Depuis Porto Alegre, on connaît la fortune du mot d’ordre : "Un autre monde est possible !". Bien sûr répond Daniel Bensaïd dans son dernier ouvrage. Mais lequel ? Et comment ? Partant du constat de l’épuisement des dispositions traditionnelles de lutte politique et de l’apparition d’un champ contestataire dont les formes inédites ont pris nom de mouvement social, l’auteur questionne à la fois les acteurs et les concepts de l’ancien et nouvel "anticapitalisme". Plèbes, classes, multitudes : que disent encore ces notions ? Où en sont les théories de la division sociale et de la redistribution ? Que vaut l’exigence de reconnaissance sociétale portée par les théoriciens de la micropolitique et dont certains - les théoriciens des Culture Studies, par exemple - affirment qu’elle pourrait remplacer avantageusement une revendication sociale trop étroite, trop bornée ? Il va falloir nécessairement, insiste l’auteur, que ce jeune mouvement s’affronte à la question du pouvoir, qu’il se mette en position de répondre aux dangers d’éclatement ou de repli qu’il provoque ? "L’enjeu est indissociablement analytique et stratégique", le risque étant que "la micropolitique" et "les antipouvoirs" ne servent davantage "le renoncement à une transformation radicale (une résignation à ne plus ’changer le monde’)", qu’un réel projet d’émancipation. "La crise ouvre le champ des possibles, mais ne garantit pas les conditions de son propre dénouement", rappelle l’auteur.
Éditions Textuel, coll. La discorde, sept. 2003. 184 pages, 18 euros.
Jérôme-Alexandre Nielsberg
(tiré du site de l’Humanité)