1. Le gouvernement Charest, changer les rapports de force entre les classes fondamentales de la société
Le gouvernement Charest s’est d’emblée attaqué aux acquis syndicaux et populaires. Tout cela s’est fait au nom du renforcement des capacités concurrentielles des entreprises sur le marché mondial. Cette offensive est parvenue à réduire les droits des organisations syndicales : amendements à la loi 45 favorisant la généralisation de la sous-traitance, négation du droit de négocier par l’imposition d’un décret. Cette offensive vise également à élargir les possibilités d’investissements en favorisant la privatisation des services publics, de la santé et de l’éducation par la mise en place de partenariats public-privé. Elle visait enfin à donner un coup de frein à la progression de la masse salariale en commençant par le demi-million de travailleuses et de travailleurs du secteur public et para-public en décrétant (loi 142) des salaires qui se situent en deçà des seuils des taux d’inflation prévus. Si ces salaires se situent à 11% en deçà de ceux que l’on retrouve dans le secteur privé, on peut imaginer la pression que cela va exercer sur les luttes qui vont être menées dans ce secteur.
Des gains ont été réalisées contre les couches populaires, particulièrement avec la loi 124 qui permet la réduction de la qualité des services éducatifs offerts aux enfants en garderies et ouvre aussi la voie à la privatisation des services de garde. En refusant d’utiliser la clause nonobstant sur la position de la Cour suprême concernant la possibilité de privatiser des secteurs des services de santé, le gouvernement Charest prépare de nouveaux reculs en ce qui a trait à l’accessibilité aux services de santé sur une base égalitaire. Le Manifeste pour un Québec lucide qui regroupait l’ensemble de la droite (nationaliste et fédéraliste) était ni plus ni moins qu’un soutien politique et idéologique à cette orientation qui correspond aux besoins actuels liés au renforcement de l’accumulation du capital.
Ce sont donc des gains importants que le gouvernement Charest a livré au patronat du Québec. Ces reculs posent des défis majeurs aux classes ouvrière et populaires, au mouvement syndical, au mouvement des femmes et à l’ensemble des mouvements sociaux en termes de revendications, de stratégies et de formes d’action qu’il faudra élaborer pour renverser le rapport de force actuel qui est en train de se mettre en place à l’avantage des classes dominantes.
2. En finir avec l’ancien mode de domination politique (le dit "modèle québécois)
Par ces attaques et par la nature des rapports qu’il tend à établir avec tous les secteurs organisés en dehors des différents paliers de l’appareil d’État, ce gouvernement cherche à réduire les espaces de démocratie citoyenne, à écarter les représentant-e-s de ces organismes et à en finir avec toute forme de délégation de pouvoir en leur direction. Il s’agit donc d’affirmer une gestion de plus en plus centralisée des affaires de l’État. Les consultations, quand elles existent tendent à se faire sur une base individualiste qui relève de stratégies de marketing. C’est tout le mode de domination politique qui faisait place à une concertation sociale, - qui a porté également ses problèmes particuliers sur les possibilités d’assurer pleinement la défense des intérêts populaires - qui est remis radicalement en question.
Le pari de ce gouvernement, c’est qu’il peut assurer un fonctionnement qui modifie les rapports de force entre les classes en faveur du patronat sans qu’il soit nécessaire de chercher une légitimité quelconque pour réaliser cet objectif. S’il paye cette politique de remise en question du modèle québécois de domination politique d’un discrédit important aux yeux de la population, le gouvernement Charest pense qu’en entamant les capacités de mobilisation des forces syndicales et populaires en leur faisant subir une série de reculs successifs, il pourra régner sans partage et imposer sans opposition véritable les objectifs patronaux.
3. Une volonté de réduire le Québec à une province active dans le cadre de la fédération canadienne
Le fédéralisme du gouvernement Charest participe de la volonté de dénationaliser la société québécoise. La réalité nationale du Québec et son droit à l’autodétermination ne sont même pas des revendications reprises par ce gouvernement qui ne demande pas de pouvoirs accrus et reconnus pour le Québec. Son fédéralisme asymétrique est une lubie qui n’a pas empêché Ottawa de continuer le processus de centralisation de l’État canadien. Jamais les fédéralistes au pouvoir à Québec n’ont été si loin d’une orientation visant à renforcer l’autonomie provinciale. Pas étonnant, que cet aplaventrisme ait suscité une réprobation générale qui est une des sources du maintien du soutien à la souveraineté du Québec au niveau actuel.