Mensonges grossiers, propagande d’État, intox médiatique tellement outrancière que la profession s’en est émue : pour les partisans du « oui », tout est bon. Tellement désireux de montrer que, dans le sillage de la Constitution, l’Europe sociale est en marche, ils viennent de mettre en scène un « débat » du Parlement européen sur le temps de travail. Ainsi, l’opt out - disposition scélérate qui permet de déroger à la limitation du temps de travail à 48 heures hebdomadaires et d’atteindre allègrement les 65 heures - aurait du plomb dans l’aile grâce au vote des députés européens. Et le chœur des ouiouistes d’entonner les louanges des avancées sociales de la construction européenne ! Ce qu’ils oublient de dire : la Commission européenne a tous les moyens de contourner cette décision et elle a déjà annoncé qu’elle compte bien les utiliser. Elle va demander un vote en deuxième lecture ; elle pourra alors constater la persistance du désaccord entre Parlement et Commission. La décision finale sera renvoyée au Conseil des ministres... où le gouvernement britannique, qui tient absolument à conserver cette disposition, se fait fort de réunir une minorité de blocage.
Tout cela prendra quelque temps, de quoi passer tranquillement l’échéance du 29 mai ! Car, bien sûr, l’essentiel est de pouvoir continuer de faire croire que le Parlement européen a aboli l’opt out. Il sera toujours bien temps, après le 29 mai, d’annoncer aux naïfs que, finalement, tel n’est pas le cas. Ce qu’ils se gardent également de dire : en échange de cette abolition très « virtuelle », les députés européens ont accepté que la limitation à 48 heures par semaine soit calculée sur l’année, et non plus sur une période de quatre mois. Le résultat est couru d’avance : les pays où se pratique déjà l’opt out continueront à l’utiliser et les autres, grâce à l’annualisation, seront soumis à une plus grande flexibilité ! L’opération de propagande se double donc d’une grosse arnaque.
On avait déjà eu droit au même scénario sur la directive Bolkestein. Cette tentative d’aligner les acquis sociaux par le bas - au nom de la « concurrence libre et non faussée » qui est le leitmotiv de la Constitution - faisait désordre. Alors, Chirac, rejoint par les dirigeants de l’UMP et du PS, est monté au créneau, sans s’attarder sur le fait que, lorsqu’ils siégeaient à la Commission européenne, les représentants français - Pascal Lamy (PS) et Michel Barnier (UMP) - avaient approuvé cette directive. Il claironne aujourd’hui qu’il a fait céder la Commission et que, grâce à son action, la directive maudite va être « remise à plat ». Nouvelle arnaque : la Commission a signifié très clairement qu’elle continuait dans la même voie. Simplement, elle attendra que les électeurs français aient voté avant de revenir à la charge. Les Verts ont quand même voulu faire du zèle et, au Parlement européen, ils ont présenté une résolution visant à écarter le cœur de la directive, le fameux « principe du pays d’origine ». Las ! Leur résolution a été repoussée par une écrasante majorité composée de la droite, du Parti socialiste européen, dont certains socialistes français tels Pierre Moscovici. Ce dernier, partisan du « oui », prétend s’opposer à la directive Bolkestein, lorsqu’il est à Paris. Mais à Bruxelles, il l’approuve ! Une vraie leçon de chose...
Même scénario encore pour la privatisation de Gaz de France, initialement prévue début mai : quand on prétend que la Constitution européenne permet de défendre les services publics, les privatiser à tout-va ne constitue pas le meilleur argument ! On attendra donc le mois de juin, une fois passé le référendum. La campagne référendaire agit comme un révélateur impitoyable. Qui sont les vrais leaders de la campagne du « oui », sinon Chirac et Sarkozy ? Les dirigeants socialistes en sont réduits au rang e supplétifs ! On nous bassine avec un argument d’autorité : la Constitution, c’est la porte enfin ouverte de l’Europe sociale. La preuve ? La Confédération européenne des syndicats (CES) la soutient ! Gros problème : même s’ils se font discrets, ce sont surtout les patrons européens, regroupés au sein de l’Unice - le Medef européen - qui en sont les principaux supporters. Et en quels termes ! Ils se félicitent que la fiscalité et les politiques sociales relèvent toujours de la règle de l’unanimité, que le Parlement n’ait pas l’initiative des lois, que la banque centrale reste indépendante et que la Constitution donne des indications « pour guider la justice de l’UE et des États membres » afin d’empêcher « l’expansion potentielle à l’avenir de la portée des droits garantis par la charte ». Pour une fois, on peut faire confiance ! Eux savent bien que la Constitution sert leurs intérêts et que la fameuse Charte des droits fondamentaux - la partie II de la Constitution - n’ouvrira aucun droit nouveau. Leurs raisons de satisfaction sont autant d’arguments qui confortent notre « non ».
Alors, un dernier coup de collier ! Notre « non » est unitaire, populaire, anticapitaliste, de gauche et porteur d’espoir. Oui, vraiment, le 29 mai, le « non » peut gagner !
Olivier Besancenot