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Bolivie : bataille gagnée pour Evo Morales, mais la droite poursuit l’affrontement

dimanche 21 septembre 2008, par Hans-Peter RENK

Avec 67% des suffrages à l’échelle nationale (soit 13% de plus qu’aux élections présidentielles de 2006), le président bolivien Evo Morales a remporté le référendum révocatoire du 10 août 2008.

Bolivie : bataille gagnée pour Evo Morales, mais la droite poursuit l’affrontement
RENK Hans-Peter
21 août 2008
Paru dans le périodique suisse « solidaritéS » n°132 (21/08/2008), p. 5.


Avec 67% des suffrages à l’échelle nationale (soit 13% de plus qu’aux élections présidentielles de 2006), le président bolivien Evo Morales a remporté le référendum révocatoire du 10 août 2008. Mais comme les préfets de droite dans les quatre départements orientaux, dits de la « Media Luna », ont également été confirmés dans leurs fonctions, le gouvernement bolivien n’en a pas fini avec les campagnes déstabilisatrices.

La campagne référendaire ne fut pas une partie de plaisir pour Evo Morales, l’opposition ayant mené une série d’actions musclées : ainsi, la session d’honneur que le Congrès national devait tenir dans la capitale historique, Sucre, pour le 183e anniversaire de l’indépendance a dû être annulée.

En cause, le manque de sécurité pour les participant-e-s (député-e-s, fonctionnaires et invité-e-s), dans ce département tenu par l’opposition. Une rencontre prévue à Tarija entre Evo Morales, Hugo Chávez (République bolivarienne du Venezuela) et Cristina Kirchner (Argentine) a dû être suspendue, après des attaques menées par les « gros bras » de la droite contre les délégations venues préparer le sommet. Enfin, le 7 août, le préfet de Santa Cruz, Ruben Costas, appelait l’armée bolivienne à renverser Evo Morales.

Par ailleurs, un épisode tragique survenu dans la semaine précédant le scrutin témoigne de sérieuses contradictions entre les autorités et des secteurs du mouvement ouvrier : le 21 juillet, la Centrale ouvrière bolivienne (COB) avait lancé une grève illimitée contre la nouvelle loi sur les retraites. Le 6 août, 2 mineurs ont été tués lors d’affrontements avec la police (corps hérité des précédents gouvernements de droite). Depuis lors, la COB et le gouvernement ont cependant trouvé un accord pour rediscuter cette loi et faire baisser la tension consécutive à l’affrontement du 6 août. Des résultats clairs

Au soir du 10 août, le score présidentiel était déjà sans appel : 63% des bulletins dépouillés. Si Evo « cartonne » dans les régions de l’Altiplano (Ouest de la Bolivie), ses résultats définitifs enregistrés dans la « Media Luna » montrent une avancée significative (53% à Pando, 49,83% à Tarija, 41% à Beni, et 38% à Santa Cruz, bastion de la droite la plus récalcitrante).

Mais la reconduction des préfets de droite indique que le thème des « autonomies » régionales, même manipulé, trouve un écho au-delà de l’électorat de la droite. Néanmoins, dans deux départements (La Paz et Cochambamba), les préfets de droite sont retoqués par les électeurs, tandis qu’à Oruro, Luis Alberto Aguilar (MAS) est reconduit de justesse (50,7%).

Une majorité des citoyen-ne-s boliviens se sont prononcés en faveur d’une politique qui se traduit par la récupération des entreprises publiques et des ressources naturelles (nationalisation des hydrocarbures, le 1er mai 2008, opposition à la privatisation de l’eau), des lois sociales avec la mise en chantier d’une nouvelle Constitution (reconnaissant les droits des communautés indigènes).

Toutefois, la réaction de la droite (battue nationalement, mais victorieuse dans ses fiefs historiques) est significative : au soir du 10 août, le préfet de Santa Cruz, Ruben Costas, proclamait la mise en vigueur du statut d’autonomie, notamment par la constitution d’une police départementale (qui recrutera certainement parmi l’Union de la Jeunesse de Santa Cruz, aux arguments très frappants durant la campagne référendaire).

Fidèle à la tradition raciste de la droite, Ruben Costas n’a pas hésité à qualifier Evo Morales de « macaque » (et le président vénézuélien Hugo Chávez de « gros macaque »…) ! Des propos non relevés par les médias nord-américains et européens, prompts à soutenir les opposants aux gouvernements latino-américains jugés non récupérables (au contraire d’un Lula, au Brésil). Ces prochains mois, le peuple bolivien aura encore fort à faire pour faire respecter ses choix démocratiques.

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RENK Hans-Peter
* Paru dans le périodique suisse « solidaritéS » n°132 (21/08/2008), p. 5.