Tiré du site de la revue Mouvement
n°15-16, mai-août 2001
« - Je suis lesbienne, vous savez, dit-elle.
– Je ne suis pas sûr que vous sachiez ce que vous êtes, dis-je, et même si vous le savez, chérie, j’aime assez l’idée d’être amoureux d’une femme que je ne peux pas baiser. D’une certaine manière je trouve ça pur et simple. »
James Crumley, Les serpents de la frontière (Bordersnakes), 1996.
Roman noir : la noirceur du désenchantement tend à donner une tonalité particulière à ce genre littéraire. C’est comme s’il y avait, dans la déception des épreuves de la vie, un fil analogique qui reliait des trajets biographiques, des conditions d’écriture et des conjonctures socio-historiques disparates. Le scepticisme à l’égard du monde et de ses conventions, comme des humains qui s’y « agitent », l’ironie sombre à l’égard de soi (dans le cas du héros-narrateur) et des autres, voire le cynisme et un relativisme immodéré (dans le « tout se vaut ») sont souvent au rendez-vous. Une telle ambiance peut nourrir une radicalisation de la critique des institutions de nos sociétés. Mais cette critique sociale semble hésiter entre la réouverture de l’espace des possibles face à la fermeture dominante du monde et un fatalisme du « tout est gangrené » et du « à quoi bon ». De ce point de vue, le polar nous invite fréquemment à marcher sur une corde raide.
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