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Allemagne

Crise entre les syndicats et le SPD

Paul B. Kleiser

dimanche 16 mai 2004

En Allemagne, les directions syndicales qui soutenaient la coalition rouge-verte prennent désormais sérieusement leurs distances avec les partis au gouvernement.

En 2002, Schroeder (SPD, sociaux-libéraux) et Fischer (Grünen, écolos-libéraux) ont à nouveau gagné les élections, grâce à leur campagne contre la politique guerrière de Bush, mais surtout grâce à leur promesse d’une politique combinant la "modernisation et la justice sociale". Mais depuis l’automne 2001, l’Allemagne frôle la récession et le gouvernement a radicalisé sa politique néolibérale. Des mesures d’austérité touchent les malades, les retraités et les chômeurs.

A plusieurs reprises, le taux d’imposition a été réduit - de 53 % à 48,5 % puis à 42 % pour les revenus les plus élevés, et de 40 % à 25 % pour les entreprises. Cela devait, selon le gouvernement, stimuler la conjoncture. Mais en réalité, cela a seulement aggravé la crise des budgets. Dans quelques régions, les conséquences pour les citoyens sont déjà dramatiques.

Le 13 mars 2003, le chancelier Schroeder annonçait son fameux "agenda 2010" pour "réformer" les systèmes de protection sociale, en déclarant : "Nous devons réduire les prestations de l’Etat, favoriser la responsabilité individuelle et demander plus d’efforts de chacun." Ainsi, par la réforme de la caisse maladie, le gouvernement veut réduire les prestations de 20 milliards d’euros, ce qui a énormément fâché la population.

Mais les attaques les plus brutales vont à l’encontre des chômeurs. L’"agenda 2010" réduit la durée de l’allocation de 32 à 12 mois. Pire, après une année de chômage, les chômeurs, qui avaient auparavant droit à l’allocation avec un plafond de 53 % du salaire net obtenu avant le chômage, n’obtiendront que le revenu minimum. Quelque 1,8 million de personnes perdront leur allocation et entre 30 % à 40 % ne seront plus indemnisé.

Les patrons chantent la même mélodie : la phrase " nos coûts de travail sont trop élevés" domine les discussions politiques (officielles). Cette rengaine est accompagné d’attaques contre les salaires : non seulement le "deuxième salaire", les prestations sociales, est en train d’être réduit et les règles imposées aux chômeurs (salaire, conditions de travail, déménagement) aggravées, mais il y a aussi une offensive pour obtenir une prolongation du temps de travail. Dans le service public, quelques provinces (länder) ont déjà introduit la semaine à 41 ou 42 heures, tandis que la réduction du nombre des jours fériés et des vacances est discutée.

Cette situation a abouti à un sentiment de morosité, surtout dans les syndicats et dans la social-démocratie. L’année dernière, près de 50 000 adhérents du SPD ont quitté le parti et Schroeder a été remplacé à sa tête par Müntefering. Les directions syndicales, qui avaient aidé à la réélection de la coalition rouge-verte, acceptaient la politique d’austérité en général.

Mais depuis quelques temps, la base syndicale gronde. La manifestation de 100 000 personnes à Berlin le 1er novembre 2003, organisée par les groupes d’extrême gauche et des regroupements critiques à l’intérieur des syndicats, protestant contre la politique de la coalition rouge-verte, fut un premier signe clair. Une partie des directions syndicales, surtout dans l’IG Metall et dans Verdi (le syndicat des services), a pris ses distances avec la coalition. Aujourd’hui, cela s’élargit et il y a des fissures profondes dans l’ancienne relation entre les syndicats et la social-démocratie. Les grandes manifestations du 3 avril à Berlin, Cologne et Stuttgart contre la politique d’austérité, qui ont rassemblé plus de 500 000 manifestants, ont constitué un signe clair. Une fois la brèche ouverte, la mobilisation autonome, par "en bas", ne pouvait plus être contrôlée par l’appareil des syndicats. En outre, il y a maintenant un peu partout des initiatives critiquant la politique de la coalition rouge-verte pour construire une alternative de gauche pour les élections de 2006. Evidemment, un grand travail est encore nécessaire pour ressembler et structurer ces mouvements de protestation et pour les faire avancer en matière de programme. C’est actuellement la tâche primordiale des révolutionnaires.

Rouge 2064 13/05/2004