Paru dans "Tout est à nous n° 16 du 9 juillet 2009.
Une semaine après le coup d’État contre le président Manuel Zelaya, les mobilisations populaires se poursuivent et pourraient le mettre en échec. La solidarité internationale est nécessaire.
Dimanche 5 juillet, une marée humaine a convergé vers l’aéroport de la capitale pour accueillir le président renversé. La police s’est retirée mais l’armée a tiré sur la foule, empêchant l’avion d’atterrir et faisant au moins quatre morts et de nombreux blessés.
Archétype de la « république bananière », le Honduras vit sous la domination d’une oligarchie intraitable organisée entre conservateurs et libéraux. A leur solde, une armée, équipée et aidée par les Etats-Unis et acquise à la doctrine de sécurité intérieure. Un modèle politique, issu de la Constitution de 1982, a été mis en place au sortir de plusieurs périodes de dictature brutales où tous les partis politiques étaient interdits. Mais la violence de classe perdure et des escadrons de la mort continuent à assassiner par centaines des militants de l’opposition. Le pays sert de base d’opération US contre les processus de libération en Amérique Centrale.
Aujourd’hui, la droite fascisante présente le président renversé Zelaya comme un dangereux radical alors que c’est un oligarque libéral qui a été forcé à des concessions dans un contexte d’une ébullition sociale devenu ingérable. En avril 2008, le peuple a manifesté massivement contre la hausse des prix. Face à celle du pétrole, Zelaya a signé un accord d’échange de produits agricoles contre du pétrole avec la Venezuela. Cette coopération lui a permis de financer des programmes sociaux, sans pour autant lui donner le soutien des trois centrales syndicales et des organisations populaires réunies dans le Bloc populaire du Honduras.
Le peuple hondurien est violemment touché par les blocages d’une société profondément inégalitaire où la richesse nationale est accaprée par une minorité et concédée aux multinationales (ressources minières, pétrole, eau, forêts). Les paysans sans terre tombent sous les balles des nervis des grands propriétaires. Déjà miné par la pauvreté et la dépendance à l’économie des Etats-Unis, le pays ne s’est pas révélé du cyclone Mitch qui l’a dévasté en octobre 1998. Le traité de libre commerce, conclu en 2005 avec les Etats-Unis, parachève l’abandon de la souveraineté du pays.
Les mouvements sociaux défendent aujourd’hui l’idée d’une Constituante, idée inconcevable pour l’oligarchie et les Etats-Unis.
Aucune condamnation nette du coup d’Etat n’a été émise par les Etats-Unis, renvoyant dos à dos les deux camps. Les putschistes étaient en lien avec l’ambassade américaine pour faire échec à la consultation populaire. Si l’impérialisme yankee entend bien garder son influence dans ce bastion clé, l’administration Obama se trouve, avec ce putsch manifestement non prévu, face à une situation incontrôlée qui augure mal d’une refondation des relations avec l’Amérique Latine.
Ce coup d’État rappelle celui d’avril 2002 au Venezuela, avorté grâce à la mobilisation populaire, ou celui de Bolivie, en 2008, évité de justesse par la détermination des gouvernements latino-américains à ne pas voir émerger un nouveau Pinochet.
Le régime putschiste (patronat, oligarchie, hiérarchie de l’Eglise et armée) est acculé par l’isolement diplomatique total, privé de financements internationaux et du pétrole vénézuélien. Une partie du patronat cherche une sortie de crise négociée avec les Etats-Unis. Aucune marchandise ne passe les frontières grâce aux barrages populaires. Le coup d’Etat s’enferre mais ne semble pas pouvoir se maintenir. En jouant la carte de la menace de supposées invasions à la frontière nicaraguayenne soutenues par le Venezuela, les putschistes espèrent trouver un écho à l’intérieur du pays, via des médias totalement contrôlés, et justifier la répression. Dès lors, seules la résistance populaire au Honduras et la solidarité internationale déferont le putsch.
DUARTE Ana Maria
* Paru dans "Tout est à nous n° 16 du 9 juillet 2009.