par Alex Callinicos,
Socialist Worker (Grande-Bretagne)
5 févier 2003,
De retour du Forum Social Mondial de Porto Alegre au Brésil , je me sentais submergé par une vaste mer multicolore qui avait enveloppé tous les participantEs dans une grande vague d’exubérance.
Les images qui l’accompagnaient étaient merveilleuses. Il y a eu cent mille participantEs (deux fois plus que l’année passée), y compris 20 763 déléguéEs représentant plus de 717 organisations de 156 pays qui ont participé à 1286 ateliers et à d’autres événements plus importants. Le stade Gigantinho, d’une capacité de 15.000 personnes, a été le lieu d’une série meetings très courus durant tout le Forum.
Il fallait être là quand bondés de jeunes latino-américains applaudissant deux anglophones -deux militants antiguerre, Arundhati Roy et Naom Chomsky - pour être le témoin du développement d’un nouvel internationalisme. Même un orateur expérimenté et un militant comme Tarik Ali m’a dit qu’il était bouleversé lorsqu’il a été l’objet d’un accueil similaire au Gigantinho.
Durant les manifestations qui ont ouvert et clôturé le Forum, le petit mais bruyant contingent antiguerre européen- provenant principalement de Grande-Bretagne et d’Italie, a été capable d’attirer nombre de jeunes BrésilienNEs qui ont aimé son dynamisme et son opposition à la poussée guerrière de Bush.
George Monbiot avait tout à fait raison quant il a écrit dans le Guardian la semaine dernière : « loin d’être dépassé, notre mouvement s’est développé davantage et plus encore que nous l’avions espéré. » Même l’aile droite la plus extrême de la social-démocratie a été éveillée à la signification du mouvement anticapitaliste qui se développe sur l’ensemble de la planète.
Le New Stateman de la semaine dernière a livré un témoignage du Forum Social Mondial d’Edward Miliband, un conseiller spécial de Gordon Brown. Il a reconnu « que malgré leur détermination à coller aux politiques protestataires et non aux politiques du pouvoir, les personnes rassemblées à Porto Alegre représentaient un défi et une leçon au principal courant du centre-gauche.
Quelques personnes du mouvement ont été préoccupées de l’attention donnée à la gauche gouvernementale. Noami Klein dans le dernier Guardian de samedi se plaint de l’attention accordée à Porto Alegre aux "hommes d’importance". Elle réfère particulièrement au président élu du Brésil, Lula, et au président vénézuélien Hugo Chavez, qui, tous les deux, ont pris la parole devant de vastes assemblées, durant le Forum Social Mondial. Klein demande : « Comment ce qui est supposé représenter le rassemblement de nouveaux mouvements de la base est devenu une large célébration d’hommes qui ont un penchant pour des discours d’une durée de 3 heures sur l’écrasement de l’oligarchie ? »
La réponse est simple — la plupart des personnes qui participent au Forum soutiennent Lula et Chavez. Comme dirigeant du Parti des travailleurs, Lula est le porte-parole des travailleurs brésiliens et des mouvements des travailleurs sans terre qui sont les deux principales forces derrière le Forum Social Mondial.
Hugo Chavez est largement soutenu dans toute l’Amérique latine comme le symbole d’une nouvelle résistance à l’impérialisme américain qui sévit sur tout le continent. .. Il est assez facile de souligner les failles des deux hommes. Lula a signé un programme économique néolibéral qui l’empêchera de répondre aux espoirs de ses partisans.
Chavez sur plusieurs rapports est une figure latino-américaine typique -un dirigeant militaire nationaliste et radical qui encourage les mobilisations de masse contre la droite mais qui n’offre pas beaucoup le choix. Néanmoins, le soutien de masse à ces deux hommes est une réalité que des anticapitalistes plus radicaux ne peuvent ignorer.
Klein se plaint : « il y a deux ans, au premier Forum Social Mondial, le maître mot n’était pas « important » mais "nouveau" : de nouvelles idées, de nouvelles méthodes, de nouvelles figures ». Et c’est vrai qu’il y avait beaucoup de nouveau dans le mouvement anticapitaliste -par-dessus tout, sa capacité de s’organiser internationalement et les méthodes de démocratie directe et les méthodes de démocratie directe utilisées.
Changer le monde sans prendre le pouvoir est le nom d’un livre d’importance qui résume cette approche : ne nous préoccupons pas de l’État ; contentons-nous de nous concentrer sur la construction de réseaux locaux et globaux qui le déborderont. Les deux dernières années ont montré l’inexactitude de cette approche.
Nous avons vu le profil domestique de cette violence étatique déchaînée contre les manifestantEs de Gênes et en Argentine et le profil extérieur avec la poussée guerrière de Bush et Blair. Lula et Chavez représentent ceux dans le mouvement qui croient que nous pouvons utiliser l’État existant.
Ils ont tort, mais ils s’adressent au moins à la question que des personnes comme Klein éludent. S’ils veulent amener leurs partisans vers des approches plus radicales, ils devront donner une vraie réponse aux problèmes du pouvoir d’État.