par l’exemple. Et qui est capable de répartir équitablement son abondance. C’est le Québec pour lequel nous luttons ensemble. Bill Clennett Pour l’Association pour la défense des droits sociaux de Gatineau
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Le 14 octobre 2003 Lettre ouverte aux Québécois Madame, Monsieur, Il y a six mois aujourd’hui que mon gouvernement a été élu, et dans une semaine, l’Assemblée nationale reprendra ses travaux. Le moment me semble choisi pour faire le point avec vous sur le travail que nous avons accompli et sur le travail important que nous accomplirons au cours des prochains mois, en particulier sur cette question de la révision du rôle de l’État. Le Québec a fait un pas en avant depuis six mois. Premièrement, nous avons repris en main les finances publiques. La situation n’est pas facile, mais elle est maîtrisée. Deuxièmement, nous avons affirmé nos priorités, qui sont celles des Québécois. Nous avons augmenté le budget de la santé de 1,3 milliard de dollars, et nous avons fait le plus important réinvestissement en éducation depuis 10 ans. Troisièmement, nous avons amorcé le repositionnement de notre État, qui s’ingérait beaucoup trop dans l’économie et dans la vie des entreprises. Aujourd’hui, le Québec est en train de redresser sa situation financière ; les Québécois sont en voie d’être mieux soignés ; l’éducation est redevenue une grande priorité de l’État québécois, et il est moins compliqué d’investir et de créer de l’emploi partout au Québec. Avec notre premier budget, nous sommes allés aussi loin que le permettaient les paramètres actuels de l’État dans l’affirmation de nos priorités. Au cours des prochains mois, nous allons redéfinir ces paramètres afin d’accroître et d’actualiser notre capacité de soigner, d’éduquer et de prospérer. Nous allons redéployer notre État. Cet État a été conçu il y a 40 ans : avant la mondialisation, avant l’informatisation, avant le vieillissement de la population et surtout, avant que les Québécois ne soient ce peuple conscient de ses forces et de son habileté à atteindre les plus hauts sommets dans tous les domaines de l’activité humaine. La remise à jour de l’État est une nécessité admise par la classe politique depuis longtemps : « … nous sommes parfaitement conscients des réactions que certaines de nos propositions risquent de susciter chez plusieurs groupes d’intérêt. Il reste que, au terme de cet examen, une évidence s’est imposée à nous, forte, indiscutable : cette rationalisation est nécessaire, inéluctable … »1 Ces propos ne sont pas tirés d’un document du Parti libéral du Québec, mais d’un rapport signé dès 1997 par l’ex-ministre du Parti Québécois, Joseph Facal. La modernisation de notre État n’est donc pas une question idéologique ou partisane, mais une nécessité qui nous est dictée par notre époque et ses enjeux. Il ne s’agit pas de nous détourner de notre mission sociale, mais tout au contraire de nous assurer de pouvoir continuer à l’honorer. Il ne s’agit pas non plus d’affaiblir l’État québécois, mais au contraire de lui redonner tout son lustre, tout son prestige et toute sa pertinence. Car à défaut de procéder à cette « rénovation » du Québec, nous tendrons vers un point d’étouffement où nous paierons sans cesse plus cher pour des services qui se détériorent… et le modèle québécois deviendra une relique. Au printemps, j’ai annoncé l’enclenchement de six grands travaux qui sont au cœur de la modernisation de l’État québécois. Une première étape minutieuse a été franchie le 30 septembre. Nous avons complété l’inventaire de chacun des organismes gouvernementaux, chacune de leurs filiales, chacun des programmes qui en découlent. La pertinence de ces organismes ou programmes sera débattue en fonction de cinq questions : Ce programme (ou cet organisme) répond-il toujours à une mission de l’État ? Atteint-il ses objectifs ? Pourrait-on l’offrir autrement et à moindre coût en préservant la qualité des services aux citoyens ? Quelle est la meilleure instance pour en assumer la prestation ? A-t-on les moyens d’en assumer les coûts, ou faut-il en revoir la portée ? Tout en débattant de ces questions, nous réviserons certaines lois pour actualiser le fonctionnement du Québec. C’est ainsi que nous permettrons le recours à la sous-traitance pour que nos hôpitaux ou nos villes, par exemple, aient la possibilité de livrer des services de qualité avec différents partenaires si cela peut se faire plus rapidement et à meilleur coût. Ce processus s’accomplira patiemment, mais avec détermination. Les premiers rapports des comités pilotant les grands travaux seront complétés en décembre. Ces rapports nous permettront d’élaborer un plan d’action qui guidera le redéploiement de l’État québécois au cours des prochaines années. Graduellement, l’État québécois deviendra plus efficace. Il sera moins lourd. Il rendra de meilleurs services à meilleur coût. Il assumera pleinement les responsabilités qui sont les siennes, comme la santé et l’éducation. Il saura déléguer à d’autres, aux municipalités, aux organismes communautaires ou aux entreprises privées, ce que d’autres peuvent faire mieux ou à meilleur coût que lui. L’État québécois sera plus que jamais une source de fierté pour nous tous. Sans surprise, les groupes d’intérêt qui bénéficient du statu quo, et devant qui le gouvernement précédent a reculé, font du bruit. Je leur demande aujourd’hui de faire preuve d’ouverture et d’avoir la grandeur de ne pas faire passer des intérêts corporatistes au-dessus des intérêts historiques du Québec et de tous les Québécois. Les femmes et les hommes qui se sont un jour levés pour faire naître un État et ses institutions étaient des visionnaires. Ce n’est que se montrer dignes de leur œuvre, ce n’est qu’assumer de façon responsable notre devoir d’État, que d’adapter nos façons de faire aux réalités du Québec d’aujourd’hui Lorsque le monde change, l’immobilisme devient synonyme de recul. Moi, tout comme vous, je veux que le Québec avance. Le seul Québec que je conçois est un Québec qui est grand. Qui est capable de briller parmi les meilleurs. Et qui est capable de réaliser les 7 millions d’ambitions qu’il porte. C’est ce Québec que nous bâtissons ensemble. -------------------------- 1 Joseph Facal, lettre d’introduction au Rapport du Groupe de travail sur l’examen des organismes gouvernementaux, septembre 1997. |