L’Armée zapatiste de libération nationale a fait sa sixième déclaration au mois de juin. Les zapatistes maintiennent entre autres leur « compromis de cessez-le-feu offensif ».
Le 1er janvier 1994, les zapatistes avaient envahi les principales villes de l’État du Chiapas dans le sud du Mexique. Mouvement principalement indigène, les zapatistes avaient alors fait une « première déclaration de la Selva Lacandona ». Celle-ci expliquait les principales raisons du mouvement insurgé. Les références au mouvement révolutionnaire n’ont jamais cessé d’être présentes dans ce mouvement, qui se revendique de Zapata, du Che, du « rouge et du noir, couleurs symbolisant la lutte des travailleurs en grève », mais aussi, avant tout, des communautés indigènes victimes du racisme et de l’exclusion à l’intérieur même du Mexique.
La première déclaration était une « déclaration de guerre » contre le gouvernement. Elle appelait la population à participer activement au soulèvement, dans le but d’instaurer un gouvernement libre et démocratique dans le pays, qui satisfasse les onze principales demandes du peuple (travail, terre, logement, éducation, alimentation, santé, instruction, indépendance, démocratie, justice et paix).
Ces derniers temps, les zapatistes s’étaient plus concentrés sur le Chiapas, avec la création des conseils de bon gouvernement. Ces conseils sont une sorte de pouvoir populaire mis en place dans les zones zapatistes. Celui-ci organise aussi bien la production (coopératives, artisanat) que la distribution des biens, l’éducation, la santé. Ce n’est plus ni le gouvernement, ni le FMI ou la Banque mondiale qui déterminent les besoins de la population, mais la population elle-même à travers ses conseils. En réalité, « il s’agit d’un processus où un peuple entier apprend à gouverner » (Marcos, Lire une vidéo, deuxième partie).
Mais pour les zapatistes, il ne s’agit pas de construire un modèle de société « en dehors du monde » et c’est dans ce sens qu’il faut comprendre leur sixième déclaration. Celle-ci rappelle qu’« un nouveau pas en avant dans la lutte indigène n’est possible que si les indigènes s’unissent aux ouvriers, aux paysans, aux étudiants, aux professeurs, aux employés... c’est-à-dire aux travailleurs des villes et des campagnes ».
Il ne s’agit pas vraiment d’un « tournant ». Les zapatistes ont toujours porté beaucoup d’intérêt sur ce qui se passait dans le reste du Mexique et dans le monde. En 1996 par exemple, ils avaient organisé une rencontre intercontinentale au cœur du Chiapas.
Mondialisation oblige, au Mexique comme ailleurs, les recettes libérales sont les mêmes. Les Mexicains doivent actuellement faire face à une « réforme des retraites », une « réforme de la sécurité sociale », à la privatisation de l’entreprise nationale électrique, et à des patrons qui menacent de délocaliser les usines parce que les salaires seraient trop chers !
Aux peuples du Mexique, les zapatistes proposent donc d’élaborer ensemble un « programme national de lutte, clairement à gauche et vraiment anticapitaliste et vraiment antilibéral », ainsi que les bases pour une nouvelle Constitution qui défende les intérêts des opprimés.
Les récentes manifestations, fêtant les vingt ans de la création de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) et les dix ans du soulèvement, ont démontré une fois de plus la popularité immense dont jouissent les zapatistes dans le pays. L’EZLN a toujours une « capacité de convocation » importante : lors de la marche que les zapatistes avaient organisée sur Mexico en 2001, ce sont plusieurs centaines de milliers de Mexicains qui les avaient accompagnés.
Ce n’est pas la première fois non plus que les zapatistes tentent de tisser des liens durables et étroits avec le reste de la société mexicaine. Une alternative combative et indépendante de l’État reste à construire au Mexique. Comme les zapatistes l’ont toujours reconnu, ils ne pourront pas la construire seuls. Mais ce qui est aussi sûr, c’est que celle-ci ne pourra pas non plus se construire sans eux.
(tiré de Rouge, LCR)