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La mondialisation arrive par la poste

par un membre de l’American Postal Workers Union

lundi 7 juillet 2003

Par Greg Poferl, agent commercial de l’American Postal Workers Union (syndicat des agents de la poste américaine) pour le secteur de St-Paul à Minneapolis. Traduction. Coorditrad, traducteurs volontaires (*)

Les échanges commerciaux internationaux ne sont plus limités aux biens de consommation, la mondialisation arrive par la poste.

Ou comment les nouveaux accords de libre-échange risquent d’entraîner la privatisation des services postaux.

Alors que le « plan de transformation » de l’administration Bush vise les services publics fournis par la poste et cherche à s’attaquer aux droits définis par la convention collective et acquis lors des grands mouvements de grève des services postaux des années soixante-dix aux USA, les employés des postes déjà en difficulté essaient de se mobiliser contre les futurs assauts consécutifs à la nouvelle génération d’accords commerciaux axée sur une économie mondialisée.

Un échange de services

L’automne dernier à Seattle, la NPC (National Presidents’ Conference) lançait une série de séminaires à caractère éducatif sur la mondialisation et sur la nouvelle vague d’accords commerciaux qui laissent présager des jours difficiles pour les travailleurs du secteur public et des services postaux. La NPC est un comité d’élus de l’American Postal Workers Union sans commune mesure. Elle donne aux présidents des syndicats locaux et à ceux des états l’opportunité de se réunir trois fois l’an pour discuter ouvertement des obstacles à venir et agir en conséquence.

Le 29 mars dernier, à St-Louis, la NPC organisait une journée de débat menée par Larry Weiss, le directeur de la Minnesota Fair Trade Coalition (rassemblement pour le commerce équitable du Minnesota). Il s’attacha à démontrer que la mondialisation, sous la forme d’accords de libre-échange, risquait de signifier la privatisation du secteur public et des services postaux.

Les nouveaux accords de libre-échange concentrent maintenant leurs efforts sur les services, notamment ceux procurés par les gouvernements. Deux séries majeures d’accords commerciaux en négociation risquent d’affaiblir les travailleurs du secteur public. En premier lieu, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), qui dépend de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et s’applique, outre aux USA, à 144 pays. En deuxième lieu, la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), une extension de l’ALENA (couvrant actuellement les USA, le Mexique et le Canada) à 31 pays supplémentaires du continent américain. Ces deux dossiers doivent être finalisés dans les derniers mois de 2004 pour être étudiés par le congrès américain en 2005.

Les services postaux en ligne de mire

Weiss est persuadé que l’AGCS et la ZLEA vont ouvrir de nombreux services gouvernementaux, au niveau fédéral, des états, régional ou municipal, aux offres d’acheteurs privés étrangers. Pour savoir quels services risquent d’être concernés, il propose d’observer ce que l’ Europe et les Etats-Unis, les acteurs principaux, ont l’intention d’y inclure.

Tous deux visent les services postaux.

Dans un grand élan réformateur, l’Europe espère incorporer la gestion des envois physiques de communications écrites munies d’adresses, quel que soit le médium employé. En un mot, la majorité des lettres et des colis serait affectée, peut-être même son ensemble. La position américaine (pour ce que l’on en sait, puisque jusqu’à présent les pourparlers ont eu lieu dans le plus grand secret) est d’y inclure les services de livraisons express.

Il faudra attendre 2004, une fois les négociations terminées, pour savoir précisément quels services postaux vont être affectés par le nouveau AGCS. Cela dit, les Etats-Unis et l’Europe étant les principaux acteurs de ses changements, il est probable qu’une part non négligeable des services postaux aux Etats-Unis sera concernée par ces accords.

Contester l’AGCS

À présent, personne ne sait si le train de réformes postales actuelles ou la série d’accords commerciaux à venir représente le défi le plus sérieux. En revanche, une question plus générale reste en suspens : quelles stratégies adopter pour contre-attaquer sur la scène nationale et internationale ?

