L’événement est d’importance, mais ses conditions d’organisation ne sont pas simples. Sur le plan national, le poids des mouvements syndicaux et sociaux est, dans le processus kenyan, faible par rapport à celui des ONG et des réseaux ou agences liées aux Églises chrétiennes, catholiques comme protestantes. Sur le plan africain, ce forum devrait, à la suite de Celui de Bamako, aider à la coopération des organisations de tout le continent, par-delà les frontières héritées des grandes zones de colonisation (française, britannique, portugaise...). Dans cette perspective, il était notamment prévu de faire converger, sur Nairobi, des caravanes populaires provenant de différentes régions. Mais ce projet s’est révélé difficile à mettre en oeuvre : dans bien des cas, ces caravanes auraient dû traverser plusieurs pays (ce qui démultipliait les problèmes de visas) et de dangereuses zones de guerre, ou de banditisme. La route qui conduit de l’Afrique du Sud au Kenya reste facile d’accès, mais pour les autres pays, de nombreuses délégations devront venir par avion, ce qui limite nécessairement la participation des mouvements qui ne peuvent compter sur d’importantes sources de financement.
Sur le plan international, les plus grosses délégations devraient venir d’Asie, dont environ 500 participants d’Inde, avec une présence significative du Moyen-Orient et de l’Europe. La distance et le coût des voyages limitera la participation latino-américaine. Comme dans tout forum, le Septième FSM sera le théâtre de débats et d’échanges très variés, dont celui sur le combat contre les politiques de guerre au Moyen-Orient (Palestine, Liban, Irak...), véritable enjeu mondial, mais aussi celui concernant les guerres au sein de l’Afrique elle-même. Pour les délégations venues d’Europe - de France en particulier -, Nairobi offre l’occasion de poursuivre le travail engagé à Bamako pour élargir les liens solidaires noués avec les organisations syndicales et sociales africaines, pour s’attaquer au rôle de l’Union européenne en Afrique, et pour renforcer les campagnes en défense des émigrés, tout à la fois surexploités et suropprimés.
Le quatrième jour du Forum de Nairobi sera consacré à l’organisation des campagnes pour l’année à venir. C’est une nouveauté militante bienvenue dans le programme du FSM, mais l’organisation de cette journée fait débat : elle risque en effet d’aboutir à un éventail éclaté d’initiatives si aucune mesure n’est prise pour construire un calendrier commun d’actions qui favorise la capacité de mobilisations transversales.
C’est à Nairobi aussi que la discussion va reprendre sur la tenue, en janvier 2008, d’une journée globale d’action. Lors de sa réunion de Parme (Italie), le conseil international du FSM a en effet décidé de ne pas organiser de forum mondial avant 2009. C’est une décision d’importance, faisant suite à plusieurs années de débats assez tendus au sein du Conseil international, la plupart des mouvements militants souhaitant un ralentissement des rythmes des forums pour tenir compte de leur multiplication (forums mondiaux, régionaux, nationaux, locaux et thématiques) et de l’existence d’autres échéances militantes (mobilisations sociales, contre-sommets, etc.).
Nairobi marque une nouvelle étape dans l’internationalisation des forums sociaux. Cette année va se tenir aussi un important forum aux États-Unis. Huit ans après les mobilisations de Seattle contre l’OMC, et sept ans après la première rencontre de Porto Alegre (Brésil), l’altermondialisme est aujourd’hui présent dans toutes les grandes régions du monde. Il reste certes encore a intégrer à la dynamique internationale des pays aussi important que la Chine (un objectif pour 2008 !), mais l’expansion géographique du mouvement a été remarquablement rapide et ample.
Pierre Rousset
(tiré de Rouge)