L’Église catholique traite les maladies légères avec le sacrement de l’onction, et les maladies mortelles avec celui de l’extrême-onction. Le Parti des travailleurs (PT) brésilien est notoirement malade. Cette maladie nécessite-t-elle l’onction ou l’extrême-onction ? J’estime qu’elle relève de l’extrême-onction. À moins qu’il ne décide de changer de médecin et de prendre les remèdes appropriés. Curieusement, le médecin actuellement en charge du PT, le ministre des Finances, lui administre des médicaments inutiles qui provoqueront probablement son décès.
Qu’est-ce qui tue le PT et le conduit vers l’extrême-onction ? C’est la manière de traiter la plaie mortelle qui touche la grande majorité du peuple brésilien depuis déjà des siècles : le fléau de la misère et de l’exclusion. Au moins un tiers de la population vit dans des conditions inhumaines, à côté d’un groupe d’intermédiaires et d’un petit pourcentage de très riches qui accumulent les richesses. Le PT s’est proposé, il y a déjà 25 ans, de conquérir le pouvoir pour réaliser le changement nécessaire. Son candidat était le plus représentatif : fils du chaos social et survivant de la faim, charismatique, cordial, un « bon gars » comme il y en a tant dans le milieu populaire. Et il y est arrivé. Une victoire du peuple lui-même, qui a tellement attendu et qui a combattu encore davantage.
Et alors, a-t-il réalisé les changements promis ? Oh la la ! Il a réussi un exploit : transformer le Parti des travailleurs eu un « parti néolibéral des travailleurs », unique au monde. Il a non seulement adopté la macro-économie néolibérale, mais il l’a radicalisée, avec un taux d’iniquité sociale et environnementale préoccupant. Maintenant, on met en friche et on défriche hardiment, pourvu que cela rapporte des dollars. Non pas pour payer la dette sociale, mais la dette monétaire. Le gouvernement, plutôt que de s’occuper du peuple, gère les monnaies. Donc, dans ce type de macro-économie, ce ne sont pas les personnes qui comptent, mais les chiffres et les monnaies.
Admettons : beaucoup de bonnes choses ont été faites. Il y a dans ce gouvernement plus d’éthique et de transparence que dans tout autre gouvernement précédent. On n’a jamais vu autant de bandes corrompues démantelées. Les 26 millions de bénéficiaires de la Bolsa-Família sont passés de l’enfer au purgatoire, mais ils se sentent comme s’ils étaient déjà au ciel.
Mais ce qu’il faut avouer avec une certaine honte ne manque pas non plus : on aimerait recevoir un travail et non une aumône. En vérité, l’aide sociale ne représente que 5,5 % du total des dépenses sociales, alors que la plus grande partie du PIB est allouée aux banques, dont les bourses éclatent. L’erreur de cette politique sociale est là : elle est seulement distributive et en rien redistributive. Autrement dit, elle ne prend rien aux riches pour le donner aux pauvres. Les riches peuvent continuer à accumuler sans rien changer de leur voracité. Et satisfaits, ils applaudissent.
Le changement que nous attendions et méritions, c’était un plan Marshall pour le peuple. Oui, il fallait affronter la dévastation que la misère a produite pour le peuple au cours des siècles d’indifférence par un courageux plan Marshall économique, social et culturel. Le gouvernement a préféré être super-orthodoxe, écouter avec une attention dévote les leçons des pharaons du FMI et de la Banque mondiale plutôt que de manifester sa compassion pour la clameur des opprimés de notre Égypte.
Le PT a cessé d’être l’instrument du changement. Il prolonge la domination précédente en l’aggravant, parce qu’il utilise les symboles et la langue du libérateur Moïse. Il a encore le temps de changer. Sans quoi, nous allons appeler le prêtre avec les saintes huiles de l’extrême-onction. Et nous chanterons sur sa tombe le « Dies irae, dies illa » de la vieille liturgie funèbre de l’ancienne Église.
Leonardo Boff
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• Leonardo Boff : lboff@uol.com.br
(tiré de Rouge, hebdomadaire de la LCR- France)