La récente conférence du NPC faisait une place importante à des ateliers visant à élaborer des stratégies d’organisation et des techniques de mobilisation et d’éducation des membres de l’APWU (American Postal Workers Union : syndicat des agents des postes américaines) afin de leurs permettre d’utiliser des outils législatifs au niveau local et national.

Vu qu’il n’est pas toujours facile de saisir la mondialisation dans son ensemble, la NPC, aidée du Minnesota Fair Trade Coalition ainsi que des Labor Education Services de l’université du Minnesota, est en train de développer un programme de « formation de formateurs » dont le lancement est prévu pour le début de l’été.

La NPC croit essentiel de rattacher fermement l’éducation de ses membres aux stratégies d’action afin de contrecarrer les chantres de la privatisation du gouvernement américain et les escrocs internationaux.

La NPC souhaite élargir et approfondir la compréhension des membres de l’APWU sur les questions relevant des rapports entre mondialisation et privatisation. Elle cherche, parallèlement, à élaborer des méthodes d’ organisation et de création d’alliances en vue de relever le défi lancé : une pensée globale au sein d’une structure locale. Un élément clé de la formation est de donner aux membres la possibilité de dégager des solutions créatives à l’échelle locale et d’explorer diverses options stratégiques telles que l’élaboration de projets de loi ainsi que la mise en place d’un réseau de solidarité international, l’instruction du public et l’action direct.

Les nouveaux robber barons

En demandant à la base de se colleter à la mondialisation Weiss établit un parallèle historique avec les robber barons du début du XXème siècle qui faisaient peu de cas des travailleurs, des fermiers et autres citoyens. Il explique qu’à l’époque : « il n’existait pas de méthodes pour réguler l’attitude des corporations. La répression des syndicats était violente, il n’y avait pas de salaire horaire minimum, le travail des enfants était un vrai problème et la corruption touchait un grand nombre de politiciens ».

L’histoire du début du XXème tourne en partie autour de la bataille engagée par les citoyens pour réglementer un tant soit peu les corporations. Au bout du compte, le travail des enfants fût aboli, les organisations syndicales furent légalisées, on mit en place un salaire minimum et le président Theodore Roosevelt, qui parlait des « effets néfastes de l’accumulation des richesses », redéfinit le rôle public et politique du gouvernement comme « antitrust » : il contrôle, il limite, il casse les trop grandes concentrations de pouvoir économique privé.

De nos jours, parce que les économies nationales ont dû donner du lest face à une économie globalisée, Weiss nous met en garde : « Les corporations internationales se sont mises hors d’atteinte des contrôles nationaux. S’est ouvert une nouvelle ère des robber barons ».

Nous revoici donc à la case départ ! Avons-nous pour autant retenu la leçon du passé ? Sommes-nous prêt à mettre en place des alliances avec les travailleurs ici, aux Etats-Unis, et au-delà des frontières, avec les associations caritatives, avec la communauté paysanne, avec les environnementalistes et tout citoyen concerné qui veut bien se battre contre ces nouveaux robber barons affublés de leurs apologistes bien nantis du Congrès ? Pour Margaret Mead : « Ne doutons jamais du fait qu’un petit groupe de citoyens sérieux et dévoués à le pouvoir de changer le monde. C’est même la seule méthode qui a fait ses preuves ». Les membres de la NPC semblent, en tout cas, avancer dans la bonne direction.

Personne à contacter à propos de cet article : Marsha Niemeijer à [marsha@labornotes.org->http://ca.f215.mail.yahoo.com/ym/Compose?To=marsha@labornotes.org&YY=25620&order=down&sort=date&pos=0]

Publié en collaboration avec Labor Notes, un mensuel basé à Detroit, USA. Nous nous engageons à reformer et revitaliser le mouvement des travailleurs. Nous fournissons des informations sur le mouvement des travailleurs que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Nos informations sont centrées autour des activités de la base des travailleurs, des tactiques d’organisation innovantes, des diverses luttes de travailleurs de par le monde, des travailleurs immigrés, et des problèmes que certains responsables syndicaux préfèreraient garder sous silence.

Tiré du Grain de sable COURRIEL D’INFORMATION ATTAC (n°432) Mardi 01/07/03