1. Le PT affronte aujourd’hui la plus grande crise de son histoire. Ses militants, ses affiliés et ses sympathisants sont perplexes. Bouleversés par la dilapidation du patrimoine politique et éthique du parti, ils exigent maintenant de leurs dirigeants des explications, des garanties et une autre ligne. Cette crise prend sa source dans les alliances politiques avec des partis idéologiquement conservateurs et marqués par la vénalité et dans une conception de la gestion administrative où le troc politique étouffe l’engagement de respecter la moralité publique. La crise d’orientation du PT est aussi issue de sa soumission, au travers du gouvernement fédéral, à une politique économique ultra-orthodoxe et fondée pour l’essentiel sur la continuité, otage du capital financier, qui n’a pas réalisé les promesses de reprise de la croissance économique ni de la justice sociale, contrairement au programme proposé lors de la dernière Rencontre nationale du PT. Ceci, alors que la préface des statuts du parti affirme que « le Brésil a besoin d’une révolution éthique, d’un autre modèle économique et de réformes sociales et politiques qui distribuent le revenu, la terre et la richesse ».
2. Cette crise, qui est aussi un défi, conduit à l’effondrement de l’esprit militant une marque déposée du petisme et produit une très grave usure de l’image du parti en tant qu’instrument de transformation sociale et éthique de la politique. Ce patrimoine, qui avait toujours cimenté nos pratiques de gestion transparente et participative, est menacé par les dénonciations et les témoignages contradictoires devant le Conseil éthique de la Chambre fédérale et devant la Commission parlementaire d’enquête sur le service postal, largement propagés par les médias nationaux sans que la direction du PT ne leur oppose une réponse efficace.
3. Les conservateurs de toute espèce depuis la droite la plus réactionnaire jusqu’aux néolibéraux modernes agissent pour revenir au pouvoir, dont ils n’ont jamais été totalement écartés. Mais prétendre à partir de là qu’il s’agit de « mouvements conspirateurs préparant un coup d’État » n’aide nullement à affronter les problèmes que nous avons nous-même créés pour une bonne partie. Faire le jeu de l’opposition c’est adopter ses procédés, y compris en tentant d’empêcher la commission d’enquête parlementaire, « de blinder » les coreligionnaires et de ne se fonder que sur les méthodes conventionnelles de la « gouvernabilité » en abandonnant les liens vitaux avec les mouvements et les organisations de la société.
4. Au cours de cette année et demie qui lui reste, le gouvernement Lula doit produire un choc éthico-politique. Il doit modifier sa base d’appui parlementaire, éliminer tous les accords de troc des votes en échange des charges publiques ou des amendements parlementaires. La simple intégration au gouvernement des ministres venant de l’aile du PMDB dirigée par les sénateurs Renan Calheiros et José Sarney, si elle « dé-PTise » l’administration, n’ajoute rien. Pour un gouvernement de gauche, la « gouvernabilité » doit reposer sur son programme de changements et sur le soutien des mouvements populaires. La loi de directives budgétaires doit indiquer la volonté d’une inflexion nécessaire de la politique économique, par la baisse des taux d’intérêt, la réduction de l’excédent budgétaire brut et l’accroissement des ressources publiques. La proposition, si courtisée, du « déficit zéro », exigée par Delfim Netto, le tsar de l’économie durant la dictature militaire, avec des cadeaux fiscaux encore plus importants et la multiplication des coupes budgétaires, va à l’encontre de toute orientation favorable aux changements.
5. La société réclame une lutte résolue contre la corruption, « sans tolérance aucune » en ce qui concerne les nécessaires épurations et le Congrès fédéral doit contribuer au travail compétent de la police fédérale, de la Chambre de contrôle général de l’Union et de la Justice. Les ministres accusés de pratiques illicites par le Parquet Général de la République, qui répondent à des procédures de la Cour Suprême Fédérale, auraient dû être écartés depuis longtemps déjà.
6. Outre la réduction du nombre des charges publiques dépendantes du gouvernement, nous sommes favorables à ce qu’elles soient proposées en priorité à des fonctionnaires professionnels, en raison de leurs compétences techniques, de leur réputation sans taches et, évidemment, de leur engagement à réaliser la politique du gouvernement. Il est également impératif d’établir des frontières entre le parti et le gouvernement, évitant ainsi que des dirigeants du parti sans fonctions officielles négocient en impliquant l’administration fédérale. L’absence d’une claire séparation rend toujours possible un mélange néfaste des intérêts publics et privés et compromet la nécessaire autonomie du parti.
7. La reprise de l’initiative doit également se faire au Congrès national. Il faut, enfin, tenir l’engagement de la réforme politique, la populariser, en mettant l’accent sur le financement exclusivement public des campagnes électorales et sur la fidélité partidaire. Il faut que tous ceux qui détiennent des charges électives rendent publics leurs comptes bancaires et leurs déclarations fiscales alors qu’ils exercent des mandats et qu’aucun ne puisse, durant cette période, obtenir les concessions des émissions de la radio et de la télévision. En outre, la réglementation des mécanismes de la démocratie directe, que notre Constitution prévoit, est essentielle pour garantir la plus large participation populaire dans l’orientation du gouvernement.
8. Devant la crise de crédibilité et de légitimité qui a atteint les membres de la Direction Nationale du parti, nous proposons une recomposition de l’exécutif, sans la présence de tous les dirigeants accusés qui doivent se consacrer à leur défense et présidée par quelqu’un qui jouisse de l’autorité morale et de représentativité politique pour conduire le PT jusqu’aux élections internes de septembre. Cette direction provisoire devra rétablir la démocratie interne, stimuler la participation militante et garantir une transparence absolue en établissant une Commission de vérification des comptes du parti et de recherche d’éventuelles responsabilités des dirigeants mis en cause, qui devront répondre également devant une Commission éthique interne.
9. Sans de telles initiatives évidentes et urgentes, le gouvernement et le PT un parti politique dont la majorité de la Direction Nationale est entrée en conflit avec son programme et ses statuts se mettraient sérieusement en danger. Mais le désespoir et le désenchantement croissants menacent surtout la République elle-même, qui ne peut exister sans l’activité des citoyens. Il faut la stimuler maintenant, sinon nous allons transformer en un échec politique et éthique la chance historique que 53 millions de Brésiliennes et Brésiliens nous avaient accordée.
10. C’est pourquoi, nous appelons les militants du PT notre patrimoine fondamental pour qu’ils saisissent l’occasion des élections internes du parti afin de changer la direction actuelle, qui porte la principale responsabilité de la crise où se trouve notre parti, et pour qu’ils élisent les camarades engagé(e)s dans le sauvetage de la crédibilité d’un parti qui se revendique encore d’être éthique, militant, démocratique et socialiste.
Les député(e)s (entre parenthèses l’État qui les mandate) : Antônio Carlos Biscaia (Rio de Janeiro), André Costa (Rio de Janeiro), Chico Alencar (Rio de Janeiro), Drª Clair (Paraná), Dr. Rosinha (Paraná), Gilmar Machado (Minas Gerais), Iara Bernardi (São Paulo), Guilherme Menezes (Bahia), Ivan Valente (São Paulo), João Alfredo (Ceará), João Grandão (Mato Grosso do Sul), Luiz Alberto (Bahia), Maninha (District fédéral), Mauro Passos (Santa Catarina), Nazareno Fonteles (Piauí), Orlando Desconsi (Rio Grande do Sul), Orlando Fantazinni (São Paulo), Paulo Rubem (Pernambuco), Tarcísio Zimmermann (Rio Grande do Sul), Walter Pinheiro (Bahia), Zico Bronzeado (Acre).