Avant l’élection présidentielle brésilienne, dimanche 1er octobre, les derniers sondages électoraux indiquent que Heloísa Helena (Front de gauche) a gagné sa crédibilité de candidate de gauche face à Lula (Parti des travailleurs, PT) et Alkmin (Parti social-démocrate brésilien, PSDB), candidat de droite. La victoire de Lula dès le premier tour reste le scénario le plus probable, mais le pari de faire émerger, même de manière limitée, une première alternative électorale à la direction du Parti des travailleurs de Lula semble gagné. Les sondages ont donné jusqu’à 12 % d’intentions de vote à Heloísa Helena.
Depuis le début du mois de septembre, les sondages indiquent un recul - entre 8 et 9 % des « votes valides ». Nous savons que les sondages sont une chose et les résultats électoraux, une autre. Mais, pour une première campagne électorale, ces sondages montrent que le Parti du socialisme et de la liberté (Psol), partie prenante du Front de gauche, a déjà eu un écho certain. Dans toutes les initiatives de campagne, visites de commune, réunions avec la population, Heloísa Helena est très bien reçue par le peuple. Ensuite, parce que les campagnes plus organisées du Front de gauche pour l’élection de députés ou de gouverneurs connaissent aussi un grand succès.
Ainsi, les thèmes choisis par Heloísa Helena, notamment la lutte contre la corruption et les banquiers, avec une dimension morale très forte de la candidate, explique la place importante de la campagne. Le débat autour du manifeste du Front de gauche - dont des extraits ont été publiés dans le précédent numéro de Rouge (n° 2173) - a complété la campagne.
Une série de questions sociales ont été mises au centre du débat électoral : la dette externe, l’exigence d’une augmentation massive des salaires et du pouvoir d’achat, la défense des services publics, le soutien aux nouvelles occupations de terre. Heloísa et le Psol sont intervenus, à contre-courant des médias et des dirigeants politiques de droite et du PT, pour le soutien inconditionnel à la Bolivie et à son président, Evo Morales, ainsi qu’en faveur de l’exercice de son droit à la nationalisation de sa production d’hydrocarbures, y compris contre les intérêts des classes dominantes brésiliennes.
La dernière semaine de campagne pourrait être plus favorable au Psol et au Front de gauche. Un nouveau scandale touche le PT et Lula - une tentative d’achat, pour près de 850 000 dollars, d’un dossier contre les campagnes du PSDB. Cette affaire semble avoir plus d’effets électoraux que les autres : les électeurs de gauche encore hésitants peuvent se tourner vers le Psol.
Cette première campagne constitue le premier grand rendez-vous électoral du Psol avec les électeurs. C’est une première étape. Ainsi, l’alternative de gauche, qui a commencé à être construite après la conversion du PT au social-libéralisme, est encore trop fragile pour être perçue par la majorité des électeurs comme une véritable alternative. La pression du vote utile joue aussi sur la campagne pour la construction d’une alternative de gauche au PT. Il y a, aussi, une disproportion évidente entre la sympathie pour Heloísa Helena d’une part, et les bases sociales du Psol et du Front de gauche de l’autre.
Ensuite, il faut rappeler l’énorme disproportion entre les ressources matérielles et organisationnelles mobilisées par les deux principaux blocs politiques du pays - celui de Lula et celui de la droite - et le Front de gauche. Malgré cela, un pari aura été gagné : affirmer la possibilité de construire une alternative à gauche de la direction sociale-libérale du PT, une alternative radicale et populaire. Ce n’était pas gagné d’avance, après l’expulsion des « radicaux » du PT par Lula, à la fin 2003. La campagne de Heloísa Helena et un premier enracinement du Psol montrent que c’est possible.
Paru dans Rouge n° 2174 du 28 septembre 2006.