22 février 2007
De Rome,
Après un silence de deux ans, le mouvement antiguerre italien est de retour, uni, radical, déterminé. La manifestation de Vicence, avec 100 000 participants, dont énormément de jeunes et de citoyens de la ville, montre que la vague de la mobilisation contre la guerre n’est pas retombée. Pour la première fois, les manifestants ne protestaient pas contre un gouvernement « ennemi » mais contre leur propre gouvernement. C’est en effet la première grande manifestation de masse contre le gouvernement Prodi de la part d’une population qui, dans sa grande majorité, a voté pour lui.
La coalition de centre gauche au pouvoir ne peut plus nier cette réalité et ses contradictions internes. Le Parti de la refondation communiste (PRC), qui en fait partie, se veut un « parti de lutte et de gouvernement ». L’inconsistance de cette formule est devenue évidente samedi soir, quand, après l’énorme manifestation, Prodi a déclaré qu’il ne reviendrait pas sur le feu vert qu’il avait donné au Pentagone pour le doublement de la base de l’Otan à Vicence.
Voilà donc un énorme problème politique posé au gouvernement par la mobilisation de Vicence. Cette question mais aussi la politique étrangère et le refinancement des missions militaires, en particulier en Afghanistan, étaient à l’ordre du jour mercredi de la discussion du Sénat.
Vicence représente un tournant. Il met fin aux illusions et attentes vis-à-vis du gouvernement, et remet en marche le mouvement antiguerre qui va être la priorité des efforts militants, avec l’assemblée nationale contre la guerre qui doit se tenir à Rome samedi 24 février. Il faut continuer à construire ce mouvement, à tisser des liens, à prendre des initiatives sur des objectifs concrets, en reprenant les expériences des six ou sept dernières années, et se libérer enfin du frein constitué par la présence au gouvernement. Voilà les tâches d’une vraie gauche, dont devrait faire partie un PRC digne de ce nom, qui se développerait en partant du soutien quotidien à la lutte de Vicence mais aussi contre la présence de troupes italiennes en Afghanistan.
La manifestation de samedi permet de réfléchir sur le mouvement lui-même. 20 000 citoyens de Vicence - ville de 110 000 habitants - ont participé à la manifestation, rejoints par les comités « No Tav de la Val di Susa » (contre le train grande vitesse Turin-Lyon) et par une multitude de collectifs représentant des luttes locales en défense de l’environnement, de la santé publique, des biens communs. Elle avait une dimension très populaire, plurielle, fondée sur une forte solidarité et détermination dans la lutte (« on résistera une minute de plus que vous », disait une banderole ouvrant la marche). Derrière la tête de manifestation, il y avait un immense cortège de jeunes, venant de centres sociaux pour la plupart, mais aussi des collectifs étudiants et lycéens, des syndicats de base, des associations (dont la Gauche critique, courant interne au PRC, avec 400 militants), constituant ainsi le cœur de la marche, se voulant fortement « extra-institutionnel » et se démarquant nettement de la fin de la manifestation où s’étaient regroupés les partis (PRC, Verts et PDCI) avec la CGIL.
On renoue ainsi avec des manifestations à participation massive, débordant les forces organisées, comme on en a connu depuis celle de Gênes en 2001 et qui ont aussi fortement contribué à la défaite de Berlusconi en 2006. La bataille contre la base militaire n’est pas terminée. Maintenant, il faudra respecter l’autonomie, la radicalité et l’opposition inconditionnelle à la guerre du mouvement. Pour ce qui la Gauche critique, on le fera au Parlement, en votant contre la mission en Afghanistan et en harcelant le gouvernement pour qu’il bloque la construction de la base de Vicence.
CANNAVO Salvatore
* Rouge n° 2194 du 22 février 2007.
Mis en ligne le 23 février 2007