Tiré du site PTAG
lundi 6 juillet 2009, par Antoine Casgrain
Un coup d’État digne des années 70 : les élites oligarchiques du Honduras décident ce qui est bon pour le peuple. En dehors de leurs partisans des classes favorisées de la capitale hondurienne, les militaires n’ont convaincu personne, ni la communauté internationale, ni le peuple hondurien, qui se bat aujourd’hui dans la rue pour le retour du Président Zelaya.
Le coup d’État au Honduras n’est pas nouveau en soi. Il est la réplique d’un nombre incalculable de coups militaires similaires en Amérique latine. Lorsque l’élite nationale, les hommes d’affaires et les politiciens en tête, voit entrer le peuple dans ces institutions, elle appelle l’armée à son secours et clame pour le retour de sa démocratie.
Malgré vingt ans de « démocratie », l’Amérique latine est toujours déstabilisée par ses inégalités économiques abyssales, la criminalité galopante et aujourd’hui la crise économique. Aujourd’hui comme hier, les élites scolarisées, fières de leur style de vie "américanisée", décident entre eux, dans le jeu des partis traditionnels, ce qui est bon pour le peuple. Devant le conflit constitutionnel qui l’affrontait au président Zelaya, l’oligarchie s’impose par la force, refusant que le peuple se prononce dans un référendum sur l’avenir du pays.
Ce qui est nouveau, c’est que, pour une fois, un coup d’État soit catégoriquement condamné par la communauté internationale, incluant les États-Unis. Le mardi 30 juin, l’Assemblée des Nations Unies a adopté une résolution condamnant sans appel l’expulsion du président Manuel Zelaya. Pour une rare fois, les États-Unis se sont trouvés dans le camp majoritaire à cette Assemblée pour appuyer un gouvernement progressiste d’Amérique latine, partageant le vote de gouvernements farouchement anti-étasuniens comme le Venezuela et la Bolivie.
Le 1er juin, l’Organisation des États américains (OEA) a donné un ultimatum de trois jour aux forces putschistes pour redonner le pouvoir au président élu. Le Honduras risque la suspension de l’organisme, connu pour être le cheval de Troie des États-Unis dans la région. La Banque mondiale a même annoncé la suspension d’un prêt de 400M$ au pays centre-américain.
Cela démontre que le contexte international a changé. L’axe politique bolivarien gagne des positions et renverse l’hégémonie étasunienne dans la région. L’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) [1] regroupe des pays certes hétéroclites et dont la dépendance au pouvoir pétrolier du Venezuela est démesuré. Mais les gouvernements de l’ALBA se sont engagés envers une intégration autonome sur la base de rupture de la domination étasunienne. Après la vague de gauche en Amérique du Sud, l’ALBA s’étend résolument vers l’Amérique centrale avec le Honduras et le Nicaragua comme pays-membres. De plus, le Salvador a élu un président du FMLN (ex-guérilla de gauche) qui, bien que modéré, montre ses sympathies pour le projet.
Il est vrai que le gouvernement de Zelaya était impopulaire. Un sondage récent lui a donné 30% d’appui. Mais ce n’est pas moins que l’appui que W. Bush recevait à la fin de son mandat. Le président Zelaya a refusé de se plier aux institutions constitutionnelles (le Congrès et la Cour Suprême), en concentrant le pouvoir de l’exécutif. Mais l’oligarchie montre aujourd’hui son incapacité à céder une parcelle, devant la possibilité d’un nouveau projet de société qui serait un menace à son hégémonie.
Barack Obama n’a pas donné son appui au gouvernement militaire, mais il n’ira sûrement pas plus loin. Le coup d’État ne sera combattu que dans la rue, les usines et les ports du pays. Syndicats et forces sociales, bien que désorganisés, appellent à la grève générale pour appuyer les manifestations spontanées des premiers jours. Le peuple fait face à toutes les armes traditionnels du coup d’État. Les médias dissidents ont été fermés, le couvre-feu a été imposé et les protestations pro-Zelaya durement dissipées. Certaines agences de presse parlent même que des escadrons de la mort (groupes paramilitaires) se sont reconstitués.
Si le gouvernement illégitime à Tegucigalpa résiste à la fois aux pressions populaires et extérieures, il pourrait bien marquer un renversement de la vague de gauche en Amérique latine.
Notes
[1] L’ALBA est actuellement composé des pays suivants : Antigua et Barbuda, Bolivie, Cuba, Dominique, Équateur, Honduras, Nicaragua, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Venezuela.