Le prochain Sommet de l’OMC, la cinquième conférence ministérielle, se tiendra à Cancun au Mexique du 10 au 14 septembre prochain. Les négociations, si on peut définir ainsi les opérations de tordage de bras, avec mesures de rétorsion à la clé, vont s’articuler autour de trois domaines essentiels : les échanges agricoles, l’Accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS) et l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC). Les pays riches vont, encore une fois, tenter d’ouvrir les marchés des pays en voie de développement sans s’engager à ouvrir les leurs et à étendre le terrain de chasse du capital international.
L’OMC, un instrument clé de la globalisation capitaliste et de ses principaux protagonistes, vise à éliminer tout ce qui encadre ou réglemente le commerce, les investissements et les mouvements de capitaux et qui pourrait nuire à la domination des puissantes transnationales. S’il faut pour cela s’attaquer à la souveraineté nationale, aux droits sociaux, aux organisations syndicales et populaires et réduire les dépenses publiques (éducation, santé et services sociaux), les gouvernements impérialistes n’hésitent pas une seconde. Ils ne s’arrêtent même pas devant la protection de la santé publique et de l’environnement.
L’application intégrale des politiques néolibérales malgré les mensonges sans cesse répétés liant libéralisation et prospérité pour tous, n’a fait que renforcer l’inégalité entre les pays du Nord et ceux du Sud. Ces pays ont été placés par cette libéralisation dans une situation de concurrence inégale qui a eu comme effets de les appauvrir et de favoriser le transfert de leurs richesses vers les pays du Nord. Dans ces derniers pays, les politiques néolibérales ont permis la concentration des richesses dans les mains des classes dominantes et de renforcer les inégalités sociales et l’exclusion.
Les enjeux de Cancun
La libération des échanges agricoles sera un des principaux points à l’ordre du jour à Cancun. L’Europe et les États-Unis subventionnent leurs producteurs ou leurs exportations à une hauteur dépassant le 300 milliards de dollars. Ces subventions permettent à leurs produits d’inonder les pays du Tiers Monde et de casser les productions locales de ces pays. À Doha, des promesses que ces subventions seraient remises en cause avaient été arrachées en échange d’un nouveau cycle de négociations. Le 13 août dernier, les États-Unis et l’Europe se sont mis d’accord pour l’élimination des aides à l’exportation, mais les subventions internes à la production ne sont pas réellement remises questions. De toute façon, ils refusent encore de chiffrer leurs promesses et les délais envisagés de leur application. Mais, déjà, ils cherchent à échanger ces promesses creuses contre une ouverture de la part des pays du sud visant la libéralisation des services.
Dans le cadre de l’AGCS, les pays s’engagent à négocier une « liste » qu’il « offre à la libéralisation » et à garantir un libre accès à leurs marché et à une égalité totale de traitement à l’égard de n’importe quel pays. Les services publics sont clairement visés. Les entreprises multinationales veulent pouvoir investir, sans restriction aucune, dans des domaines aussi cruciaux que la distribution de l’eau, les chemins de fer, la santé, les services sociaux, l’éducation, la culture, les services financiers, la poste, l’énergie, l’environnement, les télécommunications. L’AGCS comprend 160 secteurs de services. L’ouverture de ces champs d’investissement sont un enjeu colossal pour les entreprises multinationales. Déjà, l’Union européenne réclame que l’AGCS s’ouvre aux services dits d’environnements, c’est-à-dire le captage et l’épuration de l’eau car ses plus grandes firmes oeuvrent dans ce secteur. Pour leur part, les États-Unis réclament particulièrement. la privatisation de la filière de l’énergie. Mais, l’ensemble des services publics sont menacés par la privatisation.
Le troisième sujet des pourparlers concerne les ADPIC. Au sommet de l’OMC à Doha en novembre 2001, 144 pays signaient un accord où l’on s’entendait pour reconnaître le droit des pays à passer outre les brevets des compagnies pharmaceutiques et de pouvoir faire primer la santé publique et l’accès aux médicaments sur les « droits de la propriété intellectuelle ». Mais ce principe a été remis rapidement en question dans les faits. Ce qui était en jeu, c’était la possibilité d’utiliser, d’importer et d’exporter des médicaments génériques beaucoup moins coûteux. Mais peu après Doha, les négociateurs américains et européens ont tenté de limiter à une liste restreinte les maladies pour lesquelles les médicaments génériques pourraient être importés.
Le 30 août dernier, le Conseil général de l’OMC a approuvé un proposition émanant des pays riches (États-Unis et Union européenne) qui continue d’imposer de nombreuses restrictions aux pays du Tiers-Monde. Cette proposition a été enfoncée dans la gorge dans pays africains. Cet accord diplomatique visant à sauver la face de l’OMC va permettre qu’on continue dans les pays du tiers-monde à mourir faute de pouvoir accéder aux médicaments. Cet accord qui sera soumis à la conférence de Caucun illustre, encore une fois, de façon tragique que le cadre de l’OMC ne pourra pas devenir un espace pour des négociations équitables.
Les perspectives
L’OMC a été conçu pour favoriser la marchandisation du monde, la privatisation des services publics et la liberté de spolier des grandes entreprises capitalistes, bref pour institutionnaliser la volonté des puissants. Ce n’est pas une organisation qui peut être réformée. C’est une organisation qui doit être discréditée et enterrée.
La lutte pour un monde plus égalitaire et plus juste, un « monde qui n’est pas qu’une marchandise » nécessite qu’on élabore des perspectives d’un commerce et d’échanges construits dans une logique de coopération et de solidarité dans le respect de la souveraineté de tous les pays
Le mouvement altermondialiste s’est développé non contre le commerce, mais contre un projet qui débouche sur la régression sociale et le chaos économique, contre un projet qui vise essentiellement à légitimer le pouvoir du plus fort. Par sa mobilisation contre le Sommet de Cancun, le mouvement altermondialiste s’est donné comme objectif de faire dérailler ce projet anti-démocratique de domination marchande du monde.
Tiré de la Lettre de l’UFP
Vol. 2, n° 1, 4 septembre 2003