tiré du site presse-toi à gauche
« La Fédération des travailleuses et des travailleuses du Québec donne son appui au Pacte pour l’emploi et collaborera à cette vaste offensive concertée en faveur de l’emploi. » « La Confédération des syndicats donne son appui au Pacte pour l’emploi et entend collaborer pour faire de cette initiative un succès. » « La Centrale des syndicats du Québec assure le gouvernement de son entière collaboration à la réalisation des objectifs du Pacte pour l’emploi. » C’est un tour du chapeau pour le gouvernement Charest. Mais qu’elles sont donc les motivations économiques à la base de ce plan. Dans quelle stratégie syndicale s’inscrivent ces appuis ? Les travailleuses et travailleurs du Québec y trouveront-ils vraiment leur compte ?
Ce plan est une réponse aux difficultés toujours plus grandes des entreprises à combler leurs besoins en main-d’oeuvre
Suite à la baisse de la natalité et à un taux de chômage de 7%, le plus bas taux enregistré depuis 1974, l’armée de réserve industrielle (1) a atteint son plus bas niveau depuis de nombreuses années, provoquant une diminution importante de l’offre de travail. Les entreprises éprouvent des difficultés à trouver des salarié-e-s et la pression exercée par un haut niveau de chômage sur les salaires existe de moins en moins.
D’autre part, la concurrence internationale s’est exacerbée et les entreprises des puissances émergentes bénéficient d’une main-d’œuvre très peu coûteuse. Il n’est donc pas question pour le patronat de répondre à la pression exercée par le faible niveau d’offre de travail en haussant les salaires pour attirer une nouvelle main-d’œuvre. Les entrepreneurs refusent de se contenter des simples mécanismes du marché lorsque ces derniers jouent contre les employeurs. C’est pourquoi, on voit Le PLQ se transformer en gouvernement interventionniste dans le domaine économique.
Que vise l’intervention du PLQ avec ce Pacte pour l’emploi ?
Que vise cette intervention ? Le Pacte cherche à diminuer la pression à la hausse sur les salaires. Il s’agit d’identifier des « puits potentiels de main-d’œuvre » et de les transformer en offre effective de travail pour faire diminuer la pression à la hausse sur les salaires. Il s’agit d’autre part de résister aux pressions des travailleurs et des travailleuses les plus faiblement salariées qui veulent améliorer leurs conditions d’existence.
Le gouvernement Charest refuse donc toute augmentation substantielle du salaire minimum, augmentation qui risquerait d’avoir un effet d’entraînement dans le contexte actuel. En fait, le gouvernement Charest envisage une augmentation à 8,50$ l’heure du salaire minimum pour le premier mai 2008, alors qu’il devrait être de 11$ l’heure pour permettre aux travailleurs et travailleuses de vivre juste au-dessus du seuil de la pauvreté.
Et quels sont ces « puits potentiels de main-d’œuvre » pour reconstruire l’armée de réserve industrielle : les personnes assistées sociales, les nouveaux immigrant-e-s, les personnes à la retraite ou sur le bord de la retraite.
Les personnes assistées sociales sont les premières personnes toutes désignées même si le gouvernement surestime le nombre de personnes « employables » et les conditions nécessaires à leur intégration au marché du travail. Comment se contenter d’un incitatif de 200$ par mois alors que la majorité de ces personnes ont besoin de mesures d’insertion sociale, notamment sur les plans de la santé physique et mentale.
Un autre « puits d’emplois potentiels » se trouve dans l’allongement du temps de travail – soit par l’allongement de la semaine de travail soit de la période de vie au travail grâce à diverses modalités visant à repousser globalement ou partiellement la retraite des salarié-e-s. Une offensive à ce niveau se dessine ici comme le montrent les politiques des gouvernements européens sur ce terrain et les accusations des Lucides sur la paresse du peuple du Québec et son refus d’augmenter leur charge de travail. L’augmentation des taux d’immigration vise également à renforcer un autre « puits d’emplois potentiels » pour augmenter le poids de l’armée de réserve. Si le gouvernement use de la rhétorique de l’intégration de ces populations, il refuse d’augmenter le salaire minimum de façon substantielle pour les sortir de la misère. L’hypocrisie gouvernementale favorisant une intégration à rabais doit être dénoncée sans aucun ménagement.
Une mesure régressive, socialiser une partie des charges salariales des entreprises
Le Pacte pour l’emploi vise à socialiser une partie des charges salariales des entreprises. Il s’agit en fait de faire payer par l’ensemble de la population une partie de la charge salariale que devraient payer les employeurs. Cette mesure est accompagnée de l’élimination de la taxe sur le capital rendant ainsi la fiscalité de plus en plus inéquitable.
Une véritable formation qualifiante sera-t-elle au rendez-vous ? Rien n’est moins sûr !
