Les classes ouvrières et populaires au Québec ont connu une série de défaites au cours des dernières années. La bourgeoisie canadienne, aidée des politiciens fédéralistes et nationalistes du Québec, a réussi à imposer des accords de libre-échange et à aligner de plus en plus les politiques canadiennes sur les politiques du gouvernement américain. La victoire du Parti conservateur a permis à ce dernier d’augmenter les budgets militaires, d’engager le Canada dans des aventures impérialistes comme celle d’Afghanistan, de réduire les politiques environnementales à peu de chose en rompant avec le soutien aux accords de Kyoto, à s’attaquer aux organisations des femmes...
Le gouvernement Charest au Québec a entamé les droits syndicaux en adoptant des lois visant à dresser de nouveaux obstacles aux tentatives de syndicalisation ; il a décrété des conditions de travail augmentant le fardeau des tâches dans le secteur public ; il a encouragé la privatisation et les PPP tant dans l’éducation que dans la santé ; il essaie encore de développer des filières énergétiques polluantes tout en tentant de jeter de la poudre aux yeux sur ses intentions réelles.
Plus dramatique encore, le secteur industriel subit les contrecoups d’une mondialisation sauvage et incontrôlée. Des pans entiers de l’appareil de production que les travailleurs et les travailleuses avaient mis en place sont détruits et ces dernières sont réduits au chômage. Leurs organisations syndicales sont affaiblies et l’arbitraire patronal tente de s’imposer sans vergogne alors qu’il est maintenant fréquent de voir des patrons de grandes entreprises exiger des réductions de salaires massives, la détérioration des conditions de sécurité et de santé au travail.
Malgré de nombreuses mobilisations, et des actions massives importantes contre les politiques du gouvernement Charest, le mouvement syndical n’a pas su jusqu’ici employer les stratégies qui auraient obligé le gouvernement Charest à reculer et le patronat à cesser d’exiger des reculs.
Panne stratégique du mouvement syndical
Le mouvement syndical est en panne stratégique suite à sa division organique en un grand nombre d’organisations concurrentes qui ne parviennent que très difficilement à construire leur unité dans l’action. D’autre part, politiquement, le mouvement syndical n’a pas de relais politique et il vit, depuis des décennies maintenant, un rapport de dépendance face au Parti québécois, qui a évolué vers des positions de plus en plus clairement néolibérales. Avec sa déconfiture et son virage à droite, il faut plus que jamais en finir avec cette dépendance.
Cette division interne et l’absence d’un parti politique pouvant exprimer clairement et de façon autonome les intérêts des travailleurs et des travailleuses débouchent sur l’incapacité pour le mouvement syndical de prendre en charge réellement les revendications des secteurs non organisés de la population, qui peuvent d’ailleurs constater l’affaiblissement du mouvement syndical et les faibles résultats de l’action collective. C’est pourquoi le mouvement syndical n’est plus une référence attirante pour les autres couches laborieuses ou pour les couches moyennes. Cet état de fait a laissé une marge de manoeuvre considérable à un politicien néolibéral comme Dumont, qui, aidé par les mass medias capitalistes, a pu offrir des solutions démagogiques aux problèmes vécus par les secteurs non organisés de la population.
Reconfiguration des rapports entre classes
La redéfinition de la structure partidaire au Québec reflète donc une reconfiguration politique de rapports de classes y compris avec la bourgeoisie canadienne. Ce processus est loin d’être complété et son évolution dépendra pour beaucoup de la possibilité pour la gauche politique de Québec solidaire de pouvoir engager un vaste débat avec les mouvements sociaux sur la pertinence de construire un grand parti militants qui occupent tant le terrain de la lutte électorale que celui des combats sociaux les plus quotidiens afin d’opposer un front comnun social et politique aux effets délétères de la mondialisation sur le territoire du Québec.
Parler des rapports entre la gauche politique, les mouvements sociaux et le mouvement ouvrier, départager la part de chacun, cerner les liens qu’ils doivent entretenir, ce sont les débats qu’il faut maintenant mener. Les mouvements sociaux (le mouvement des femmes, le mouvement écologique, le mouvement étudiant, le mouvement anti-guerre, le mouvement altermondialiste, etc.) et le mouvement syndical font face à une nouvelle phase de l’offensive néolibérale. Il y a donc nurgence pour ces mouvements sociaux de dépasser les luttes immédiates fragmentaires et de définir plus clairement que jamais le passage à l’action politique où le respect de l’autonomie de tous les mouvements, la démocratie à la base, le rejet du principe hiérarchique seront des axes d’une autre politique.
Et Québec solidaire ?
Et Québec solidaire et l’ensemble de la gauche politique dans tout cela ? La campagne de Québec solidaire a permis comme jamais d’utiliser nombre de tribunes électorales pour présenter des alternatives de gauche et présenter des options de rechange aux politiques patronales ou du grand capital et des gouvernements à leur service. Nous ne pouvons que saluer cette campagne réussie qui n’a pas fini de produire des effets significatifs chez les progressistes.
Un large colloque ?
Mais quand les mouvements syndicaux, féministes, jeunes et populaires sont déjà constitués de façon massive au Québec. Quand ils existent (souvent) depuis longtemps et qu’ils sont reconnus comme des organisations revendicatives par des secteurs sociaux non dominants, la construction d’un parti politique alternatif doit reconnaître ce qu’il leur doit et faciliter l’ouverture d’un large débat impliquant toutes ces forces sociales. C’est pourquoi nous croyons que Québec solidaire doit favoriser la convocation d’un large colloque de réflexion et d’orientation à l’initiative des centrales et des autres mouvements sociaux représentatifs visant à prendre le pouls de la situation actuelle, à se doter d’une compréhension des choses relativement commune et à se poser en interlocuteur politique dans une société où la tâche de l’heure est de dépasser la division actuelle pour regrouper tous les progressistes dans une force enfin consistante et irrésistible.