Le PQ a perdu 9 sièges. Il a maintenant 36 députés alors qu’il en avait 45 avant ces dernières élections. Il a perdu 5 points de pourcentage, tombant de 33% à 28% des suffrages exprimés. C’est le niveau qu’avait eu le PQ à sa seconde tentative en 1973. Il est ramené ainsi au rang de 3e parti et ne forme plus l’opposition officielle.
Les bases de la coalition péquiste
Cette déconfiture ne saurait s’expliquer uniquement par une crise de leadership. C’est bien cette dernière qu’il faut plutôt expliquer. Le Parti québécois s’est construit et s’est développé comme l’expression sur le terrain national (le projet de souveraineté) d’une polarisation sociale (la montée du mouvement syndical et des autres mouvements sociaux). Il était, à l’origine, une coalition des forces qui faisaient du développement de l’État providence un objectif unificateur. Cet État providence devait alors trouver dans la souveraineté du Québec sa réalisation la plus complète. Tant les couches technocratiques vouées au développement de politiques keynésiennes que les directions du mouvement syndical voyaient dans la souveraineté la possibilité d’élargir la capacité d’intervention de l’État québécois.
D’un mode d’accumulation à un autre
Le Parti québécois était ainsi une coalition porteuse qui était en phase avec le modèle d’accumulation alors dominant. Mais avec le développement de la crise du capitalisme durant les années 80 et la volonté de restaurer les taux de profit, la bourgeoisie a abandonné son ancien modèle d’accumulation. Une offensive générale a été lancée contre le mouvement syndical et les acquis en termes de redistribution de la richesse. L’objectif du plein emploi a été abandonné. Le modèle keynésien a été remplacé par le modèle néolibéral. La remise en question de l’État providence s’est généralisée dans les couches de la petite bourgeoisie technocratique, qui s’était maintenue à la direction du Parti québécois.
Les bases minées de la coalition péquiste
Le discours néolibéral s’est donc imposé comme un guide dans la pratique de différents gouvernements péquistes durant les années 90. Ce renversement de situation a miné les bases de la coalition péquiste avec les mouvements syndical, féministe et populaire. Cette coalition est devenue de plus en plus instable. Et la promesse de la souveraineté comme permettant l’amélioration des conditions de vie, de travail et d’expansion du mouvement ouvrier et des autres mouvements sociaux ont été une promesse le plus souvent sans conséquence et de plus en plus manipulatoire. Une partie de la gauche des mouvements sociaux a rejeté la nécessité de cette coalition qui était de plus en plus improductive et néfaste.
Les raisons d’un recul
Le Parti québécois est engagé, depuis maintenant près d’une décennie, sur une pente descendante. Ce recul correspond tout d’abord à l’impossible coalition autour d’un projet partagé et commun d’État providence entre la bourgeoisie québécoise et le mouvement ouvrier. Il n’y a donc plus une définition positive pour les forces formant le bloc social d’antan de ce que serait la souveraineté recherchée. Mais ce recul correspond aussi à la faillite de la stratégie référendaire, construite autour de cette coalition en crise et sur le marketing politique, où les classes ouvrières et populaires sont réduites au rôle de simple marchepied pour pouvoir accéder au gouvernement.
Avec les dernières élections, le consensus bricolé du dernier congrès du PQ a éclaté.
La direction Boisclair et la majorité de la couche technocratique du PQ rejettent ouvertement la nécessité d’un référendum le plus tôt possible. Pour cette couche qui aspire d’abord à la gouvernance de l’État provincial, tant le programme social démocrate que la démarche référendaire ont démontré leur inefficacité pour mener le PQ au pouvoir. Pour elle, ces dernières élections ont été perdues à cause du programme social-démocrate et de la perspective référendaire durant le premier mandat d’un gouvernement péquiste. Pour les aspirants et aspirantes à la gouvernance d’un État provincial au sein du PQ, la défaite doit être l’occasion d’une offensive contre l’aile indépendantiste et contre l’aile social-démocrate du parti, et il ne faut pas laisser passer l’occasion de remettre en question son programme, y compris sur la perspective de la souveraineté du Québec. C’est pourquoi ils et elles ciblent les indépendantistes, les purs et durs qui osent ne pas faire de l’indépendance un moyen d’obtenir la gouvernance provinciale. Pour eux, les indépendantistes du PQ sont une aile suicidaire du parti qu’il faut au plus tôt marginaliser.
Vers une nouvelle version du beau risque
Le programme de cette fraction dirigeante au sein du PQ est assez clair : C’est le retour vers une nouvelle version du beau risque. On rejettera donc la perspective d’un référendum rapide au cours d’un premier mandat. La question du référendum sera soulevée lorsqu’on aura l’assurance de le gagner. C’est le retour de la perspective des conditions gagnantes de Lucien Bouchard. Ensuite on remettra en question des éléments sociaux-démocrates du programme : défense d’une certaine privatisation des services publics particulièrement en santé ; augmentation des tarifs d’électricité ; dégel des frais de scolarité, refus de l’extension des droits à la syndicalisation ; On cherchera aussi à limiter les droits d’expression démocratique des courants de gauche ainsi qu’à rejeter la possibilité de club politique de gauche comme le SPQ-libre. Il faudra de plus présider au retour en grâce de la perspective d’association avec le Canada. Enfin on identifiera des gains possibles sur le terrain national tout en gardant la perspective de souveraineté pour la forme. On ne veut pas répéter l’erreur de Pierre-Marc Johnson avec son idée d’affirmationnisme…. On veut revenir sur un discours centré sur la culture, la langue, la fierté, l’identité et l’histoire.
L’essentiel pour les "ministrables" est donc de créer les conditions pour que le Parti québécois puisse redevenir au plus tôt un parti de gouvernement…
Construire une alternative indépendantiste et progressiste, une voie incontournable
Les indépendantistes et la gauche progressiste encore présente au sein du PQ peuvent toujours vouloir s’opposer à cette orientation mais ce sera peine perdue car l’histoire a démontré que la direction du PQ, et particulièrement son aile parlementaire, n’hésitent par à passer outre les décisions des congrès. Le PQ n’est plus un lieu de débat démocratique. L’âpreté des débats dans les réalignements qui se préparent va encore réduire les espaces démocratiques en son sein. Les indépendantistes et les progressistes doivent comprendre que la seule alternative n’est pas un combat sans espoir dans un parti dirigé par des néolibéraux ou des sociaux-libéraux, mais la rupture avec une coalition dépassée qui jouera de plus en plus le rôle d’une grosse épave entravant la voie de la construction d’un parti alternatif véritable à la fois indépendantiste, féministe, écologiste et progressiste.