Alors que l’on sait que depuis 10 ans, il y a une diminution de l’offre de formation continue dans les commissions scolaires et dans les cégeps, le Pacte pour l’emploi vise d’abord à la formation en compétences de base pour assurer l’employabilité des personnes assistées sociales sans donner aucune assurance sur la création de véritables emplois stables, sur le dépassement de la précarité dans l’emploi et sur leur accessibilité à de véritables formations qualifiantes.
Le syndicalisme d’accompagnement de la rentabilité des entreprises ne peut que s’aliéner les couches les plus défavorisés de la population
Pour Claudette Charbonneau de la CSN ou René Roy de la FTQ, la seule solution, pour les organisations syndicales en matière d’emploi, c’est de rehausser la compétitivité des entreprises. En ne posant pas la nécessité du salaire minimum rehaussé de façon significative pour les personnes nouvellement engagées ; en gardant le silence sur la précarité et les salaires insuffisants des emplois créés et sur les conditions d’embauches des personnes assistées sociales les directions des centrales sont en train de préparer la démobilisation. Elles ne cherchent pas à tracer des perspectives qui permettraient de créer de véritables fronts de lutte face à l’offensive néolibérale qui est en cours.
En présentant comme un dispositif intéressant et novateur la volonté du gouvernement Charest de reconstruire l’armée de réserve industrielle, le mouvement syndical se place sur un terrain où il devra faire de nouvelles concessions pour respecter la logique qu’il développe aujourd’hui.
C’est une logique mortifère pour les organisations syndicales de se faire les apôtres de la capacité concurrentielle des entreprises, car, déjà les entrepreneurs de combat font des salaires et des conditions de travail actuelles les principaux obstacles à leur capacité concurrentielle. Demain, c’est l’existence même des syndicats qui risque d’être dans la cible des entrepreneurs. Mais leur refus d’élargir les possibilités légales de syndicalisation montre bien la voie que ces entreprises veulent prendre. Il est temps plus que jamais de dépasser la stratégie de la concertation syndicale avec un patronat et des gouvernements qui sont déterminés à liquider l’État social, à privatiser les services publics et à accroître la précarité de la main-d’œuvre.
Aujourd’hui, la volonté d’un gouvernement néolibéral de renforcer l’employabilité des personnes assistées sociales ne peut être saluée et encouragée. Car l’objectif final n’est pas la création d’emplois et la lutte contre la précarité du travail et les faibles revenus. L’objectif est plutôt de permettre au patronat de résister aux pressions à la hausse des salaires. Les organisations syndicales doivent en finir avec leur adaptation à la logique néolibérale et occuper le terrain politique dans l’objectif de mettre au centre de leur action la défense des besoins sociaux de l’ensemble des classes ouvrière et populaires y compris en travaillant à construire un parti politique de gauche.
Note : Définition de l’armée de réserve industrielle
(1) Le terme " armée industrielle de réserve " ne désigne pas simplement l’existence de chômeurs en nombre plus ou moins élevé, mais de chômeurs en situation de profonde soumission au capital, au point, dit Marx, de former une masse qui " appartient au capital d’une manière aussi absolue que s’il l’avait élevée et disciplinée à ses propres frais [et qui] fournit à ses besoins de valorisation flottants [...] la matière humaine toujours exploitable et toujours disponible ". Or dans les pays capitalistes avancés - tout au moins dans la grande majorité d’entre eux - un tel rapport a été brisé par l’action de la classe ouvrière au cours des années 1930 et surtout à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.
Les situations de soumission profonde ont été remplacées par des rapports qui font qu’aujourd’hui encore, même avec un taux de chômage élevé, des travailleurs et travailleuses devenus chômeurs peuvent toujours refuser certaines offres d’emploi. Dans beaucoup d’autres pays, les chômeurs n’ont pas été obligés d’accepter n’importe quel travail. Aujourd’hui, on cherche à mettre en place des dispositifs juridiques qui contraignent les chômeurs à accepter toute offre d’emploi. On cherche aussi à détruire un à un les éléments de protection sociale (accès aux soins de santé, etc.) dont les chômeurs bénéficient encore.
Le but est de créer des conditions matérielles et psychologiques qui ferment aux sans-emploi la possibilité de refuser les emplois offerts. Son objectif est de recréer des conditions où toute "offre d’emploi" serait acceptée, où la soumission commencerait à redevenir totale. L’objectif ne sera pas pleinement atteint aussi longtemps que le chômage ne s’accompagnera pas d’une perte totale - ou à peu près totale - de toute protection contre les conséquences de la maladie, du chômage et de la vieillesse.
Pour les capitalistes, il faut commencer à répandre l’idée que le travail à très bas salaires et sans protection contre la maladie, le chômage et la vieillesse serait quelque chose de " normal ", puisque dans votre pays, dans votre ville ou votre région, à côté de chez vous, il y a désormais des travailleurs et travailleuses qui travaillent dans ces conditions. (tiré d’un article de François Chesnais)