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A propos de la manifestation contre la guerre du samedi 28 septembre à Londres

samedi 28 septembre 2002, par Tariq Ali

Le ciel était magnifiquement bleu. La coalition " Stop the war" [Arrêter la guerre] - un front uni qui regroupe des socialistes de toutes tendances, des libéraux et des courants radicaux, des pacifistes et des groupes musulmans modérés - attendait 200000 personnes. Mais l’ambiance en Grande-Bretagne est au malaise et un grand nombre de personnes, y compris des conservateurs ou des personnes apolitiques, ont décidé de venir grossir la marche.

Une semaine avant, le " New Labour " [nouveau Labour ; nom donné au Labour Party depuis que l’équipe emmenée par Tony Blair en a pris le contrôle au milieu des années 90] a publié le dénommé dossier Blair, un méli-mélo de demi-vérités et de faits rassis, qui représente une tentative brutale de guerre de propagande. Cela s’est misérablement retourné contre ses auteurs. Blair a été au pire de ses prestations. Le disk-jockey souriant sur un mode clérical. Tout réduit à une histoire pseudo-morale. Discours de guerre et piété constituent une combinaison vraiment répugnante. Cela a peut-être convaincu son horrible cabinet fantôme, une bande de médiocrités, dont la plupart auraient des difficultés à trouver du travail ailleurs. Blair préfère qu’il en soit ainsi : au pays des aveugles, le mendiant borgne est roi.

Le Daily Mirror, le tabloïd qui domine à Londres, a consacré 8 pages à dénoncer ce "dossier " et Blair. Ce journal a changé de manière décisive d’orientation après le 11 septembre, contrairement à ses rivaux et aux titres qui prétendent mieux faire. Le seul article en faveur de la guerre publié dans ce numéro, hallucinant à tous points de vue et publié pour donner à une voie à la Maison blanche, est paru sous la signature de Christopher Hitchens, l’ancien éditorialiste de Nation [un hebdomadaire des milieux libéraux de gauche aux Etats-Unis. C. Hitchens est notamment l’auteur du livre Les crimes de Monsieur Kissinger, dont la traduction française est parue en 2001]. L’homme au complexe d’Orwell est tombé bien bas. Et il continuera de tomber.

Pas de guerre contre l’Irak et Justice pour la Palestine : ce sont les deux thèmes qui unissaient toutes celles et tous ceux qui étaient présents ce samedi 28 septembre à Londres. Sky TV, de Murdoch [le magnat hyperconservateur des médias, propriétaire de l’empire News Corporation], a annoncé 400 000 manifestants. La radio irlandaise a insisté pour dire qu’il y avait un demi-million de personnes. Les informations de Channel Five ont parlé de plus d’un quart de millions. Seule la BBC a repris le chiffre de la police : 150 000 manifestants.

Soyons modestes. Admettons qu’il y avait plus de 350000 personnes, venues de toutes les parties du pays, pour manifester leur mépris pour Tony Blair et son soutien à la guerre contre l’Irak planifiée par Bush. J’ai rencontré des gens, jeunes et vieux, qui n’avaient jamais participé à une seule manifestation. Rites de passage. Et l’ambiance était au défi et à la colère.

La nouvelle vague de dirigeants syndicaux, élus pour défier les thatchériens du New Labour, est solidement opposée à la guerre. Bob Crow, la quarantaine, leader des cheminots, a dénoncé Blair avec des termes au vitriol. De même que Mark Serotka, des employés des services publics, et d’autres encore.

Puis Tony Benn, George Galloway et Jeremy Corbyn (les deux derniers toujours membres du Parlement) ont parlé pour les membres du Labour Party opposés à Blair. C’était le sabbat juif : le groupe de juifs hassidiques ne pouvait pas prendre la parole, c’est donc un jeune musulman de Leicester qui a lu leur plaidoyer émouvant pour les droits des Palestiniens.

Le maire de Londres, Ken Livingstone, était également là pour dénoncer vigoureusement le Premier ministre. De nombreux Londoniens avaient poussé un soupir de soulagement lorsque Blair avait refusé de laisser Livingstone rentrer au Labour [il en était sorti pour se présenter en 1999 comme indépendant à la mairie du grand Londres, contre la volonté de l’appareil du Labour]. N’ayant plus besoin de lécher les bottes de la direction du New Labour, Livingstone a changé de position, une nouvelle fois. Parfois, l’opportunisme peut orienter vers la gauche.

Personne dans la manifestation ne s’est laissé prendre au discours sur une guerre menée par l’ONU, qui serait plus acceptable qu’une attaque de Bush-Blair. Le mouvement pacifiste anglais, pour une fois, ne sera pas désarçonné si les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU acceptent que les hommes de Bush [bushmen : les broussards] leur tordent le bras et leur remplissent leurs bourses. Ici, le mouvement continuera. Et lorsque les bombes commenceront de tomber, il y aura des actes de désobéissance civile non-violente à travers tout le pays. Nous avons besoin de la même chose aux Etats-Unis.

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